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Jean Dussault
Il y a 125 membres de l’Assemblée nationale à l’hôtel du Parlement.
Dûment élus, normalement contestés, souvent hués. Injustement appréciés.
L’argent, l’argent
Le salaire annuel d’un député québécois est d’un peu plus de cent mille dollars.
Le président du Mouvement Desjardins a touché 4,5 millions en 2022.
Celui de la Banque Royale : 16,67 millions l’année précédente.
Plus, mais …
Logiquement en haut de la pyramide salariale des élus québécois, le premier ministre reçoit un peu plus du double du salaire d’un député.
Plusieurs hauts mandarins collectent beaucoup plus.
Le fondateur de Couche-Tard a empoché 12,3 millions en 2022.
Celui de CGI : 13,8 millions.
L’Assemblée distincte
Les Assemblées législatives provinciales s’appellent des … assemblées législatives. Pendant un siècle, 1867-1968, celle du Québec s’est appelée … l’Assemblée législative de la Province de Québec.
Les élus d’alors ont statué que ce parlement avait plus de responsabilités que celles, déjà grandes, de légiférer pour le plus grand bien du plus grand nombre : il devait défendre et promouvoir la nation.
Comme les notions de nation, disons, varient grandement, la tâche des députés québécois est encore plus compliquée. Et par conséquent plus importante.
Le, mauvais, spectacle
Ce qui attire le plus l’attention sur les députés, en fait une minorité d’entre eux, c’est la rituelle période des questions. La période des qustions dure à peine deux heures par semaine, trois fois 45 minutes.
Pourtant, elle nourrit les bulletins de nouvelles à profusion.
Cette couverture médiatique disproportionnée découle de l’obligation de faire le compte-rendu de la reddition formelle de comptes par le gouvernement.
Se retrouvent donc aux nouvelles les questions pièges et les réponses alambiquées, les prises de bec et les effets de toge qui contribuent à miner la confiance de la population envers les élus. L’outrance intentionnelle et l’outrage factice sont responsables de la désaffection grandissante envers le système décisionnel que constitue une assemblée délibérative.
Or, le respect pour le rôle d’élu, sinon pour toutes les personnes élues, est essentiel à la santé démocratique. Pour le bien de la collectivité, sinon pour le leur, les députés doivent obtenir ce respect.
Les médias
Pour prétendre à la civilité, les « scrums » sauvages, un pléonasme, ont été rebaptisés « mêlées de presse ». Cela reste, selon la définition même de l’Assemblée nationale sur son site, une « situation de collecte de l’information où les journalistes se ruent pour entourer une personnaliste publique susceptible de faire une déclaration, et la bombarder de questions ».
Au point où dans le corridor qu’empruntent la plupart des députés pour aller siéger, une ligne blanche est tracée au sol : les preux Chevaliers de la Vérité doivent laisser passer les élus.
Aucun décompte sérieux n’a permis d’établir de quel côté de ladite ligne se trouve le plus grand nombre de mauvais comédiens.
La chambre et le bureau
Le rôle fondamental du député est d’être le lien entre l’électorat et l’État ; il est le représentant d’une plus ou moins grande collectivité auprès de l’organe qui se veut l’outil de l’ensemble de la société.
Cette noble tâche s’accomplit, en partie, à l’Assemblée où tant et tant de débats et de sessions de commissions servent à peaufiner les lois et les programmes. Elle se réalise, aussi, dans les circonscriptions
Un bureau de député, c’est une cour des miracles. Ou une caserne de pompiers.
Les gros et les petits
Au haut de la prise de décision, il y a la grosse machine ; essentielle pour dessiner le grand plan.
Le député a pour mission d’humaniser le fonctionnement du monstre anonyme et pataud.
Quand le président du Conseil du patronat en a contre une politique du gouvernement, il convoque une conférence de presse.
Quand la présidente de la FTQ s’oppose à une proposition gouvernementale, elle téléphone au bureau du premier ministre.
Quand la propriétaire d’une garderie familiale craint de perdre son permis, elle appelle son député.
Quand un refuge pour femmes battues manque d’argent, la responsable fait appel à son député.
Dans les bureaux de députés, tout est urgent et il n’y a pas de place pour la partisanerie.
La vie, la vie
Les soupers dans les sous-sols d’église, les assemblées de cuisine, les visites aux usines, bureaux, écoles, hôpitaux ; les rencontres avec les groupes communautaires qui dépendent du budget discrétionnaire du député. Les réunions à n’en plus finir ; la route, le train ou l’avion aller-retour deux fois par semaine.
Sans compter la présence sur les lieux d’un terrible accident, d’une grave inondation ou aux funérailles de quiconque est bien connu dans la circonscription. Trop souvent le jour de l’anniversaire du p’tit dernier ou le soir de la graduation de la grande première.
L’ego, l’ego
Pas plus que d’être pompier, personne n’est obligé d’être député.
Il s’en trouvera donc pour attribuer à un ego exagéré la décision de subir toute la, soyons poli, hargne qui accompagne le travail d’élu. C’est pire avec les réseaux dits sociaux, mais, même avant, la fabrique de fiel tournait à plein.
Pour un député, c’est une chose de voir une prise de position contestée ; c’en est une toute autre d’entendre des imbéciles s’en prendre à sa fille à la partie de hockey communautaire du mardi soir.
Ce n’est pas plus intelligent quand c’est le garçon qui écope au match de foot le jeudi.
Quant à la jouissance ministérielle d’avoir un chauffeur, la prétendue limousine n’est rien d’autre qu’un bureau sur quatre roues : une ministre n’a pas le temps de ne pas travailler entre deux rendez-vous importants.
Ni, tard le soir, en rentrant chez elle.
Le fond, le fond
« La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes.» Sur le fond, les propos de Winston Churchill demeurent le constat le plus réaliste de la moins mauvaise façon de concilier les intérêts et opinions variés, variables et souvent opposés du plus grand nombre.
Cette façon de gouverner et d’être gouverné exige des compromis qui engendrent des compromissions Elle amène des virages au gré de l’humeur perçue de la soi-disant majorité silencieuse ou elle laisse soupçonner l’influence présumée de tel ou tel groupe puissant. Elle ralentit ou accélère autant les avancées que les reculs en suscitant à la fois les applaudissements et les huées.
Parce que (presque) tout le monde a son mot à dire, la démocratie est fichtrement bruyante, dérangeante, fatigante, même encombrante.
Surtout quand comparée au calme plat et au silence imposés en trop de lieux.