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Claude Lévesque
Le comité de la Chambre des représentants qui enquête sur l’émeute, également qualifiée d’insurrection, du 6 janvier 2021 au Capitole de Washington mourra vraisemblablement de sa belle mort en janvier prochain mais elle laissera un héritage important.
Cet héritage sera fait de révélations importantes sur la mécanique de cette attaque sans précédent et sur le rôle qu’y ont joué Donald Trump et ses proches collaborateurs.
Lors d’audiences télévisées, le groupe parlementaire a déjà présenté de nombreuses vidéos inédites sur l’émeute ainsi que plusieurs témoignages de policiers, de collaborateurs de l’ex-président ayant accepté de témoigner et d’employés de la Maison Blanche dont on peut penser qu’ils ne nourrissent ni préjugés favorables ni préjugés défavorables à l’égard de l’ex-président.
On peut parler de Cassidy Hutchison, assistante du chef de cabinet Mark Meadows, qui a témoigné devant les caméras le 28 juin 2022. Entre autres choses, elle a relaté avoir entendu des alliés de Trump mentionner les Oath Keepers et les Proud Boys, deux groupes extrémistes, lors de discussions sur la marche projetée sur le Capitole.
Trump, un « danger présent et évident »
Le comité du 6 janvier a interrogé des milliers de témoins et examiné des millions de documents afin de relier les évènements survenus avant et pendant l’attaque contre le Capitole. Il aurait démontré « clairement » que Trump représente un « danger présent et évident », selon un article en ligne du magazine Mother Jones. [1]
Le groupe de politiciens majoritairement démocrates vise à faire condamner l’ancien maître de la Maison-Blanche pour des crimes aussi graves que la sédition et l’incitation à la violence.
Le vendredi 21 octobre 2022, le groupe a servi à Donald Trump une assignation à comparaître devant lui le 14 novembre. Il a aussi été exigé de l’ex-président qu’il remette tout document « pertinent » sur l’insurrection du 6 janvier 2021.
La vice-présidente du comité, Liz Cheney (républicaine dissidente), et le président Bennie Thompson (démocrate) ont alors envoyé à M. Trump une lettre disant qu’ils en sont venus à la conclusion qu’il a joué « un rôle central dans une tentative délibérée et orchestrée » de renverser l’élection de 2020.
La décision unanime de servir une assignation à comparaître à l’ancien président parait toutefois plus symbolique qu’autre chose, admettent les auteurs d’un article de Politico [2]. Il peut s’agir d’un baroud d’honneur. En effet, il ne reste que deux mois avant que les vainqueurs de l’élection de mi-mandat aient pris leurs fonctions à la Chambre des représentants. La majorité y est acquise pour les républicains à la suite de ce scrutin.
Pas sans précédent, mais inusité
Entretemps, Donald Trump aura entrepris toutes sortes de procédures pour éviter de témoigner et pour nuire au travail du comité. Il l’a fait depuis le début, surtout en demandant, avec un certain succès, à ses alliés de refuser de collaborer.
Des présidents en exercice et d’ex-présidents américains ont déjà témoigné devant le Congrès à plusieurs reprises dans le passé. Le geste fait par le comité sur l’insurrection du 6 janvier 2021, à savoir l’assignation à comparaître servie à Donald Trump, n’est donc pas sans précédent, mais il est inusité [D1] .
En fait, c’est surtout la séquence d’évènements sur lesquels le comité veut entendre la version de Donald Trump, lequel fait figure de suspect principal dans cette affaire, qui n’est pas seulement rarissime dans l’histoire des États-Unis, mais également gravissime.
Rappelons que l’émeute au Capitole, qui visait à saboter le processus démocratique, a fait cinq morts parmi les assaillants et un mort (de crise cardiaque) chez les policiers, une centaine de blessés chez ces derniers. Elle a nécessité une vaste enquête du FBI à l’issue de laquelle 850 personnes ont été arrêtées. Pendant l’assaut, certains émeutiers ont cherché à pendre le vice-président Mike Pence. Parler de tentative de coup d’État n’est probablement pas exagéré.
[1] The Jan 6 Committee Formally Subpoenas Donald Trump, Ariana Coghill, Mother Jones, 21 octobre
[2] The Jan. 6 Committee Plays Truth and Dare with Trump, Kyle Cheney et Nicholas Wu, Politico, 13 octobre