À propos de l'auteur : Jean Dussault

Catégories : International, Société

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Catherine Saouter

Le déclencheur des plus récentes manifestations contre le régime iranien a été la mort en prison de Masha Amini. La version officielle veut que la jeune femme y soit morte  d’une maladie enfantine non soignée. Une autre version attribue son décès à des blessures infligées en prison. Dans ces deux versions, elle a été emprisonnée pour avoir « mal » porté son voile.

Jean Dussault 

L’histoire des religions est remplie de discrimination à l’endroit des femmes. Le rabaissement des femmes a sans doute à voir avec la domination masculine sur la plupart des directions religieuses anciennes et contemporaines.

Il est peu probable que les potentats religieux soient soudainement éblouis par la lumière de la démocratie égalitaire. Ce n’est donc pas sur eux qu’il faut compter, ce n’est donc pas à eux qu’on peut se fier pour atteindre le traitement équitable des femmes et des hommes.

C’est pire dans trop d’autres pays, c’est aussi vrai ici.

L’exemple le plus évident du sexisme religieux institutionnel au Québec est celui de la domination d’un clergé catholique particulièrement conservateur pour la majeure partie de l’histoire.

Le « bon vieux temps »

L’Église catholique d’ici n’était alors guère contestée, privément ou publiquement. Elle était même foncièrement respectée, en partie parce que le seul pouvoir qui parlait la langue de la majorité était celui du clergé. Religion et politique étaient intimement mariées, pour le meilleur et pour le pire. Puis vint un temps où une bonne partie de la société a été tentée par une autre vision des choses.

Et le mariage fut rompu.

Le dogmatisme pas si lointain de l’Église catholique québécoise a été la source d’une grande part de la désaffectation à son égard. Rien n’indique par ailleurs que cela ait entraîné une diminution de la foi en Dieu, ni multiplié les condamnations aux flammes éternelles. L’optimiste en conclura que les dieux sont moins bêtes que ceux qui s’en proclament les porte-voix.

Cachez ces cheveux

Personne d’honnête n’a jamais cru que les couvre-chefs imposés aux femmes catholiques du Québec à la messe du dimanche symbolisaient leur force, leur autonomie, leur indépendance. Assises ou agenouillées à côté de leur mari obligatoirement tête nue. Là aussi, la chevelure féminine était considérée indûment envoûtante, dangereusement titillante.

La coiffure des femmes catholiques québécoises qui fréquentaient l’église  était un cache-sexe ridiculement mal placé. Après tout, en fait avant tout, le Livre de la Genèse « révèle » qu’Ève a été la première femme source de péché parce que, hum, ses cheveux aussi étaient à l’air libre.

D’une façon analogue, peu prétendront qu’une citoyenne voilée d’un hijab, enveloppée d’un tchador, couverte d’un niqab ou écrasée par une burqa exprime ainsi sa force et son indépendance. Personne ne pensera non plus que l’épouse juive hassidique proclame en public son autonomie quand elle cache sous une perruque ses cheveux réservés à son mari.

Les généralisations sont toujours périlleuses. Reste qu’en général, les ultras de toutes les tendances religieuses préfèrent que les femmes, leurs femmes ne soient pas vues en public autrement que marquées au fer vestimentaire.

Il s’agit là clairement d’une  domination sexiste, même d’une prise de possession extrajudiciaire que tout le monde reconnaîtra puisque son symbole est immanquablement apparent.

Évident. Oppressant. Opprimant.

L’habit fait le moine 

Trois évidences aveuglent le débat sur les signes religieux dans l’espace public. D’abord, tout le monde a le droit de s’habiller à son goût et tout le monde a le droit d’avoir une  opinion sur le goût en question.

Ensuite, tout le monde doit se faire à l’idée que l’expression « signes religieux » peut être un fourre-tout sémantique qui cache une inavouable aversion à une sorte de signes d’une religion en particulier, en l’occurrence une ou l’autre des versions du voile porté par une minorité de femmes musulmanes. Enfin,  tout le monde doit admettre que tous les signes ne signifient pas la même chose et que c’est d’ailleurs pour ça que les signes existent.

Euh, les hommes

Des militants laïcs peuvent être offensés par le turban du chef du NPD, Jagmeet Singh, ou par la kippa de l’ancien chef de l’opposition à Montréal, Lionel Perez. Quand même, personne n’a imaginé qu’un de ces deux hommes de pouvoir (relatif) s’était fait imposer sa coiffure par sa chérie ou son rabbin. Le port d’un signe religieux par un homme de pouvoir ne signifie rien d’autre qu’une adhésion à une religion ; le port d’un signe religieux par une femme ne proclame aucun pouvoir que ce soit.

Recto-verso

La femme en niqab au Québec est l’envers de la médaille de l’adolescente hyper-sexualisée. Dans le cas de celle-ci, les féministes, les progressistes, les raisonnables et les parents concluront qu’elle est au minimum innocente et que ça va lui passer.

D’autres personnes sensées détermineront qu’elle est une des trop nombreuses victimes des diktats de la mode inspirée par des exploiteurs de la nature humaine voués au culte du profit. Il se pourrait que la réplique soit sèche, il paraît que ça arrive à cet âge : « je peux m’habiller comme je veux, j’ai le droit de disposer de mon corps, c’est pour ça que grand-maman s’est battue ».

Pas faux. Pas faux non plus que toute femme a le droit d’endosser, dans les deux sens du terme, une enveloppe étanche dans le parc ou sur le trottoir. Mais dans un cas comme dans l’autre, dans celui de l’exhibitionniste ou dans celui de  la… plus prude, elles doivent savoir, comprendre et reconnaître que leur allure transmet, assène le même message.

Du pareil au même

En public, les fesses à l’air et la face cachée envoient le même signal. Ce qui émane de ces accoutrements, c’est la soumission à des pressions indues et à des intérêts qui écrasent celles qui les portent. La bonne foi présumée ne peut effacer la réalité : elles sont l’instrument d’hommes, de clans, de castes, de sectes, d’idéologies qui veulent les maintenir à leur place.

Celle de la bébelle sexuelle dans un cas ;  dans l’autre cas, la place du néant ambulant.

L’une et l’autre peuvent défendre leur droit d’être indûment nue ou exagérément vêtue sur la rue.

L’une et l’autre n’en sont pas moins emmenottées : dans un cas comme dans l’autre par une odieuse exploitation sexiste.

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