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Image de l’auteur générée par intelligence artificielle OpenArt.
Dominique Lapointe
Activité intense ces temps-ci entre la Terre et l’espace ! Après une mission avortée en janvier, la NASA se pose finalement sur la Lune après 50 ans d’absence. Le Japon vient de faire de même pour la première fois. Plus près d’ici, des astronautes assurent la relève vers la Station spatiale internationale alors que le Starliner de Boeing et la géante Starship de Musk sont à la veille du compte à rebours. Tout ça alors que des enfants meurent de faim à Gaza, que Poutine menace de faire exploser sa guerre et que la planète vient d’enregistrer l’hiver le plus doux de son histoire connue. Sommes-nous perdus dans l’espace ?
20 juillet 1969, 20:17 UTC : « Houston, ici la base de la Tranquillité. L’Aigle a atterri ». Le moment fut grandiose. Quelque 20 secondes après avoir posé le module lunaire, Neil Armstrong confirme au centre de contrôle que les humains marquent l’histoire en accédant, corps et âmes, sans encombre, à un autre astre.
Bien sûr que le défi de l’époque était beaucoup une bravade politique à l’endroit des Soviétiques qui avaient damé le pion aux Américains en mettant le premier homme en orbite en 1961.
Mais, 43 jours après le vol de Gagarine, on peut soupçonner qu’il y avait autre chose de plus noble dans le discours de JFK : « Nous avons choisi d’aller sur la Lune au cours de cette décennie et d’accomplir d’autres choses encore, non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile. Parce que cet objectif servira à élaborer et à offrir le meilleur de notre énergie et de notre savoir-faire, parce que c’est le défi que nous sommes prêts à relever, celui que nous refusons de remettre à plus tard, celui que nous avons la ferme intention d’accomplir, tout comme les autres .»
Consacrer son énergie à explorer l’espace plutôt qu’à faire la guerre. Bonne idée ! Un mois plus tard cependant, la crise des missiles soviétiques à Cuba allait ramener subitement le président Kennedy sur Terre. Un climat politique qui n’empêchera pas les Américains de fouler la Lune sept ans plus tard.
Décrocher de la Lune
La Lune de 2024 a pris de la valeur. Elle serait plus importante que celle de la décennie 60.
Elle servirait de tremplin pour des missions habitées vers la planète Mars en fournissant eau, matières premières et expertise logistique pour le long périple.
Une lubie pour l’instant (lire notre texte d’avril 2023 : https://en-retrait.com/nouvelle-lune-pour-mars-vraiment-2-2/).
De là cette nouvelle course à la Lune dont le plus récent participant, la sonde américaine Odysseus, vient de rater son tour de piste en se posant sur le flanc plutôt que sur ses pattes. Erreur humaine du sous-traitant privé qui aurait omis d’allumer l’altimètre avant le décollage.
Succès rétorque la NASA, car l’agence fait maintenant sienne la philosophie de ses partenaires privés comme le milliardaire Ellon Musk : chaque raté représente une magnifique occasion d’apprendre et ferait gagner temps et argent sur la suite du programme.
Et, malgré tout, la Lune a toujours valeur de prestige. En plus de la Russie et du Japon, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, les Émirats arabes et Israël s’y intéressent avec plus ou moins de succès cependant. Car, historiquement, seulement la moitié de la centaine de missions vers la Lune depuis 1958 a été un franc succès.
Une aventure exorbitante
La partie américaine de cette nouvelle exploration de notre satellite, et surtout son pôle Sud glacé, est principalement destinée au programme Artémis, une initiative maintes fois remaniée et finalement lancée par Donald Trump et soutenue par Joe Biden, pour remarcher sur la Lune.
Quelque 100 milliards de dollars américains auront été investis dans ce programme d’ici la fin de 2025, moment prévu pour la première approche humaine à bord du vaisseau Starship de SpaceX, la pièce maîtresse du programme développé par le milliardaire Ellon Musk.
Il faut ajouter les trois milliards et demi de fonds, essentiellement publics aussi, offerts au patron d’Amazon, Jeff Bezos, pour la mise au point de son atterrisseur Blue Moon. Car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les entreprises privées qui se sont lancées dans la conquête spatiale depuis une décennie ne sont pas des mécènes du cosmos. Elles facturent aux gouvernements.
Joueur modeste, le Canada prévoit tout de même consacrer quelque trois milliards de dollars canadiens dans divers programmes liés à cette exploration américaine, une somme qui inclut les dépenses prévues au programme des astronautes et au maintien de la Station spatiale internationale (ISS) jusqu’en 2030. L’ infrastructure en orbite basse qui prend dangereusement de l’âge mais qu’on prétend nécessaire à la reconquête de la Lune vers la planète Mars.
Les fuites d’air se multiplient depuis quelques années et la maintenance exige de plus en plus de temps. Il en reste donc de moins en moins pour les activités scientifiques, expériences dont les résultats demeurent passablement maigres depuis le début du programme d’ailleurs.
L’ISS est un chien qui court après sa queue. Elle génère essentiellement des connaissances sur la vie dans l’espace, mais apporte peu de retombées au sol.
Et il est possible que son coût avoisine les 200 milliards de dollars une fois l’aventure terminée.
La coopération qui sonne faux
Quatre astronautes ont rejoint la Station spatiale ces derniers jours à bord d’une fusée de SpaceX. Trois Américains et un Russe qui assureront, entre autres missions, la relève de l’équipage.
On dira que l’espace en est un de paix où les nations oublient leurs différends dans le plus noble but, celui de faire progresser l’humanité.
Baliverne.
Si l’espace a permis d’améliorer considérablement la qualité de vie des terriens, avec des retombées prodigieuses en communication, météo, climatologie, hydrologie, géophysique, biodiversité, etc … c’est aussi le théâtre d’affrontements constants depuis le tout début, surtout entre le monde libre et les puissances autocratiques comme la Russie et la Chine.
Combien de fois a-t-on freiné les élans de projets de guerre des étoiles, tant à l’Est qu’à l’Ouest ?
Qu’il le veuille ou non, le cosmonaute russe Alexander Grebenkin n’est pas un athlète olympique symboliquement apatride le temps d’une compétition. Il représente officiellement (voir sur son épaule gauche) un État qui menace actuellement de faire disparaître, dans une guerre nucléaire, des pays d’Europe de l’Ouest, justement des pays partenaires de l’ISS. Peu importe le sérieux de la menace, le spectacle est ahurissant !
Encore plus incongru quand des gouvernements, et surtout le Congrès américain, tergiversent sur l’aide à l’Ukraine pour affirmer la démocratie dans le monde, mais n’ont aucune retenue pour des fantasmes qui, pour l’instant, relèvent presque de la science-fiction.
Idem pour la crise à Gaza, où la guerre au terrorisme s’est transformée en génocide des Palestiniens avec le soutien des armes américaines.
Sauver la planète
L’hiver que nous traversons est déjà, avant même la fin de la saison, le plus chaud jamais enregistré dans l’hémisphère nord.
Encore une fois, on accuse El Niño, le grand courant marin dont le cycle fait bondir les températures continentales, mais la réalité c’est que le phénomène naturel a un effet de loupe sur les tendances à long terme avec les changements climatiques hors contrôle.
Cette course à vouloir habiter l’espace ressemble de plus en plus à une fuite en avant, alimentée par les délires de millionnaires mégalomanes, histoire d’oublier les maux de cette Terre.
Mais le compte à rebours s’étend maintenant à l’ensemble du globe.
Soyons clairs. La science du cosmos est essentielle. L’astronomie terrestre et spatiale pour sonder les confins de l’Univers, comme le fait le nouveau télescope spatial James Webb, ou encore les sondes robotisées destinées à rapporter des échantillons de Mars ou d’astéroïdes représentent des quêtes de sens, avec un rapport qualité/prix sans égal en comparaison de missions habitées.
Il en est de même des méga-installations de physique des particules qui explorent l’infiniment petit de la matière pour apporter des réponses sur l’infiniment grand. Des réponses toujours incomplètes, mais qui ont plus souvent un effet d’apaisement sur notre modeste rôle dans ce monde.
Alors, posons la question : ne faudrait-il pas s’offrir une pause sur les projets habités, le temps peut-être de développer des technologies plus adaptées à ces énormes défis et, entre temps, consacrer plus d’énergie à sauver la Terre plutôt que de chercher .. à s’en sauver ?
NDLR:
D’accord avec toi. Faut se calmer et essayer de régler les problèmes de notre planète avant que nous soyons tous détruits. Merci pour cet article.