À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : Jazz

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Smalls Jazz

Serge Truffaut

Avec des bouts de ficelle et les trois fois rien, quand ont peut leur mettre la main dessus évidemment, le saxophoniste Cory Weeds, ténor de l’Ouest, a fait de Cellar Live l’un des meilleurs labels de jazz qui soit. Où donc? Dans le monde. Rien de moins. On ajoutera qu’il a fait cela avec la force que l’on prête au poignet. Le droit ou le gauche ? On n’en sait rien. Bien.

Il est donc saxophoniste. On ajoutera d’abord et avant tout. Et comme il voulait jouer jusqu’à plus soif, il y a vingt ans de cela, donc encore jeune, il a demandé à papa de lui faire un prêt. L’objectif de cette circulation de capital ? Transformer une pizzeria en un club de jazz en plein centre-ville de Vancouver qu’il a baptisé Cellar Live.

Pendant quatorze ans il a tenu le coup. En 2014 il a fermé boutique, mais pas l’arrière-boutique. « De-que-cé ? » En fait, la pièce située derrière les rideaux de la scène était le siège social de l’étiquette de jazz qu’il avait fondée simultanément, soit Cellar Live Records. Au début, bien des albums proposés étaient des enregistrements réalisés dans le club évoqué.

Puis, avec patience et un goût certain, l’ami Weeds a confectionné un catalogue qui a eu les échos de l’enthousiasme et du respect jusqu’au quadrilatère où sont concentrés les « plus-meilleurs » clubs de jazz au monde. On aura compris que nous voici à « Nueva Yorke », comme disent les danseurs de salsa.

Poe et les cris du corbeau

Parmi ces clubs, les Village Vanguard, Blue Note et compagnie, on a retenu Small’s situé à deux ou sept pas du dispensaire où Edgar Allen Poe soigna ses neurones embrouillés par l’alcool et les cris du corbeau. À l’image du Cellar Live, Small’s est un club et une étiquette fondés par un musicien: l’excellent pianiste Spike Wilner.

Dans le lieu animé par ce dernier, les meilleurs musiciens habitant Gotham City se produisent : les batteurs Kenny Washington, Louis Hayes, Lewis Nash, Joe Farnsworth et autres, les pianistes Mike LeDonne, Anthony Wonsey, Jeb Patton, David Hazeltine, les trompettistes Jeremy Pelt, Terrell Stafford, Joe Magnarelli, les trombonistes Steve Davis… Pour faire court, vraiment court, tous ces musiciens et bien d’autres ont participé à des enregistrements produits par Weeds.

À ces musiciens américains, Weeds a toujours joint les « Kanadians ». Et là, on touche, voire on met le doigt sur l’extraordinaire de cette aventure, car le camarade Weeds nous a fait découvrir des musiciens qui tous partagent leurs temps entre Vancouver, l’Île Victoria et autres lieux à trois enjambées du Pacifique.

Ils sont pianistes et s’appellent Tilden Webb, Miles Black, Chris Gestrin, Ross Taggart – décédé en 2013 -. Ils sont saxophonistes et s’appellent Steve Kaldestad Mike Allen et Grant Stewart. Ils sont batteurs et s’appellent Jesse Cahill… Bon. La liste est longue, mais propose des petites merveilles d’albums.

Parmi ceux-ci, on a retenu: Cory Weeds Quintet – Live At Frankie’s Jazz Club avec l’immense Harold Mabern au piano, Steve Kadelstad – Straight Up avec le grand Mike LeDonne au piano, Pat LaBarbera/Kirk MacDonald Quintet – Trane of Thought, Introducing Craig Scott Quintet ainsi…

Ainsi que les tous récents Steve Kaldestad – Live At Frankie’s Jazz Club et Cory Weeds Quartet – Just Coolin’. Dans les deux cas, ces saxophonistes entourés de ce qu’il faut bien qualifier de «sacrées pointures» de l’ouest, cisèlent les notes du jazz avec une profondeur, une passion et un sens de la nuance qui font de ces productions en quartet des petites merveilles.

Quoi d’autre ? Ils se présentent comme des musiciens de jazz et ne font que ça, du jazz. Pas de la musique «installation post-moderne pour préposés à l’ambiance de la branchitude chère aux petits-bourgeois». Autrement dit, aux poseurs. Amen !

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Le 8 mars dernier, le trompettiste Ron Miles est décédé à Denver. Il avait 58 ans. Avec Wadada Leo Smith, Dave Douglas et deux ou trois autres, il se distinguait par son inclination pour le risque. Bref, il était aventurier. Il avait acquis la grande réputation avec son vieil ami le guitariste Bill Frisell à la faveur d’albums qui ont fait date, dont Quartet. Plutôt que de faire ce que font la majorité des musiciens, soit s’installer à New York, il décida de rester à Denver pour faire ce qu’il adorait faire : enseigner, transmettre. L’homme, c’est à souligner, était « archi-diplômé » en musique comme en ingénierie. En d’autres mots, il adorait son instrument et la pédagogie.

L’été, avec ses amis le saxophoniste Joshua Redman, le batteur Brian Blade, le pianiste Jason Moran, le contrebassiste Scott Coley et Frisell il faisait la tournée des festivals. Sinon ? Il enregistrait. D’ailleurs trop rarement. Son dernier album Rainbow Sign sur étiquette Blue Note a ceci d’exemplaire: il est une dissertation magistrale sur la finesse. Plus fin que Ron Miles, tu…

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Le pianiste et compositeur Jon Batiste a établi un record  : il est reparti avec 11 Grammys dont celui de meilleur album pour We Are. Patron de la formation qui anime musicalement le Late Show de Stephen Colbert, Batiste, Louisianais d’origine, avait été en nomination pour les catégories jazz, blues et autres. Bref, notre homme est un touche-à-tout bourré de talents.

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Candid Records, le label de la contestation fondé au début des années 60 par Archie Bleyer et Nat Hentoff, alors chroniqueur au Village Voice, vient de ressusciter, comme filiale de Exceleration Music. Tout récemment, les nouveaux animateurs de cette étiquette ont re-publié les célèbres Charles Mingus Presents Charles Mingus et le manifeste de Max Roach We Insist !

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