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Direction de la santé publique de Montréal
Dominique Lapointe
Environ 400 personnes ont contracté la maladie de Lyme au Québec cet été selon le rapport officiel de la Santé publique. Moins de 10 % de ces personnes développeront des symptômes exigeant des traitements spécialisés dans les semaines qui suivront l’infection primaire. Des soins qui s’avéreront plus souvent efficaces. Rien n’empêche que plusieurs prétendent qu’ils ont contracté la « Lyme chronique », un maladie qui n’existe pas … encore.
Si ces croyances restent anecdotiques, elles ont quand même fini par occuper une place significative dans l’espace public, les médias traditionnels, et même au ministère québécois de la Santé où on utilise le terme chronique sans réserve.
C’est l’histoire d’une maladie à la dérive.
Une maladie bien réelle
La maladie de Lyme tire son nom de la ville de Lyme aux États-Unis où elle a été identifiée dans les années 70 à la suite d’une éclosion exceptionnelle d’arthrite chez des enfants.
En Europe, où elle avait fait quelques apparitions épisodiques au tournant du XXe siècle, on la désigne aussi comme borréliose de Lyme, du nom de la bactérie qui provoque l’infection, Borrelia burgdorferi, une famille de microbes isolée par un élève de Pasteur, le biologiste français Amédée Borrel.
C’est une zoonose, c’est-à-dire une maladie qui se transmet des animaux à l’humain, en l’occurence ici, une tique, qui est en fait simple vecteur de l’infection qui niche chez les grands mammifères, les petits rongeurs ou certains oiseaux.
On croit que la seule tique porteuse de la bactérie serait la tique à pattes noires, Ixodes scapularis, appelée communément « tique du chevreuil ». Et comme des oiseaux en seraient aussi porteurs, elle épargne peu de régions au sud du pays.
À la faveur des changements climatiques, il semble que nos hivers plus doux ont un impact sur la survie et la reproduction des tiques, ce qui expliquerait, en partie du moins, l’explosion des cas ces dix dernières années au Québec. Mais comme toujours, il faut se méfier du biais observationnel d’une maladie qui retient l’attention à la fois du public, qui signale l’affection, que des experts qui se sont de plus en plus organisés pour colliger le phénomène, une maladie à déclaration obligatoire depuis 20 ans au Québec.
Un maladie rarement grave
Comme pour de nombreuses infections bactériennes, il n’existe pas de vaccin contre la maladie de Lyme. Les seuls moyens de prévention sont les comportements barrières en nature, comme éviter les herbes hautes, favoriser les vêtements couvrants, les insectifuges et l’hygiène des animaux de compagnie.
Actuellement, en zone endémique comme l’Estrie, environ le quart des tiques récoltées par les chercheurs sont porteuses de la bactérie (1). Il n’est donc plus rare que des gens rapportent les symptômes primaires de rougeurs auréolées, de fièvre et de courbatures liées à l’infection.
C’est ce qui a finalement poussé le gouvernement du Québec à autoriser les pharmaciens à prescrire et offrir rapidement des traitements d’antibiotiques qui sont, dans la vaste majorité des cas, très efficaces pour éviter les complications liées à l’infection. Le temps reste un facteur déterminant pour le pronostic.
Même les cas qui présentent une forme disséminée de l’infection et qui nécessitent une hospitalisation se résorbent généralement totalement après les traitements appropriés . Exceptionnellement cependant, dans les semaines et les mois suivant l’infection, des gens développeront une forme sévère de la maladie avec des atteintes articulaires, neurologiques, cardiovasculaires ou dermatologiques bien documentées. Environ 2% des personnes infectées sont susceptibles d’en conserver des séquelles qui peuvent être très débilitantes.
Une maladie fourre-tout
Puis il y a les autres.
Une multitude de personnes prétendent être atteints d’une version chronique de la maladie de Lyme. Des gens qui disent souffrir d’une panoplie de symptômes variés qu’ils affirment liés à Lyme. On évoque la fatigue, le mal de tête, des douleurs musculaires diffuses, des troubles cognitifs divers apparus des mois, voire des années après une infection, mais une pas toujours avérée par un diagnostic.
On a pu voir certaines de ces personnes témoigner de leur expérience dans les médias de masse et dénoncer l’indifférence des professionnels de la santé et l’inaction du gouvernement à leur égard. De bonnes histoires où se côtoient victimes et tyrans.
Le problème est complexe car on est en présence de gens qui, visiblement, souffrent, et devant un syndrome, des syndromes devrait-on dire, non spécifiques. On peut penser à l’autre débat sur la fibromyalgie qui n’est toujours pas conclu.
Rien de plus normal que de vouloir donner un sens à un mal que la science n’arrive pas à cerner. En désignant des coupables, on a le sentiment de reprendre un peu le contrôle sur un état qui nous échappe, qui leur échappe dit-on.
Pourtant, la bible en matière de diagnostic et de traitement médical, le Manuel Merck, est formelle : « Bien que certains patients présentant de tels symptômes subjectifs se voient attribuer le diagnostic de maladie de Lyme chronique, il n’existe aucune preuve claire que ces patients soient porteurs de Borrelia viables restant dans leur organisme. La cause de ces symptômes persistants est actuellement mal connue, et le traitement par plus d’antibiotiques n’aide pas. » (2)
Il y a donc ici une distinction nette entre les séquelles bien réelles d’une infection antérieure et terminée et une maladie infectieuse chronique qui serait toujours active.
Ceci n’empêche malheureusement pas des patients d’aller se faire traiter aux États-Unis par des médecins peu scrupuleux qui leur fournissent à fort prix une antibiothérapie continue. Là-bas, des gens sont décédés à la suite de traitements anti-bactériens qui ont duré des mois, quelquefois par intraveineuse. Une horreur clinique.
Il y a deux ans, des groupes de pression sur la maladie de Lyme ont été déboutés par un tribunal fédéral du Texas dans une cause notoire contre l’Infectious Diseases Society of America (IDSA), des médecins et des assureurs. La poursuite les accusait d’avoir comploté pour éviter d’offrir des traitements adéquats aux malades dits chroniques (3). Une décision qui a été portée en appel sous prétexte que les lignes directrices de l’IDSA sont des opinions médicales et non des faits ! À suivre …
Pour un meilleur suivi
Le mathématicien Henri Poincarré a dit : « On fait la science avec des faits comme une maison avec des pierres ; mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison. »
La science exige l’analyse des faits, les explications qui leur donneront un sens.
Qui sait si un jour on ne découvrira pas que B.burgdorferi se cache, comme sait le faire le virus du VIH lors de l’infection initiale, pour réapparaître sous une forme ou une autre plus tard ? Mais aucune étude sur l’humain, et elles sont nombreuses, n’a pu le démontrer à présent.
Pour l’instant, on préfère parler de symptômes persistants plutôt que de maladie chronique.
Le Québec a d’ailleurs commencé à désigner des cliniques spécialisées sur la COVID longue (et non chronique) et la maladie de Lyme. Un projet pilote qui vise à offrir des services mieux adaptés à ces cas complexes, bien réels, et faire progresser les connaissances sur ces syndromes.
En attendant, malgré la générosité du système public de santé, il y persiste suffisamment de problèmes d’accessibilité pour ne pas en inventer de toutes pièces.
1 – https://www.inspq.qc.ca/zoonoses/maladie-de-lyme/resultats-de-surveillance
3 – https://www.medscape.com/viewarticle/961484#vp_1?form=fpf
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