À propos de l'auteur : Antoine Char

Catégories : International

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Capture d’écran

Colonel de l’armée gabonaise annonçant les raisons du coup d’État le 30 août contre Ali Bongo Ondimba au pouvoir depuis 14 ans.

Le Maroc a accepté l’aide de quatre pays (Espagne, Grande-Bretagne, Qatar, Émirats arabes unis) après le puissant séisme qui l’a frappé le vendredi 8 septembre. La France n’est pas sur la liste de son ancien protectorat, conséquence des relations dégradées ces dernières années entre Paris et Rabat. Plus au sud, le séisme est politique entre Paris et quelques capitales africaines.

Antoine Char

La France a le tournis. Mali, Guinée, Burkina Faso, Niger, Gabon … À chaque coup d’État, la réaction de l’ancienne puissance colonisatrice est la même : « Paris suit avec la plus grande attention » la situation dans ces cinq pays. Et après ?

L’Afrique est le leader mondial quand il s’agit de putschs avec 106 réussis depuis 1952. Depuis une trentaine d’années, les deux-tiers ont eu lieu dans sa partie francophone. Hasard ? Leurs dirigeants sont accusés d’être des « amis» de la France. Dit autrement, ses « protégés ».

Ses intérêts dans son pré-carré où a cours le Franc CFA — sigle qui a longtemps signifié « Colonies françaises d’Afrique », pour devenir « Communauté financière africaine » toujours garanti par … la Banque de France —  sont multiples. Culturels : l’avenir de la francophonie se joue en Afrique grâce à sa croissance démographique. Économiques : les produits Made in France résistent encore à la déferlante chinoise. Géopolitiques : théâtre d’opérations djihadistes, le Sahel est également un terreau fertile pour le groupe Wagner et la présence russe n’inquiète pas seulement Paris.

Et pour veiller à ses intérêts, et à ceux de ses protégés, il y a les bases militaires du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Gabon, du Tchad et de Djibouti. « La présence d’une armée étrangère n’est jamais bien vécue par les populations locales, quel que soit le pays concerné, mais c’est encore plus vrai quand il s’agit des troupes de l’ancien colon », rappelle un diplomate ouest-africain (1)

Contrairement à Londres qui a plié bagages dans ses anciennes colonies africaines, Paris, sans le dire haut et fort, croit encore avoir une « mission civilisatrice » sur le continent où pendant la colonisation elle rappelait aux écoliers africains ceci : Nos ancêtres les Gaulois !

Le français, symbole d’assujettissement ?

Aujourd’hui, la langue de Molière et de Senghor ( le premier président sénégalais ) longtemps considérée comme langue de progrès, « constitue, pour certains, de par son ambiguïté, un symbole d’assujettissement qui, du point de vue local, serait à l’origine de la négation, voire de la destruction des cultures africaines » . (2)

Dans les « À bas la France » lancés par une certaine jeunesse africaine, il n’y a pas encore « À bas la francophonie ! », heureusement car selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Afrique devrait regrouper plus de 85 % des francophones d’ici 2050.

À l’heure actuelle, le français serait la cinquième langue la plus parlée dans le monde après le chinois (mandarin), l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Grâce à qui ? À un continent qui comptabilise près de 60 % des francophones de la planète, en hausse de 15 % depuis 2018.

La « Françafrique »

On le voit, la France pour le rayonnement de sa langue a besoin de ses anciennes colonies dont les habitants croient, faussement d’ailleurs, que l’arrivée au pouvoir de militaires ne peut que sonner le glas de sa domination sur ce que l’on a longtemps appelé la « Françafrique » toujours dirigée par des protégés de Paris.

Le dernier en liste étant Ali Bongo Ondimba, renversé le 30 août, après avoir dirigé le Gabon pendant 14 ans et dont le père Omar a gouverné pendant 42 dans ce petit pays de 2.5 millions d’habitants — l’un des plus riches d’Afrique grâce à son pétrole.

Le jour même du coup d’État gabonais, un autre protégé de Paris, Paul Bya, président du Cameroun depuis 1982 avec sept mandats consécutifs, procédait à un grand remaniement au sein de l’armée. Mieux vaut être prudent : les militaires du continent raffolent du pouvoir et quand ils le prennent au nom de la « démocratie », le résultat se résume à ceci : bonnet blanc, blanc bonnet.

Pour l’heure les foules en liesse accueillent comme une libération les hommes en tenue kaki. Elles espèrent qu’ils seront moins gourmands, en pensant un peu à leurs conditions de vie misérables et que leur entrée dans les palais présidentiels sonnera enfin le glas de la Françafrique, moribonde certes, mais jamais vraiment enterrée.

État de grâce

L’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma (1927-2003) avait-il raison de dire en 2010, « les militaires reprochent aux civils d’avoir « bordélisé » la République mais quand ils arrivent au pouvoir ils font la même chose, ils s’accrochent au pouvoir et c’est l’éternel recommencement » ? (3)

S’ils bénéficient d’un état de grâce auprès de leurs populations, il y a fort à parier que cela ne durera pas si leurs conditions de vie ne s’améliorent pas. C’est l’« afro-pessimisme » avec ses aléas de toutes natures.

En attendant, face à l’« épidémie de putschs » (Emmanuel Macron), « Paris suit avec la plus grande attention … » les tourmentes politiques de ses anciennes colonies et ne sait plus où donner de la tête …

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