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Jean Dussault
Hydro-Québec calcule et prévoit ce dont le Québec a besoin et cherche les moyens de livrer la marchandise.
Son dernier «ajustement tarifaire » (1) est clair : les tarifs d’électricité payés par les Québécois sont trop bas.
Selon les calculs d’Hydro-Québec, les tarifs résidentiels auraient dû augmenter de presque 4 % pour permettre à l’entreprise de financer ses nécessaires investissements.
Donnant-perdant
Parce que le PM Legault voulait que le bon peuple le trouve gentil, il a statué que les tarifs résidentiels d’électricité n’augmenteraient pas de plus de 3 % par année. C’est fou ce qu’une différence en apparence si minime, 3 % vs 3,9 % , est en fait immense. Si le Régie de l’énergie autorise une hausse des tarifs résidentiels de 3 % pour avril prochain, la redevance d’Hydro au gouvernement sera plus basse de $60 millions de dollars que si le gouvernement n’avait pas fait un cadeau aux contribuables.
Le hic, c’est que ce sont les contribuables qui vont payer le cadeau en question.
En d’autres chiffres, les contribuables verseront au gouvernement l’argent qu’ils ne paieront pas en tarifs d’électricité.
Les larmes de crocodile
Les défenseurs de la plèbe appauvrie clament qu’il faut maintenir bas les tarifs d’électricité puisque « l’or bleu » est une richesse nationale et collective dont chaque citoyen a le droit de profiter.
Émouvant à souhait, mais faux.
La société québécoise serait plus riche si elle profitait de sa principale richesse, c’est-à-dire si elle la vendait à son juste prix et finançait ainsi de multiples activités et services du gouvernement.
Si les « moins bien nantis », et tous les autres, payaient un juste prix, il ne s’agirait que d’appuyer sur une touche d’ordinateur pour modifier le crédit d’impôt pour solidarité pour compenser leur dépense additionnelle en électricité.
Le juste prix
Il y a évidemment plusieurs interprétations de ce qui constitue un juste prix, pour l’électricité comme pour tout le reste d’ailleurs.
Dans des documents d’Hydro-Québec datant de 2023, la société d’État dit de ses tarifs qu’ils sont « avantageux pour les ménages et concurrentiels à l’échelle mondiale pour les entreprises» .
Tout un euphémisme : ils sont à peu près deux fois plus bas qu’à Toronto et cinq fois inférieurs à ceux de New York.
De telles données rappellent les propos de la récente présidente, Sophie Brochu, qui parlait de la menace qu’Hydro-Québec ne devienne le « dollarama » de l’électricité pour les entreprises.
Ce l’est déjà pour tous les consommateurs.
Gaspillage
Le principe est aussi simple que la règle qui le gouverne : quand un service ou un produit coûte cher, les consommateurs font attention. Inversement, ils gaspillent quand les prix sont bas.
Il faut donc hausser grandement les tarifs, en aidant bien sûr les plus mal pris, et utiliser les sommes ainsi recueillies pour financer le nécessaire développement et pour augmenter la redevance au gouvernement dans le but d’améliorer les services publics qui ont grand besoin de l’être.
Sous prétexte d’aider le client/électeur moyen, le gouvernement du Québec encourage le gaspillage de la seule richesse des plus pauvres d’entre eux.
La menacette
Deuxième évidence : les riches ont plus tendance à gaspiller que les pauvres. Hydro-Québec a donc annoncé qu’elle annoncerait une augmentation de tarifs plus élevée pour les sur-consommateurs.
« Les ménages qui consommeront plus de 50 000 kWh par année, soit environ 1 % de la clientèle résidentielle, paieront un tarif plus élevé afin de les inciter à mieux consommer. » Cela ne réduira en rien le gaspillage d’énergie : le sur-consommateur résidentiel ne s’apercevra même pas que sa facture mensuelle d’électricité aura augmenté d’un montant « incitatif ».
Le legs
Grâce à la clairvoyance des bâtisseurs du Québec moderne, les Québécois profitent des plus bas tarifs d’électricité d’Amérique du Nord. Peut-être du monde.
Et de l’électricité la moins sale.
Le bulldozage de trop de communautés amérindiennes a été en petite partie compensé et les nouveaux/futurs projets de développement se font le plus souvent en accord et en partage avec les communautés locales. Ancestrales ou contemporaines.
Or pour partager, il faut d’abord récolter.
Ou emprunter …
Le grand portrait
Plus de la moitié de la consommation énergétique du Québec provient des hydrocarbures, pétrole et gaz, importés. L’économie, l’écologie et l’intelligence exigent de réduire ces dépendances pécuniaires et environnementales.
En novembre dernier, (voir En Retrait), Hydro-Québec a annoncé un vaste plan de développement de production d’énergie nationale, plutôt environnementale et extrêmement coûteuse.
L’objectif était, est de doubler la production. Facture : $100,000,000,000.
Cent milliards, ça ne se trouve pas en augmentant la facture mensuelle d’un logement de $2.80, ni en haussant de $88.80 la facture annuelle d’une grande maison.
Ce sont là les hausses qu’Hydro demande à la Régie.
Parce que le bon gouvernement en a décidé ainsi.
(1) Communiqué H-Q. 1er août 2024