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Dans un restaurant de Doha en 2012.
Une oppression vestimentaire à l’égard des femmes s’est installée au fil des ans dans plusieurs pays du monde arabo-musulman. Elle a changé la face du monde en à peine 40 ans. Un clin d’œil dans l’histoire avec ce portrait de loin pour regarder plus près …
Jean Dussault
Au début des années 80, la mère d’Amoun(1)l’amenait au marché d’Alexandrie vêtue d’une jupe courte. Aujourd’hui, selon lui, 90 % des Égyptiennes portent le voile, une minorité d’entre elles le hijab, presque toutes le tchador ou le niqab. Après celles de l’Histoire, ce sont donc des momies vivantes qu’on retrouve maintenant en Égypte.
À ce sujet, celui des momies, Haroum (1)expliquait ce jour-là, à juste titre, que la djellaba est plus confortable que le pantalon-ceinture occidental. Mieux, ajouta-t-il, « on porte du blanc l’été parce que c’est moins chaud ». Il faisait 35 degrés à Qena en ce jour de novembre 2019 et toutes, absolument toutes les femmes sur la rue étaient drapées de noir de la tête aux pieds. * En Égypte, le voile est sexiste et donc politique.
Selon son site internet, le Qatar « allie l’hospitalité du vieux monde à la sophistication moderne ». Il eut été déplacé de demander ce qu’en pensaient les femmes couvertes d’un niqab noir dans le marché de Doha en ce beau chaud jour de janvier 2013. Ou à celle, au restaurant, qui aurait eu clairement besoin d’une troisième main pour tenir la partie du voile noir qui lui retombait devant la bouche chaque fois qu’elle essayait de mener sa fourchette dedans.
Comme les hommes au marché plutôt dans la journée, le mari portait du pâle en mangeant allègrement.* C’est tellement moins chaud. Au Qatar, le voile est sexiste et donc politique.
Après plus d’un demi-siècle de la dynastie Pahlavi, répressive au point d’être sanguinaire, la révolution a frappé à la porte du Palais du Shah d’Iran en février 1979. Dans le bras de fer qui a suivi, les progressistes ont perdu, tués ou survivants. Les religieux ont gagné et ils ont enfermé les femmes, même dehors. Les Iraniennes sont devenues des corbeaux sans ailes, sans même pouvoir émettre un cri pour sonner l’alarme. En Iran, le voile est sexiste et donc politique.
Si c’est possible, l’expérience talibane est encore plus brutale. Dans l’Émirat islamique d’Afghanistan, les « étudiants » ont imaginé la burqa. Leur pouvoir déguisé en volonté divine a étranglé des filles, des femmes, des mères, des grands-mères dans des carcans d’humiliation. En Afghanistan, le voile est sexiste et donc politique.
Dans les villages marocains à l’est du col de Tichka, vers Ouarzazate, les rares femmes visibles étaient en fait invisibles ce matin d’octobre 2016.
Ali (1) racontait que là, « c’est plus conservateur » avant d’ajouter que «ma femme ne voudrait jamais qu’on vienne vivre ici, il y a trop de politique ».* Au Maroc, le voile est sexiste et donc politique.
Et encore …
Il est possible que seul un touriste en Turquie en octobre 2012 ait trouvé la scène absurde. Devant un monument dans l’île de Kinaliada dans la mer de Marmara, un homme, vêtu à peu près comme le touriste, prend une photo, comme en prennent les touristes.
Pour décorer ledit monument, l’homme a aligné cinq femmes… indifférenciées, identiquement inidentifiables, sauf peut-être par la couleur du vernis sur leurs ongles d’orteils. Cela restera un mystère puisque le niqab couvre aussi les doigts de pied féminins réservés au mari.* En Turquie, le voile est sexiste et donc politique.
Dans l’île indonésienne de Java, la version convenue des choses chez la majorité musulmane veut que la relation avec les minuscules minorités religieuses soit harmonieuse. Le chauffeur hindou du tuk-tuk sursaute presque dangereusement quand le touriste lui fait part des idées reçues sur l’harmonie collective.
À l’est, dans l’île de Bali, l’immense majorité hindouiste apprécie son enclave, son oasis où les femmes peuvent s’asseoir à la même table que les hommes dans les restaurants et marcher tête nue dans les rues. C’est l’habillement qui indique au visiteur que Bali est une île hindouiste entre la musulmane Java à l’ouest et la musulmane Lombock à l’est.* En Indonésie, le voile est sexiste et donc politique.
Sur un vol entre Jeddah et Madrid en octobre 1983, une femme – le jeune journaliste assis dans la dernière rangée a présumé qu’il s’agissait d’une femme puisqu’il ne la distinguait pas vraiment – une femme présumée, donc, se dirige vers les toilettes à l’arrière de l’appareil. Elle en ressort changée, très changée même: épaules dénudées, mini-jupe et escarpins.*
Peut-être qu’en rentrant à la maison après un bref séjour à l’air libre, elle suggéra à l’amour de sa vie, ou le patron de la maison, qu’il était temps de mettre fin à la mascarade. Peut-être lui a-t-il répondu qu’avec un peu de patience, elle aurait un jour le droit de conduire une auto. En Arabie Saoudite, le voile est sexiste et donc politique.
Le Titanic
Un peu partout et trop ailleurs, l’intégrisme islamique massacre les espoirs et les idées, ravage les vies et les contrées. Petit à petit, le rapace fait son nid. Ce n’est ni Allah ni Mohammed qui a perdu la tête, ou son âme.
Ce sont les Ayatollahs, Mollahs, Talibans, Frères Musulmans et autres Fronts de ceci ou cela se revendiquant de l’Islam qui sèment la terreur pour asseoir leur pouvoir, assouvir leur délire, rassasier leur voracité.
Pour y arriver, ils ne terrorisent pas seulement des femmes, mais surtout des femmes. Dans leur Titanic idéologique, ce sont toujours ‘les femmes et les enfants d’abord’ : les femmes sont enfermées, les écoles sont fermées.
Quand on se compare …
Si les variantes du voile islamique sont trop souvent ailleurs « la face visible » de l’oppression, les femmes d’ici qui en portent affirment le faire par choix.
Elles ne sont pas nécessairement plus adeptes de la charia que leurs voisines les cheveux battant au vent et, clairement, ces Québécoises musulmanes et ces Musulmanes québécoises exercent un droit incontestable.
Il est tout aussi incontestable qu’un signe, c’est un signe ; un signe qui, comme la valise qui ne change pas de couleur en voyageant, ne change pas de sens en traversant des frontières
(1) Ces prénoms ont été changés.
* Propos et gestes entendus et vus par l’auteur.