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Paul Tana
Le temps d’un été raconte les vacances improbables, dans un manoir du Bas -du -Fleuve, d’un petit groupe d’itinérants et de pauvres de Montréal. Leur guide est Marc Côté (Patrice Robitaille), un prêtre de rue et curé d’une paroisse en trop grand manque de fidèles mais qui, Dieu merci, vient d’hériter du dit manoir. Il est secondé par son amie, Sœur Monique (Elise Guilbault ) au sourire si séraphique qu’elle semble constamment en extase, telle une Sainte-Thérèse d’Avila.
Le groupe est constitué par Maître ( Guy Nadon) un ex-avocat brillant et amateur de poésie mais qui a tout perdu au jeu : femme, enfants, maison; Sam ( Martin Dubreuil), ex-soldat en Afghanistan souffrant de graves troubles post-traumatiques ; Angel (Marc-André Leclair) un transgenre; Sebast (Justin Leyrolles-Bouchard) un jeune trop longtemps confié à la DPJ ; Julien(Cédric Keka Shako) un jeune réfugié africain en attente de son permis de résidence au Canada ; Madame Cécile (Louise Turcot) une dame âgée et douce souffrant d’alzheimer ; Molo (Pierre Verville) un homme atteint d’une maladie grave qui choisit l’euthanasie et qui veut, avant de s’en aller pour toujours, voir le corps d’une femme ; Miali (Océane Kitura Bohémier-Tootoo) une jeune Inuit , qui abandonne la troupe pour retourner dans son village natal dans le grand Nord …
Complexité des personnages
Tous ces personnages ont un point commun : ce sont des victimes. Ils forment en quelque sorte un abrégé d’un pan du monde dans lequel nous vivons qui est particulièrement mis en relief par le wokisme de ces derniers temps.
Mais plus qu’à des personnages nous avons à faire à des « types » qui n’ont pas grande profondeur.
Entendons-nous, la profondeur à laquelle je me réfère n’a rien de métaphysique (Dieu existe-t-il ?), mais surgit plutôt de la complexité des personnages, des contradictions qui naissent de leurs actions et qui font que nous, spectateurs, sommes touchés, émus, nous pleurons et rions.
Dans le manoir les membres de la petite colonie agissent peu et se racontent beaucoup : Angel s’est baigné nu dans une fontaine de la Place Saint-Pierre à Rome pour attirer l’attention de l’Église sur le droit à l’existence des minorités LGBTQ ; Sam raconte l’horreur du champ de bataille afghan ; Maître récite poème sur poème … c’est assez statique et convenu même si parfois ça s’anime un tant soit peu joliment : Maître fait de l’œil à l’épicière du village qu’il va finir par conquérir.
Le récit devient un peu plus dynamique lorsque la « p’tite gang de pouilleux » se confronte aux villageois menés par François Riendeau (Sebastien Ricard) ami d’enfance du curé Côté mais devenu son ennemi juré depuis que ce dernier a hérité du manoir qu’il considérait comme sien.
Existence propre, mais …
Assez réussies, les scènes de l’épluchette de blé d’Inde avec Sam qui saute à la gorge de Riendeau et celle de la voiturette de golf avec, à bord Sam et Maître complètement souls : ici les personnages acquièrent une existence propre, spécifique qui transcende un peu leur « nature » trop générique.
Ce n’est malheureusement pas le cas de tous les autres qui vivotent constamment sur les bords du personnage-type : celui qui n’est pas que lui-même, simplement, mais qui est plutôt la représentation d’une idée qu’on essaie plus ou moins maladroitement d’installer sur ses épaules.
Le conflit entre les deux amis d’enfance aurait sûrement mérité qu’il soit creusé davantage : en quelques brèves scènes on nous raconte, encore une fois, leur passé. On règle rapidement une histoire de vie,« en deux temps trois mouvements » comme on dit , et quelques répliques : c’est bref et assez superficiel.
En fait ce sont les acteurs qui insufflent au film une certaine vérité malgré le caractère essentiellement schématique du scénario qu’il met en scène.
À la fin, le curé Côté et son groupe de laissés pour compte sont de retour à Montréal. Son église est vide, délabrée et en plus on vient d’apprendre qu’il a une blonde : la religion catholique appartient désormais à une autre époque. Elle semble être remplacée par celle qui apparaît en filigrane tout au long du film et dont les valeurs sont balisées soit par la rectitude politique, soit par le victimisme ou la laïcité.
Pendant le temps d’un été on peut dire qu’on passe d’une religion à une autre mais , heureusement, on découvre aussi un village (Sainte-Luce) et le fleuve : quelle beauté ! C’est le prix de consolation du film qui, avec ces images, vit, respire enfin, libre des entraves schématiques de son scénario.
Réalisation: Louise Archambault – Idée originale et scénario: Marie Vien – Production: Antonello Cozzolino, Brigitte Léveillé – Producteurs délégués: Philippe Montel, Caroline Landry – Producteur exécutif: Richard Speer – Société de production: Attraction avec la participation financière de la SODEC, de Téléfilm Canada, du crédit d’impôt provincial et du crédit d’impôt fédéral, du Fonds Québecor, du Groupe TVA et du Fonds Harold Greenberg – Distribution: Immina Films
Distribution : Patrice Robitaille (Marc Côté), Guy Nadon (Maître), Élise Guilbault (Soeur Monique), Martin Dubreuil (Sam), Marc-André Leclair (Angel), Justin Leyrolles-Bouchard (Sébast), Cedric Keka Shako (Julien), Louise Turcot (Madame Cécile), Pierre Verville (Molo), Océane Kitura Bohémier-Tootoo (Miali), Sébastien Ricard François Riendeau), Josée Deschênes (Nicole), Gilbert Sicotte (le curé Beaulieu), Normand Chouinard (le maire), Geneviève Rochette (Laurence), Denis MArchand (M. Gadbois), Bruce Dinsmore (notaire)
Équipe technique – Costumes: Francesca Chamberland – Direction artistique: Emmanuel Fréchette – Distribution des rôles: Karel Quinn – Montage images: Isabelle Malenfant – Musique: NC – Photographie: Mathieu Laverdière – Son: François Grenon, Sylvain Bellemare, Frédéric Cloutier, Bernard Gariépy Strobl
Genre: comédie dramatique – Origine: Québec, 2023 – Langue V.O.: Français – Visa: Général – Première: 4 juillet 2023, Rimouski – Sortie en salles: 14 juillet 2023 – Tournage: août-septembre 2022, dans le Bas-du-fleuve et à Montréal – Budget approximatif: 8 M$
Durée : 2h06 /Québec 2023
Étoiles : **