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Depuis deux ans, la COVID-19 a agi comme un catalyseur de grands changements sociaux et économiques, souvent négatifs. Ce n’est pas le cas du golf : la pandémie en a plutôt propulsé la pratique.
« La COVID est venue tout changer. Ça a été un raz-de-marée qui nous a pris par surprise! On a recommencé à avoir des listes d’attente pour devenir membres dans certains clubs, ce qu’on n’avait pas vu depuis 10 ou 15 ans. »
François Roy est directeur général adjoint, Philanthropie, commandites et communications à Golf Québec. L’organisme, fondé en 2005 et né de la fusion de l’Association de golf du Québec et de l’Association des golfeuses canadiennes – section du Québec, vise à la fois à augmenter le nombre de golfeurs dans la province et à développer l’excellence dans ce sport.
François Roy souligne que la pratique du golf a bondi en moyenne de 19 % en 2020 et de 22 % cette année, une croissance qu’il qualifie d’énorme. Il évalue le nombre de golfeurs actuels au Québec à 1,1 million de personnes.
Le directeur général de l’Association des clubs de golf du Québec, Stéphane Dubé, relève que la province compte actuellement 324 terrains de golf, des parcours de neuf ou de dix-huit trous.
François Roy précise que l’indicateur de performance des clubs de golf n’est pas le nombre de golfeurs, mais plutôt le nombre de parties, appelées rondes, jouées au cours d’une année.
Journaliste spécialisé en golf et fondateur du siteGolf Media-info en Ligne, Martial Lapointe abonde dans le même sens. « Depuis deux ans, il y a eu un changement majeur. Ce sont maintenant des jeunes, des couples, des gens de la classe moyenne, des bien nantis qui jouent au golf», remarque-t-il.
Rappelons qu’au début de la crise sanitaire, avant la venue des vaccins, les mesures sanitaires au Québec, à juste titre, étaient très strictes. Si François Roy admet que les clubs de golf ont perdu beaucoup d’argent sur le plan des événements sociaux et des locations de salles, notamment pour les mariages et les conférences, il en a été tout autrement de l’achalandage sur les terrains de golf. « Le golf est devenu une solution », résume-t-il.
En fait, l’activité sportive constituait, en 2020, une des rares qui était permise. Elle permettait de combiner sortie en plein air et rencontre avec des amis, proches ou partenaires de golf.
Des années creuses
Pourtant, le golf a connu des années sombres. En septembre 2013, un rapport fouillé de 82pages, Analyse du potentiel du marché du golf au Québec, le plus récent à ce jour sur ce sport, a été réalisé pour la Table de concertation des associations de golf.
Il révélait que les golfeurs actifs ne formaient que 17 % de la population par rapport à 61 % de non-golfeurs. De plus, les moins de 25 ans ne représentaient que 7 % de la clientèle totale.
« Au cours des 20 dernières années, la pratique a été en montagnes russes », estime Martial Lapointe. Le phénomène Tiger Woods en 1996 et les tournois ont incité beaucoup de jeunes à pratiquer le sport.» Il soutient que les baby-boomers ont alors construit des terrains de golf, en escomptant que leurs enfants poursuivraient leurs affaires.
« Mais les jeunes n’ont pas suivi. Le vélo a pris de l’ampleur, puis le trekking. Peu à peu, il y a eu un délaissement.» Il faut dire que la vie d’avant la COVID offrait une grande variété de choix de sports aux jeunes : baseball, soccer, hockey, etc.
François Roy avance que les jeunes et les familles ont augmenté depuis deux ans. Une décision que ces derniers ont fort probablement mûrie. « Quand on s’équipe au golf, ce n’est pas pour une saison!»
Enhardi par ce regain de popularité, raconte François Roy, Golf Québec a lancé cette année la carte Sortez, golfez. Au coût de 300 $, elle permettait de jouer 10 rondes de golf dans 23 clubs. Une initiative qui a fait mouche.
Martial Lapointe constate aussi un changement dans la façon de jouer au golf. « Ce n’est plus la folie de performer, mais on veut simplement s’amuser!» Il observe même que le sport peut s’avérer thérapeutique. La couleur verte et les grands espaces servent à chasser la déprime chez beaucoup d’adeptes. Il signale même en riant que le golf est un excellent moyen, pour un entrepreneur, de sonder la personnalité d’un associé potentiel, au cours d’une ou de deux rondes de golf. « Le caractère se révèle rapidement au golf!»
Davantage de femmes
François Roy rapporte que les femmes fréquentent davantage les terrains de golf, par rapport à ce qui était le cas il y a quelques années. Selon lui, une ambiance plus décontractée et moins rigide a fait porter la proportion actuelle à 30 % de femmes et à 70 % d’hommes.
« Les femmes se sentent plus à l’aise dans les clubs maintenant», argue-t-il. Alors qu’en général, les hommes ont gardé leur sens compétitif dans les rondes, les femmes pratiquent le golf dans un but plus amical. De plus, certains tournois réunissant des femmes ont ajouté d’autres volets sportifs à leur événement, y combinant, par exemple, une activité golf-vélo, golf-canot ou golf-kayak.
Redécouvrir le Québec
De nouveau grâce à la COVID, les adeptes de golf ont été forcés de demeurer au Québec, en raison des restrictions sanitaires et du fait que les frontières étaient fermées, et les voyages à l’extérieur du pays interdits. Dans le cadre du programme gouvernemental AttraitsQuébec, cette année en vigueur de la fin juillet au 30 août dernier, tous les clubs de golf offraient des rabais jusqu’à 40 % aux joueurs. «Les gens ont redécouvert le Québec. Nous avons réussi à mettre le volet touristique en avant-plan, fait valoir François Roy.
Un sport coûteux?
Le rapport de 2013 estimait que jouer au golf coûte cher. Il observait que 43 % des golfeurs actifs gagnaient entre 50 000 $ et 100 000 $ par année. François Roy répond qu’il est toujours très laborieux de changer les perceptions. Il ajoute : « Il est vrai que l’industrie du golf était autrefois réservée à une élite, mais on peut maintenant jouer à faible coût. Il y en a pour toutes les bourses», plaide-t-il.
«C’est encore un sport dispendieux, témoigne de son côté Martial Lapointe, mais les clubs de golf offrent de plus en plus d’abonnements flexibles, qui tiennent compte du rythme de vie de certains travailleurs.»
Volet éducatif de la pratique du sport
Golf Québec ne ménage pas ses efforts, non seulement pour démocratiser la pratique, mais aussi pour faire découvrir le sport aux jeunes. En 2009, il a instauré le programme Golf en milieu scolairedestiné aux jeunes des écoles primaires et secondaires. Golf Québec fournit l’équipement et c’est le professeur d’éducation physique d’une école qui est responsable du programme. Selon François Roy, 700 écoles ont souscrit à ce jour à cette offre.
En outre, en collaboration avec la Fédération de Golf du Québec, Golf Québec a mis sur pied le programme Golf-Études. François Roy rapporte que 135 jeunes de 12-17 ans sont actuellement inscrits, à travers la province, dans ce programme sports-études, reconnu par le gouvernement du Québec.
Les défis de la pratique
La saison 2021 est terminée, sauf pour les mordus qui poursuivent leur passion en jouant sur des terrains intérieurs.
S’il se réjouit de la croissance notable du sport, François Roy garde la tête froide.« Le défi à venir, c’est de retenir cette clientèle-là qui a goûté au golf. »
Martial Lapointe propose de faciliter la pratique en assouplissant certaines règles, comme raccourcir le temps de jeu, alléger les règlements, accompagner davantage les adeptes ou offrir des leçons de golf, s’ils le demandent. « En somme, il s’agit de rendre le golf plus convivial et moins contraignant. »