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Simon Kouklewsky
Des fidèles réunis lors de la célébration de Pâques au sous-sol de la cathédrale Sainte-Sophie de Rosemont.
Dès l’éclatement du conflit avec la Russie l’an dernier, avec la collaboration d’importants partenaires, et aussitôt que de nombreux migrants ont décidé de venir s’établir au Canada, la diaspora ukrainienne a déployé tous les efforts à Montréal. Si les besoins se sont maintenant stabilisés, la communauté continue d’être à l’écoute.
Marie-Josée Boucher
« Depuis le 24 février 2022, nous estimons avoir reçu 15 000 ressortissants », affirme Michael Shwec, président du Congrès des Ukrainiens Canadiens (CUC), Conseil provincial du Québec.
Il explique que chaque province au Canada compte son conseil. Celui-ci représente tous les organismes qui oeuvrent pour la communauté ukrainienne, qu’il s’agisse de la caisse populaire, des écoles, des paroisses, etc. « Nous en avons 37 au Québec, dont la Fédération nationale ukrainienne. Le conseil provincial du Québec est comme le parasol de tous ces organismes », dit-il.
Selon M. Shwec, la communauté ukrainienne au Québec totalise 43 000 personnes et 1,4 million au Canada.
Besoins les plus urgents
Trouver un logement est en tête de liste des préoccupations des migrants qui arrivent au pays. « Chaque personne a ses circonstances personnelles, mais le plus important pour celui qui traverse l’océan, c’est de trouver un logement et de s’installer. » Le nouvel arrivant doit ensuite suivre des cours de francisation et inscrire ses enfants à l’école.
« Pour celui ou celle qui avait de la famille ici, cela s’est passé plus rapidement », ajoute M. Shwec.
Le CUC les a aidés à s’intégrer. « Nous nous sommes ajustés en mettant sur pied des programmes d’entraide qui font le pont entre une vie ukrainienne et une vie française québécoise. »
« Ces gens-là ne se plaignent pas, ils sont créatifs et tentent de trouver des solutions. Ils veulent réussir. Pour la plupart, ils ont fui les bombes », précise-t-il.
Besoins actuels les plus criants
Michael Shwec souligne qu’à l’heure actuelle, les deux besoins les plus criants sont d’abord des services de garde accessibles. Les familles ukrainiennes ne sont pas encore admissibles au service public et doivent se tourner vers le secteur privé, plus coûteux.
En second lieu, les frais de scolarité des adolescents qui arrivent au cégep sont plus élevés car ils sont assujettis aux frais des étudiants internationaux. « Les jeunes doivent quitter l’école pour se trouver un emploi. On est en train de perdre des jeunes qui ont du talent », déplore Michael Shwec.
Aide gouvernementale
Les trois paliers de gouvernement ont mis la main à la pâte pour soutenir les nouveaux arrivants de la communauté ukrainienne. « Nous avons un énorme soutien du gouvernement du Québec », témoigne Michael Shwec.
En effet, le site du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a établi un kiosque d’information à l’aéroport Montréal-Trudeau (YUL), un service qui a toujours cours. « Des membres du personnel du gouvernement du Québec et des organismes partenaires y sont présents tous les jours de 13h à 23h », peut-on lire sur le site du ministère.
Du côté du ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, les mesures de soutien pour les Ukrainiens ont été prolongées.
Selon les données de son site internet, les citoyens ukrainiens ont jusqu’au 15 juillet prochain pour présenter, à partir de l’étranger, une demande d’autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine (AVUCU). De plus, les ressortissants arrivés au pays ont jusqu’au 31 mars 2024 pour prolonger ou modifier leur statut temporaire lié à l’AVUCU.
À la Ville de Montréal, le Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal (BINAM) poursuit son aide aux Ukrainiens qui arrivent en ville.
Dans un communiqué daté du 24 février 2023, la Ville soulignait le premier anniversaire du conflit avec la Russie. Elle décrivait ses services d’accueil, de traduction et de logement. Elle offre également aux nouveaux arrivants une trousse d’accueil incluant des titres de transport de la STM, en plus d’avoir réalisé un dépliant en langue ukrainienne sur les différents services assurés par la Ville.
Soutien de Vidéotron
Vidéotron a apporté une aide substantielle aux migrants ukrainiens, en travaillant étroitement avec le Conseil provincial du Québec du Congrès des Ukrainiens canadiens.
« … le 24 février 2022, Vidéotron a annoncé qu’elle retirait les frais d’appels effectués à partir du Canada vers l’Ukraine. Cette initiative a été prolongée jusqu’au 31 janvier 2023 », nous a confirmé l’entreprise par courriel.
Elle a aussi donné 1 000 appareils mobiles remis à neuf au CUC pour les familles ukrainiennes qui en avaient besoin. Le 5 mai 2022, elle a permis que plus de 4 500 Ukrainiens obtiennent un forfait mobile gratuit pendant six mois. Vidéotron a également débrouillé la chaîne Ukraine 24.
Enfin, l’entreprise appartenant à Québecor a assuré une visibilité médiatique à l’organisme Coalition humanitaire. De plus, l’émission de TVA Star Académie s’est associée avec l’UNICEF pour recueillir des dons afin de venir en aide aux enfants et aux familles.
La cathédrale Sainte-Sophie
« Toutes les églises de la communauté se sont mobilisées. Nous avons huit églises ukrainiennes à Montréal. Nos églises continuent à les aider », rapporte Michael Shwec.
L’auteure de ces lignes a voulu en savoir plus. Elle a assisté à la messe de 10 h du dimanche, ouverte à tous, à la cathédrale orthodoxe ukrainienne Sainte-Sophie, située dans l’arrondissement Rosemont-Petite Patrie.
La célébration en langue ukrainienne a duré deux heures. Le chant a cappella y a occupé un rôle central. Les nombreux fidèles se signaient souvent pendant l’office. À la fin, le prêtre, vêtu d’une chasuble vert pomme et jaune, a conversé informellement avec les fidèles.
Nous avons rencontré Simon Kouklewsky, qui avait aussi assisté à la messe. Le laïc est vice-président du conseil paroissial et coordonnateur des missions. M. Kouklewsky est né et a grandi dans Rosemont.
Il ne manque pas de souligner la contribution de Michael Shwec. « Il a fait un travail incroyable. C’est une vedette de notre communauté ! », lance-t-il.
L’aide de la cathédrale prend diverses formes : conseil, accompagnement, soutien à l’installation, services d’interprétariat, etc. « Au début, nous avons pu compter sur environ une quarantaine de bénévoles. Nous n’en avons plus que quelques-uns. Le besoin n’est plus le même, parce que beaucoup moins de ressortissants arrivent maintenant, par rapport à auparavant », raconte-t-il.
L’organisation de la cathédrale a aussi évolué. « Nous avons d’abord aidé les migrants et nous avons envoyé en Ukraine des conteneurs de vêtements, de produits alimentaires et de fournitures médicales pour garder les soldats en forme. »
Aide morale
L’apport de la cathédrale Sainte-Sophie est désormais davantage d’ordre moral. Chaque dimanche, après la messe de 10h, elle tient un café-rencontre d’une heure au sous-sol.
« Nous l’appelons la divine liturgie. L’événement permet de rencontrer des gens et de donner des avis. Certains ont passé la route de l’intégration il y a plusieurs mois. Ils ont appris et font de l’entraide. C’est aussi un genre de thérapie pour les nouveaux arrivants. Ils se sentent bien ici, ils entendent leur langue et on prie pour l’Ukraine. »
Une préoccupation constante
Sur un plan plus politique, Michael Shwec et Simon Kouklewsky suivent évidemment de très près le déroulement du conflit en Ukraine.
« C’est absolument inacceptable ce que la Russie a fait. Elle veut détruire l’Ukraine. C’est un génocide qui se passe devant nos yeux », s’insurge le Congrès des Ukrainiens Canadiens (CUC), Conseil provincial du Québec, Michael Shwec.
Selon ses données, en 2022, la Russie a lancé plus de 5 000 missiles en Ukraine. De ce nombre, 97 % visaient la population civile ! « Zelensky agit très bien. On ne peut pas négocier avec la Russie. Si la Russie arrête de se battre, la guerre cessera. Si l’Ukraine arrête de se battre, il n’y a plus d’Ukraine ! », croit Michael Shwec.
Il salue par ailleurs l’action des gouvernements du Québec et du Canada qui ont condamné l’attaque dès l’éclatement du conflit en février 2022.
Michael Shwec rappelle que tous les membres de la communauté au Québec ont de la famille en Ukraine. « Le but ultime, si on veut mettre fin à tout cela, c’est d’aider l’Ukraine à gagner. »
Vice-président du conseil paroissial et coordonnateur des missions à la cathédrale orthodoxe ukrainienne Sainte-Sophie de Rosemont, Simon Kouklewsky est tout aussi inquiet. « La communauté internationale ne peut que soutenir le pays qui a été envahi. C’est le Kremlin qui va décider ce qu’il va faire. Nous ne savons pas. Est-ce que ça va achever plus tôt que tard? Nous l’espérons. »
Marie-Josée Boucher