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Daniel Raunet
Vous trouvez le Canada compliqué ? Un gouvernement fédéral, deux langues officielles, 10 provinces, 3 territoires, 3 peuples autochtones selon la constitution de 1982, 630 Premières Nations autochtones, un nombre indéterminé de communautés multiculturelles reconnues par Ottawa… Il y a mieux. La Belgique bat le Canada haut la main.
Zéro
En Belgique, il est interdit de faire des statistiques sur la langue. Les chercheurs estiment toutefois que sur les 11,7 millions de Belges, il y a probablement dans les 56 % d’usagers du néerlandais, 43 % du français et 1,5 % de l’allemand. Plus l’arabe, le turc, etc.
Bruxelles serait francophone à environ 80 %, mais avant les guerres napoléoniennes, c’était une ville flamande. Tout au long du XIXe siècle, une majorité de Bruxellois sont passés au français, alors langue de l’administration et de l’ascension sociale. Il ne faut donc pas confondre Bruxellois et Wallons, les premiers ayant gardé un accent et des expressions encore influencés par le flamand brabançon.
La connaissance et l’usage de l’anglais sont très répandus à Bruxelles. Non seulement à cause des fonctions internationales de la capitale, mais aussi comme moyen d’éviter les querelles linguistiques. Pour garder tous ses clients sans offenser quiconque, au lieu d’écrire « boucherie » ou « slagerij », un boucher écrira facilement « meat store » sur sa devanture.
Un
La Belgique a un roi, un gouvernement fédéral, une armée, une seule langue administrative fédérale, néerlandais en Flandre, français en Wallonie, sauf à Bruxelles. L’affichage est unilingue selon la région concernée, sauf à Bruxelles. Ainsi, la signalisation routière change de langue en passant la frontière linguistique. Liège devient Luik, Brugge Bruges, tandis que les panneaux pour la ville française de Lille indiquent Rijsel.
De 1830 à 1921, le français est resté la langue d’usage unique de l’État fédéral belge.
Deux
À partir de 1898, la Belgique introduit un peu de bilinguisme, le néerlandais fait son apparition dans le Moniteur belge (le journal officiel). Les années paires à gauche, les années impaires à droite.
Il y a deux langues administratives à Bruxelles, le français et le néerlandais. En pratique, dans la capitale, de nombreux services comme les ambulances ou les hôpitaux ont peine à respecter la loi en ce qui concerne le néerlandais.
Deux, c’est également le nombre de « communes à facilités » wallonnes qui offrent certains services en allemand à leur minorité germanophone, Malmedy et Waimes.
Deux, c’est aussi le nombre des universités prestigieuses belges qui ont été coupées en deux sur des bases linguistiques. Il ne faut donc pas confondre l’Université Libre de Bruxelles, francophone, et la Vrije Universiteit Brussel, néerlandophone, séparées en 1969. Idem pour l’Université Catholique de Louvain, fondée en 1425 et scindée en deux en 1968, la Katholieke Universiteit Leuven, en Flandre, et l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve, en Wallonie. Les précieuses collections de l’ancienne bibliothèque ont été partagées entre les deux institutions sur la base… des numéros pairs ou impairs des ouvrages.
Trois
Depuis 1963, la Belgique a trois langues officielles, le néerlandais, le français et l’allemand. L’allemand n’a toutefois aucun statut au sein de l’appareil d’État fédéral. Par exemple, les textes de loi ne sont pas publiés dans cette langue.
La Belgique est divisée en trois régions, la Flandre, la Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale. Chaque région a son Parlement et son gouvernement. La capitale de la Flandre n’est pas en Flandre, mais… à Bruxelles.
La Belgique est également une fédération de trois communautés linguistiques, la Communauté flamande, la Communauté française et la Communauté germanophone. La Communauté française s’est rebaptisée Fédération Wallonie-Bruxelles. Ces communautés peuvent intervenir sur la langue et la culture dans l’administration, l’éducation et le secteur privé. Les régions et les communautés ont chacune leurs gouvernements et leurs chambres législatives.
Quatre
En dehors de Bruxelles, les communes belges sont unilingues. Il y a toutefois quelques rares exceptions. Par exemple, 4 « communes à facilités » wallonnes qui offrent certains services en néerlandais, toutes dans le Hainaut au sud-ouest de Bruxelles : Comines, Mouscron, Flobecq, Enghien.
Cinq
La justice belge est divisée en cinq cours d’appel : Bruxelles, Liège, Mons, Gand et Anvers.
Six
La Belgique comprend six instances législatives : le Parlement fédéral (Chambre des représentants et Sénat), le Conseil flamand (Vlaamse Raad) qui porte tantôt le chapeau de la communauté flamande, tantôt celui de la région flamande, le Conseil wallon, le Conseil de Bruxelles-Capitale, le Conseil de la Communauté française de Belgique, le Conseil de la Communauté germanophone.
Sept
C’est le nombre des instances législatives si on ne tient pas compte du fait que la Communauté flamande et la Région flamande ont décidé de fusionner.
Huit
On se rappelle les propos de feu Brian Mulroney sur le « Seunat non-eulu ». Eh bien, en Belgique, c’est pareil, les sénateurs ne sont pas élus. Ils sont nommés par les assemblées des régions et des communautés. Ainsi, la Région wallonne nomme huit des 60 sénateurs du pays.
Neuf
C’est le nombre de communes germanophones des cantons wallons d’Eupen et Saint-Vith qui offrent des « facilités » en français.
Dix
La Belgique est divisée en 10 provinces, cinq en Flandre, cinq en Wallonie. Bruxelles-Capitale n’a pas de province. Elles peuvent agir, sous supervision des régions, dans une série de domaines comme l’enseignement, la politique sociale, l’environnement, les routes, la médecine préventive, le logement.
Onze
C’est le nombre des princesses de la famille royale de Belgique. Charlotte (1840-1927), fille du premier roi des Belges, Léopold 1er, qui a fini sa vie internée, traumatisée par son règne de trois ans sur le Mexique et l’exécution de son mari par les Mexicains, l’empereur Maximilien 1er. Viennent ensuite les trois filles de Léopold II : Louise (1858-1924), mal mariée en Autriche, et qui a fait scandale en refaisant sa vie avec un amant croate ; Stéphanie (1864-1945), rendue syphilitique par son mari, le prince héritier austro-hongrois, puis déshéritée par sa mère ; Clémentine (1872-1955), qui a épousé un Bonaparte, Victor-Napoléon, ce qui lui a valu d’être ostracisée par sa famille. Marie-Josée (1905-2001), fille d’Albert 1er, épouse du dernier roi d’Italie Humbert II.
Suivent les trois filles de Léopold III : Joséphine-Charlotte (1927-2005), devenue Grande-Duchesse du Luxembourg après avoir échoué à réconcilier les Belges avec son père après la Seconde guerre mondiale ; Marie-Christine (née en 1951), aspirante vedette à Hollywood, qui a d’abord épousé un homosexuel québécois pianiste de bar pour avoir des papiers canadiens, puis un restaurateur français qui a dilapidé sa fortune au casino ; Esmeralda (née en 1956), journaliste et écrivaine, écologiste, anticolonialiste et féministe. Astrid (née en 1962), fille d’Albert II, épouse d’un prince de Habsbourg, est une des héritières potentielles du trône à la suite de l’abolition de la loi salique par la Belgique en 1991. Enfin, les 2 filles du roi Philippe : Élizabeth (née en 2001), qui pourrait accéder un jour au trône ; et Éléonore (née en 2008), quatrième dans la ligne de succession.
Douze
En fait, il y a eu 12 princesses, et non pas 11, car en 2020, la Cour d’appel de Bruxelles a donné raison à Delphine Boël (née en 1968), une artiste multimédia, qui insistait que son géniteur hors mariage était le roi Albert II. Le vieil homme a fini par reconnaître peu avant sa mort celle qui s’appelle désormais Delphine de Saxe-Cobourg, princesse de Belgique, demi-sœur du roi actuel, Philippe.
12, c’est aussi le nombre de « communes à facilités » en Région flamande qui offrent certains services à leur majorité de langue française, par exemple la possibilité de communiquer dans leur langue, ou certains droits scolaires. 6 de ces communes, majoritairement francophones, se trouvent autour de Bruxelles-Capitale. Les 6 autres sont le long de la frontière linguistique, de Messines en Flandre occidentale aux Fourons dans le Limbourg à la frontière de Maastricht aux Pays-Bas. Ces communes à facilités, sources de frictions perpétuelles, font craindre aux nationalistes flamands le grignotage de leur territoire.
12, c’est aussi le nombre des arrondissements judiciaires de la Belgique.
Pour conclure, un vieux dicton : « En Belgique, la situation est désespérée, mais pas grave. »