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Women Wage Peace
Vivian Silver, 74 ans, native de Winnipeg, qui a émigré en Israël il y a un demi-siècle, a toujours milité en faveur de la paix. Tout indique qu’elle a été kidnappée par les terroristes du Hamas.
Claude Lévesque
Devant l’horreur les mots manquent. Il vaudrait peut-être mieux se taire, mais les êtres humains ont besoin de « s’extérioriser », surtout s’ils ont vécu cette horreur de proche ou dans leur chair, mais aussi quand ils y ont assisté de loin en observant des écrans.
C’est la plupart du temps la colère qui s’exprime.
Les commentateurs professionnels, y compris les reporters qui sont réputés « objectifs », sont bien obligés, de par leurs fonctions, de dire quelque chose. On s’attend à ce qu’ils s’élèvent au-dessus du courroux et de l’invective. Ils ne le font pas toujours. Parce que c’est difficile, parce que c’est presque impossible.
Le conflit israélo-palestinien soulève les passions depuis des décennies, dans les périodes de relative accalmie comme dans celles où la violence atteint son paroxysme. Des personnes remarquables, remarquablement braves, osent quand même parler de paix et proposer des façons de parvenir à une paix véritable et possiblement durable. Ils et elles s’élèvent au-dessus de la mêlée et du carnage. Ils et elles en paient souvent le prix.
Vivian Silver est du nombre.
En mars dernier, elle accordait une entrevue à En Retrait, via l’application zoom, depuis le kibboutz de Be’eri, tout près de la bande de Gaza. Au moment de mettre notre numéro d’octobre en ligne, tout indique qu’elle a été kidnappée par les terroristes du Hamas.
Un évènement tragique, ironique et absurde. Cette femme juive de 74 ans, native de Winnipeg, qui a émigré en Israël il y a 50 ans, a toujours milité en faveur de la paix. En 2014 elle a fondé en compagnie d’autres femmes l’organisation Women Wage Peace (Les Femmes font la paix), tout en faisant la jonction avec des consoeurs de Palestine.
Voici d’ailleurs quelques extraits de l’article :
« [En 2014] la bande de Gaza venait de vivre une troisième guerre en cinq ans. C’était une guerre particulièrement difficile. J’habite dans un kibboutz à Be’eri, près de la frontière. Dans cette région, nous sommes habitués à la guerre, à la vengeance et à la violence du terrorisme.
« C’est très traumatisant. La majeure partie du pays n’est pas affectée par ces guerres, du moins elle ne l’avait pas été jusqu’à ce moment-là. En 2014, cependant, les Israéliens ont été mobilisés en grand nombre.
[…]« Plus de 70 ans de guerre presque ininterrompue ne nous ont apporté ni la paix ni la sécurité. Nous devons briser le paradigme qui veut que seule la guerre peut nous apporter la paix. Un groupe de femmes ont lancé à Tel Aviv un mouvement non hiérarchique voué à ce changement de paradigme. »
« Seule une entente politique peut apporter la sécurité aux gens des deux côtés de la frontière. Il est temps de prioriser les gens plutôt que les luttes pour le territoire. Des vies ont été perdues ou brisées.
« En novembre 2014, nous avons convoqué des conférences d’action sociale à Sdérot, près de la bande de Gaza. Nous avons marché le long de la route en portant des banderoles qui disaient : « Enough is enough !
« Nous avons eu l’idée d’un projet de Loi sur les alternatives politiques […] après avoir appris que le gouvernement n’avait discuté d’aucune alternative à l’action militaire. Seule la guerre avait été envisagée, comme d’habitude. Après deux années de discussions, nous avons décidé de présenter un projet de loi ayant pour but d’obliger le cabinet à discuter d’alternatives politiques avant de s’engager dans une guerre. »
C’était donc en 2014. En mars, je n’avais aucune idée que j’enverrais, le samedi 7 octobre au matin, un courriel à Vivian Silver pour lui demander de décrire les évènements dramatiques qui se déroulaient près de chez elle et dont on ignorait encore les détails horribles. Le courriel est évidemment resté sans réponse.
Les circonstances ont changé depuis mars (et depuis la situation en 2014), mais elles ne sont pas totalement différentes. Aujourd’hui, les Israéliens ont plus que jamais le sentiment d’affronter une menace existentielle, car les victimes sont très nombreuses dans leur camp et incluent des poupons et des grand-mères. Comme d’habitude, cependant, la vengeance semble être le seul remède prescrit.
Le fils de Mme Silver, Yonatan Zeigen, a parlé à la journaliste du réseau CBC mardi 10 octobre. Il a relaté avoir parlé à sa mère alors que sa maison était attaquée. M. Zeigen a souligné le fait qu’elle a consacré sa vie à la recherche de la paix, soulignant que, ces derniers temps, elle travaillait aussi pour une organisation qui aide à transporter des malades gazaouis vers des hôpitaux israéliens.
Existera-t-il encore des mouvements pacifistes au Proche-Orient dans un avenir prévisible ? Je ne suis d’aucune façon un devin mais je persiste malgré tout à croire que oui.