À propos de l'auteur : Rudy Le Cours

Catégories : Économie, Canada, Société

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Rudy Le Cours

De 1994 à 2000, durant sept ans d’affilée, le Canada a occupé le premier rang au classement de l’Indice de développement humain (IDH) des Nations unies.

De là est née la formule selon laquelle « le Canada est le plus meilleur pays au monde », faussement attribuée à Jean Chrétien, premier ministre pendant toutes ces années.

Désormais, le Canada occupe le 15e rang sur 195 pays. Mince consolation, les États-Unis sont au 21e, la France au 28e.

Pourtant, le Canada a amélioré sa performance, ce qui signifie que, règle générale, on vit mieux aujourd’hui qu’au tournant du millénaire. 

Cela s’avère même en nous comparant sous plusieurs angles.

En 1994, au premier rang, notre IDH cotait 0,859. En 2000, toujours au premier rang, sa cote était de 0,867.

En 2021, au 15e rang, notre IDH atteint 0,936.

Bref, si le Canada s’améliore constamment, d’autres pays progressent plus vite au point de l’avoir doublé depuis, même si l’écart entre le Canada et le meneur, la Suisse, n’est que de 0,036 point (1)

Le Canada a perdu ses lauriers quand l’ONU a commencé à scruter les conditions de vie des autochtones.

Au fil du temps, elle a raffiné l’IDH. Il cerne désormais non seulement l’espérance de vie à la naissance, l’alphabétisation et l’espérance de vie scolaire ainsi que le niveau de vie mesuré par le revenu brut par habitant, mais ce dernier est en plus exprimé en parité de pouvoir d’achat (PPA).

Et pour tenir compte davantage des inégalités, on a développé l’IDHI soit l’IDH ajusté en fonction des inégalités.

Sans surprise, la Suisse se voit ainsi déclassée par trois pays scandinaves (Islande, Norvège et Danemark). Le Canada progresse au 14e rang tandis que les États-Unis glissent au 26e, coiffés par la France, vingt-quatrième dans ce palmarès. Fait notable, la cote de l’IDHI est plus faible que l’IDH pour chaque pays du peloton de tête (2).

Ce que suggère un autre indice

Pour mieux cerner les inégalités au sein d’une société, on fait souvent appel au coefficient de Gini, nommé d’après le statisticien Corrado Gini qui l’a développé. Selon cet indice qui va de zéro à un, plus un pays est inégalitaire et plus sa cote se rapproche de un. Inversement, plus on s’en éloigne et plus on est égalitaire.

Dans ce palmarès, le Canada se classe 126e au chapitre des inégalités avec un coefficient de 0,317. Il s’agit d’une diminution (donc d’une amélioration) de 14 centièmes en 20 ans. 

D’un océan à l’autre, la mise en place d’un système de garderies subventionnées, et prochainement peut-être, d’une assurance-médicaments partielle ainsi que des soins dentaires gratuits pour quelques catégories de citoyens représentent un gage de plus d’égalité dans l’avenir, dans la mesure où la détérioration du système de santé ne compromette le tout. 

Sans surprise, les États-Unis sont moins égalitaires, au 57e rang et font du surplace depuis 20 ans.

En revanche, la France fait beaucoup mieux, au 131e rang.

Le champion des inégalités serait l’Afrique du Sud avec un coefficient de 0,63, mais la donnée la plus récente remonte à 2014 déjà. Et le plus égalitaire serait, au 167e rang, la Slovaquie avec 0,23. 

Fait à signaler, selon les données de la Banque mondiale, qui mesure le coefficient, l’Ukraine cotait 0,256, au 164e rang, en 2020 soit avant l’invasion russe (3).

Hommes et femmes

On ne peut vraiment comparer les inégalités entre les pays sans tenir compte expressément de celles entre les hommes et les femmes qui y vivent. Si le coefficient de Gini n’est pas le plus utile en la matière, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a développé l’ISE qui mesure les discriminations à l’égard des femmes dans les institutions sociales (code de famille, intégrité physique, ressources et droits et libertés civiles restreints). Plus la cote d’un pays est élevée et plus les femmes y sont discriminées (4). 

Si l’Afghanistan n’est, hélas !, pas répertorié comme bien d’autres pays d’ailleurs, on note quelques champions de la discrimination sexuelle comme la Mauritanie et le Cameroun qui cotent au dessus de la barre des 65.

À l’opposé, la Norvège cote 6,7 et la Suède 8,8. Le Canada obtient 17,5 et les États-Unis 19,1. Il ne fait aucun doute que les graves restrictions au droit des femmes à disposer librement de leur corps y est pour quelque chose, tout comme l’absence de garderies subventionnées et de congés de maternité dignes de ce nom dans la majorité des États.

La France quant à elle est la championne du G-7. Désormais constitutionnalisé, le droit des femmes à l’avortement ne pourra qu’améliorer leur sort, tout comme le débat MeToo qui fait enfin rage dans les industries culturelles.

La vie démocratique

Le développement économique est souvent associé au bien-être. Mais un peu comme l’argent ne fait pas le bonheur, mesurer l’attrait d’un pays par des mesures strictement économiques comporte bien des angles morts. Parmi ceux-ci, on doit nommer la vie démocratique. 

Ainsi, le Qatar se classe quatrième au chapitre du PIB par habitant, mesuré en parité de pouvoir d’achat, et l’Arabie saoudite 20e. Le Canada suit au 22e rang, tout juste devant la France, le Royaume-Uni et l’Italie. 

Les États-Unis sont huitièmes (5). 

La vieille idée libérale selon laquelle la croissance de la richesse aurait pour corollaire celle de la vie démocratique s’est évanouie depuis belle lurette. L’édition 2023 du Democracy Index, mis au point par l’hebdomadaire britannique The Economist, vient confondre les personnes qui s’accrochent encore à cette berlue pour faire avaler des échanges commerciaux souvent nauséabonds (6).

Le magazine bâtit son indice en analysant cinq variables : le processus et le pluralisme électoral, le fonctionnement du gouvernement, la participation à la vie politique, la culture politique et les libertés civiles. Une démocratie parfaite obtiendrait un score de 10 sur 10. 

Constat général, la démocratie se porte plutôt mal parmi les 165 pays sous la loupe.

L’analyse regroupe les pays en quatre catégories : démocraties, démocraties imparfaites, régimes hybrides et autoritaires. Seuls 24 obtiennent la note huit de passage pour être considéré comme une démocratie.

Sans surprise, c’est encore la Norvège qui arrive en tête avec une note de 9,81. Le Canada arrive 13e à 8,69; les États-Unis, 29e à 7,85, donc sous la note de passage. Quant au Qatar, il arrive au 111e rang et l’Arabie saoudite, 150e.

Bonheur national brut

C’est bien beau de vivre dans un pays économiquement et socialement développé, où les droits des femmes se rapprochent de ceux des hommes, où les institutions démocratiques fonctionnent, mais est-ce suffisant pour y être heureux ?

Question difficile à laquelle s’attaque le Rapport mondial sur le bonheur publié par le Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Un de ses trois concepteurs est l’économiste canadien John F. Helliwell.

En plus du PIB par habitant, de l’espérance de vie en santé et des libertés de choix, l’indice mesure aussi le soutien social, la générosité et la corruption (7).

Sans surprise, les cinq pays nordiques sont dans le top 10. Le Canada arrive 13e, les États-Unis 15e, la France 21e.

À l’exception des États-Unis, tous ces pays seraient de belles démocraties, selon la définition de The Economist.

Quant on met bout à bout l’ensemble des indices observés ci-devant, on est porté à conclure que les pays scandinaves, la Suisse et la Nouvelle-Zélande seraient les pays qui rassemblent le plus beau bouquet d’atouts pour bien vivre. Le Canada les talonnerait de près.

Ce seraient les endroits à privilégier pour choisir d’y vivre.

Pas forcément, car rien n’est parfait.

InterNations mène une enquête annuelle auprès de quelque 12 000 personnes qui vivent ailleurs que dans leur mère-patrie. Ce sont des expatriées, un sous-groupe parmi les immigrés qui excluent les réfugiés et tout le monde en quête d’un meilleur gagne-pain ou d’un avenir plus sûr.

Selon cette consultation annuelle, la Norvège arrive au 52e rang, loin derrière le Qatar (31e), l’Arabie saoudite (28e) ou les Émirats arabes unis (11e). Ce qui suggère que la démocratie ou l’égalité des femmes ne sont pas des priorités pour tout le monde. Certains cherchent avant tout à échapper aux morsures du froid et du fisc.

Pour ces expatriés sondés, le Canada représente le 27e choix, les États-Unis le 30e, la France le 33e.

Et quel est le meilleur pays où vivre pour un expatrié ?

Roulement de tambour : le Mexique !

Comme quoi, le malheur des (très nombreux) uns, fait le bonheur des quelques autres.

1- https://atlasocio.com/classements/economie/developpement/classement-etats-par-indice-de-developpement-humain-monde.php

2- https://atlasocio.com/classements/economie/developpement/classement-etats-par-indice-de-developpement-humain-ajuste-selon-les-inegalites-monde.php

3- https://atlasocio.com/classements/economie/inegalites/classement-etats-par-coefficient-de-gini-monde.php

4- https://data.oecd.org/fr/inequality/l-indice-institutions-sociales-et-egalite-des-genres.htm

5- https://posts.voronoiapp.com/economy/The-Worlds-Richest-Countries-Across-3-Metrics-617

6- https://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2023/

7- https://happiness-report.s3.amazonaws.com/2023/WHR+23.pdf

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