À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : Jazz

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Hot Jazz

Vincent Herring a joué et enregistré avec Blakey, Silver et Adderley, surtout avec le trompettiste Nat Adderley avec qui il est resté une dizaine d’années. En d’autres termes ou mots, il n’est pas allé à bonne école mais bien à la très grande école.

Serge Truffaut

Pour paraphraser tonton Georges, le Brassens qui voisine Paul Valéry sur les hauteurs de Sète, au cimetière pour être exact, mieux vaut vivre pour une idée que de mourir pour elle. L’an dernier, le saxophoniste Vincent Herring en a attrapé une, d’idée. Et une si bonne qu’il l’a méditée, touillée dans toutes les harmonies sonores possibles comme imaginables.

Puis, le 26 février de cette année, soit 15 jours après que les Chiefs de Kansas-City, la ville de Charlie Parker, eurent remporté le Super Bowl, il a matérialisé son idée par bandes enregistrées interposées. En quel lieu ? Le Smoke Jazz Club, l’un des meilleurs clubs de jazz du  « monde-mondial » qui était par ailleurs le favori de Paul Auster, décédé le 30 avril de cette année.

Pour la petite comme pour la grande histoire, tout dépend si l’on aime ou pas le Livre, on doit souligner que les actionnaires avec les droits de vote, les majoritaires, du club comme du label qui porte le même nom, ont baptisé le lieu en question en empruntant le titre d’une nouvelle d’Auster, cet écrivain au patronyme si janséniste.

Alors l’idée, demandera-t-on, quel en est le ferment ? Quatre noms et des propres. Soit, dans le désordre, Art Blakey, Horace Silver et les frères Nat et Cannonball Adderley. Du milieu des années 1950, grosso-modo, à celui des années 1970, les quintets et parfois sextets dirigés par ces messieurs ont dominé la scène du jazz rassemblant les poids moyens du jazz. Celle des poids lourds était rythmée, elle, par les doigtés de Charles Mingus, Miles Davis, John Coltrane, Duke Ellington et quelques autres.

L’idée donc de Herring, par ailleurs professeur réputé de la William Paterson University et de la Manhattan School of Music, était de rallumer le flambeau allumé par le trio Blakey-Silver-Adderley il y a plus de soixante ans. Mais encore ? Actualiser ce que Herring appelle encore et toujours le « soul jazz » car conjuguant le hard bop d’un Sonny Rollins, les emprunts au blues d’un Stanley Turrentine et le funk d’un James Brown. Bref, à l’instar de ses aînés Vincent Herring est un alchimiste.

Ici comme là, il faut préciser, souligner, rappeler, que mister Herring, né le 19 novembre 1964 à Hopkinsville dans le Kentucky, a accompagné les bonshommes nommés. Oui, il a joué et enregistré avec Blakey, Silver et Adderley, surtout avec le trompettiste Nat Adderley avec qui il est resté une dizaine d’années. En d’autres termes ou mots, il n’est pas allé à bonne école mais bien à la très grande école. La polytechnique qui musicalement sonnant s’appelle la polyphonique.

Pour mener à bien sa mission et non son entreprise, Herring s’est entouré de gros canons, soit ceux dont les sons traversent constamment le Rubicon, ce petit fleuve italien par où transitent les lieux communs musicaux qui séduisent encore et toujours les crédules et les avocats du nivellement par le bas des sonorités jazzées.

Les canons s’appellent Jeremy Pelt, trompettiste qui aiguise les notes avec ce tranchant qui a fait la réputation du Laguiole, Wayne Escoffery, ténor qui résonne la clarté, la discipline, David Kikoski, pianiste qui articule son jeu comme un sprinter sa foulée, Paul Bollenback, guitariste que Keith Richards doit jalouser pour sa rythmique, Essiet Essiet, contrebassiste qui est ce que tout grand contrebassiste doit être, soit solide comme le roc et enfin Otis Brown III batteur qui s’applique à injecter de la cohérence avec une maîtrise exemplaire de la fluidité.

Le programme ? Filthy McNasty composé par Horace Silver, Too Blue par Stanley Turrentine, Mean Greens par Eddie Harris, The Chicken Pie par Pee Wee Ellis, Driftin’ par Herbie Hancock, Slow Drag par Donald Byrd, Strasbourg-St. Denis par Roy Hargrove et Naima par John Coltrane.

On écoute Something Else!  publié par Smoke Sessions et dont le titre emprunte à celui choisi par C, Adderley en 1959 pour un album qui est devenu un classique.  Après quoi, on se lève. On applaudit. On dit merci en latin, en grec, en oulipien sans oublier le grazie mille et le tutti quanti. « Bras veau »môssieu Herring Vincent.

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