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Capture d’écran
François Legault, le soir de l’écrasante victoire de la CAQ le 3 octobre 2022.
Jean Dussault
Ce n’est pas parce que presque tous les chroniqueurs l’ont dit ou écrit que c’est faux : oui, le gouvernement Legault a eu un automne misérable.
Et personne d’autre que son chef à blâmer.
Quoique …
Ce n’est pas parce que presque tous les chroniqueurs l’ont dit ou écrit que c’est vrai : non, le gouvernement Legault n’est pas menacé.
Quoique …
L’épine dans Jean-Talon
Avec, ou malgré tout le respect dû à l’électorat, une élection partielle ne veut rien dire. La défaite humiliante de la CAQ à l’élection complémentaire d’octobre en banlieue de Québec n’était en rien une catastrophe annoncée pour le gouvernement Legault,
Pas plus une promesse de péquisation de la région dite de la capitale nationale.
Pourtant, pourtant, la réaction officielle au bureau du premier ministre a ressemblé à celle d’un pilote d’avion en perte d’altitude.
Juste à côté
Dans la circonscription voisine de Louis-Hébert, les caquistes avaient inventé une explication à la victoire de leur candidate dans une élection partielle en 2017. M. Legault lui-même avait publiquement interprété la victoire anodine de son parti comme le signe d’un grand changement à venir.
Nonobstant les qualités personnelles et professionnelles de Geneviève Guilbault, son élection tenait surtout au désistement forcé de deux de ses adversaires.
Un peu comme le chef péquiste a gagné dans Camille-Laurin en 2022 parce que la candidate de QS largement favorite a dû se désister.
Paraît qu’il n’y a pas de petites victoires quand le but, c’est de gagner.
Qui perd ne gagne pas
Régulièrement, les victoires électorales du parti gagnant sont en fait la défaite du gouvernement sortant. Parce qu’en politique, il y a beaucoup plus que de la chance et de la malchance.
Il y a aussi des circonstances, et encore des circonstances.
Comme quand la Coalition Avenir Québec a été élue en 2018.
Bien sûr, il s’agissait d’une éclatante victoire caquiste ; c’était encore plus une cinglante défaite du Parti libéral dirigé par Philippe Couillard perçu par la majorité comme suffisant et arrogant.
Faire un seul mandat est un échec monumental qui ne peut être attribué qu’au gouvernement en place, pas à la grandeur éblouissante du remplaçant.
Encore
Ce même PLQ avait officiellement gagné en 2014 ; dans les faits, c’est le gouvernement minoritaire du Parti québécois de Pauline Marois qui avait échappé le pouvoir parce qu’une étoile montante, Pierre-Karl Péladeau, avait levé le poing en criant : « On veut un pays !».
Faire un seul demi-mandat est un échec monumental qui ne peut être attribué qu’au gouvernement en place, pas à la grandeur éblouissante du remplaçant.
Et encore
Avant le passage éclair du PQ à la tête du gouvernement, le PLQ sous Jean Charest a établi un record contemporain de longévité au pouvoir. Il a perdu en 2012 essentiellement à cause de l’usure, une usure largement auto-infligée. Ce n’est pas tant le PQ qui a alors gagné, c’est le PLQ qui a perdu. Incroyablement serré ; même pas un pour cent plus de votes pour le PQ. Et 54 députés contre 50 pour les libéraux.
À part la victoire, il n’y avait rien à célébrer pour les péquistes.
Plus encore
Avant de l’emporter clairement en 2003, le PLQ sous Jean Charest avait perdu en 1998 contre le PQ mené par Lucien Bouchard. Les libéraux avaient alors obtenu moins de sièges, mais plus de votes que les péquistes.
Comme la majorité avait rejeté un gouvernement officiellement souverainiste, le premier ministre en avait déduit qu’un éventuel référendum serait perdant. Le PQ avait gagné une élection, perdu son élan.
La tendance avait plus d’importance que les circonstances.
Les tendances
Quand même, la tendance augure mal pour le gouvernement Legault qui aura huit ans au prochain rendez-vous électoral.
Aucun parti n’a formé trois gouvernements successifs depuis l’admiré Maurice Duplessis. (Il en a même remporté un 4e en 1956 !)
Certes, M. Charest pourra se vanter d’avoir été élu trois fois d’affilée, mais s’il n’avait pas manqué son coup en 2007 à obtenir un deuxième mandat majoritaire comme c’est l’habitude depuis soixante ans au Québec, il aurait été au pouvoir pendant deux mandats.
La probabilité, quasi certitude, est qu’il aurait perdu en 2011 plutôt qu’en 2012.
Le son des sondages
Rare célébration le 22 novembre.
Des Montréalais ont fêté la victoire des Alouettes à la Coupe Grey ! Paraît qu’il n’y a pas de petites victoires quand elles sont rares.
Mais la bonne humeur est très circonscrite : des services publics sont paralysés par une grève ; et tant et tant de cyniques, ou futés observateurs, ne voient pas de différence entre la paralysie officielle et l’inertie habituelle.
Surprise feinte dans les chaumières ministérielles : un sondage publié dans l’Actualité place la CAQ deuxième derrière le PQ dans les intentions de vote dans le prochain siècle électoral.
Encore une fois, la réaction a ressemblé à celle d’un pilote d’avion en perte d’altitude : « Les Québécois sont fâchés contre moi. »
L’éternité
Un sondage réalisé trois ans avant le prochain scrutin est comme une photo des coureurs au dixième kilomètre du marathon. C’est littéralement un instantané au tout début de la proverbiale éternité qui, c’est bien connu, dure six mois en politique.
Pour l’instant, le gouvernement donne l’allure d’un coureur ayant les deux pieds attachés ensemble.
Mais il y a deux mais.
D’une part, le gouvernement Legault a empilé tellement de cafouillages et dérapages qu’il ne doit plus lui en rester beaucoup à déballer. Normalement, il lui sera difficile de faire aussi pire que de financer des millionnaires du hockey tout en se désolant que la sacoche publique soit vide.
D’autre part, d’autres participants à la course ont aussi démontré de grandes aptitudes à s’enfarger dans leurs lacets. Les tâtonnements des libéraux et les tiraillements des solidaires sont aussi de fichus cailloux dans la chaussure. Et, bien rangé dans un garde-robe caquiste, l’épouvantail référendaire en ressortira bien un jour.
Le troisième quoi ?
Il se peut qu’un autre parti déloge la CAQ du pouvoir en 2026. Si c’est le cas, ce sera comme d’habitude la défaite de l’ancien plus que la victoire du nouveau.
Ce qui devrait inquiéter le parti au pouvoir, ce n’est pas que les Québécois soient «fâchés ».
Son problème n’est pas l’hypothétique troisième lien, c’est l’inaccessible troisième mandat.
1952, ça fait vraiment une éternité.