À propos de l'auteur : Jean Dussault

Catégories : Société

Partagez cet article

Jean Dussault 

Il y a trop  de raisons de s’inquiéter de l’avenir des États-Unis d’Amérique ; il ne faut pas rajouter celle de la « division » décriée et condamnée de toutes parts.

Y inclus, au premier chef, par ceux qui la fomentent.

Bouh

Il est étonnant d’avoir à rappeler aux tenants de cette thèse d’épouvante que le contraire de la division, c’est l’unanimité. Il faudrait donc que tout le monde vote du bon bord pour ne pas fragiliser l’âme nationale. Ou, ô combien plus efficace, truquer les élections comme tant et tant de dirigeants le font pour étaler l’harmonie populaire.

Selon cette version moderne du Bonhomme Sept Heures, la « division » en question est une menace fondamentale à l’existence même du pays.

(Mauvais) souvenir

En plus modeste, et en plus ridicule, Jean Charest soutenait qu’il ne fallait pas tenir de référendum sur la souveraineté au Québec parce que, ben euh, ça divise le bon peuple. Même, sniff, des familles. Belle recette pour un rata démocratique : si tout le monde ne pense pas la même chose sur un sujet, on ne parle pas du sujet en question.

Cette proposition est venue d’un élu que la division normale entre des votes avait favorisé !

L’ultime unité

La liste des dictateurs qui emprisonnent et qui tuent pour « encourager » l’unité dans leur sillon est désespérément longue, et elle continue de s’allonger.

Le problème des États-Unis, et de toute vision généreuse de la démocratie, n’est pas que des citoyens pensent, critiquent, chialent, contestent, manifestent. Le drame fondamental est que quiconque exerce son droit de s’exprimer se fait accuser, non, est condamné sans procès pour avoir contribuer à la « division » du pays, à la dilution de ses nobles ambitions, à la destruction du rêve du consensuel « phare dans le brouillard ».

Comme si l’unanimisme avait été jadis une religion partagée et pratiquée par la totalité de la population. Comme si la guerre de Sécession n’avait pas eu lieu, ni la Grande ni la Deuxième Guerre ni celle du Vietnam.

Faut jaser

Ce n’est pas le débat qui crée des tensions, c’est l’existence normale et saine de points de vue différents, voire divergents. Ce n’est que lorsque ces tensions émergent dans le discours public, quand elles ne sont pas réprimées mais encouragées que les institutions, les leaders et les citoyens peuvent et doivent en prendre acte et agir pour qu’elles se résorbent et se résolvent pour le plus grand bien du plus grand nombre.

Les opinions variées existent et grand bien nous en fasse. Le problème n’est pas de les exprimer, le danger est de ne pas les entendre; le risque n’est pas de les taire, le péril vient quand elles sont étouffées.
C’est courir à la catastrophe collective d’étiqueter chaque propos de l’allégeance politique de celui qui l’émet. Du genre : « On sait ben, c’est un républicain» ; ou « c’est sûr, c’est une démocrate ».
Ou, ici, un caquiste, une solidaire, un péquiste, une libérale.

Faut écouter

Aux États-Unis aussi, il se peut, oui, que quelqu’un d’un autre parti que le sien soutienne que les carrés ont des angles droits; qu’un opposant politique, à ne pas confondre avec un ennemi à abattre, mentionne qu’il fait beau en ce p’tit mardi.
Et que, tiens, tiens, l’ultra compliqué dossier de l’immigration demande, exige même plus de réflexion que de discours.
Moins ici que là, mais ici comme là, la dérive menace.
Les sarcastiques, ou snobs, peuvent bien mépriser ces électeurs américains, 74 millions de personnes, qui ont voté pour Donald Trump après son premier mandat. Bis : 74 millions d’adultes ont souhaité que Trump soit réélu en 2020 (83 millions pour Biden).
Or snobisme, certitude, prétention et mépris ne sont pas des arguments convaincants.

Les optimistes et l’optimisme sont bousculés.

Puis

Quand des pauvres, des paumés, des laissés-pour-compte votent pour un milliardaire en croyant qu’il a leurs intérêts à cœur, les démocrates doivent, devraient, auraient dû se demander pourquoi. Ils ont plutôt humilié leurs jadis partisans en susurrant qu’ils avaient choisi, au mieux,  un clown. Et qu’ils étaient donc, soyons gentils, naïfs; pire, des idiots.
En fait des ignares.

Au fait, les mêmes « imbéciles » qui avaient rejeté la compétence évidente de Mme Clinton en 2016 sans que les démocrates ne se demandent vraiment pourquoi.

Que Joe Biden ou Donald Trump gagne en novembre, les États-Unis sont en train de perdre.

Il serait, il aurait été confortant d’entendre l’un et l’autre déclarer qu’il est plus grave de perdre une nation qu’une élection.

Et nous, et nous

Grand état a été fait au Québec, et grand émoi s’en est ensuivi après la division entre le vote francophone et le vote, disons allophone et anglophone, au référendum de 1995 sur la souveraineté. L’affaire a été décrite, décortiquée et décriée, à profusion.

Les faits et les chiffres ont parlé tout plein, mais ils n’ont pas tout dit.

La quasi unanimité du vote des non-francophones n’était pas alors et n’est pas aujourd’hui un signe de santé démocratique. Pas plus que ne l’est l’appui quasi unanime des anglophones à un seul parti : le PLQ

La division honnie et la fragmentation réputée dangereuse du vote francophone sont au contraire un gage rassurant d’un avenir où aucun leader, aucun parti ne tient le bon peuple pour acquis.

Le résultat d’un improbable référendum sur l’immigration, l’issue d’une éventuelle consultation populaire sur la souveraineté et le décompte des prochains scrutins ne raconteront pas un schisme national létal ; ils additionneront simplement des opinions sainement variées chez la majorité.

Donc

Celles et ceux qui sont angoissés par la division n’ont qu’à rallier le camp gagnant !

Laisser un commentaire