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Donald Trump le 4 avril au banc des accusés d’un tribunal de New York, l’air renfrogné. L’ex-président a plaidé non coupable aux 34 chefs d’accusations criminelles qui pèsent contre lui.
Serge Truffaut
L’affaire est entendue. Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, un président fait l’objet d’inculpations. Dans le cas qui nous occupe, Donald Trump évidemment, celles-ci se sont avérées plus nombreuses qu’anticipées: 34. Cet inventaire annonce, voire confirme, que le processus juridique amorcé le 4 avril dernier va se poursuivre à l’aune du « compliqué-complexe ».
Il en sera ainsi, car le procureur du district de Manhattan Alvin Bragg et ses collègues, notamment Christopher Conroy, se sont notamment engagés à tracer la diagonale entre des malversations interdites par les lois de l’État de New York et la loi fédérale qui balise l’élection présidentielle.
Des propos tenus lors de sa conférence de presse, on retient que Bragg entend prouver, par exemple, que les manipulations effectuées dans les livres comptables, donc contraires aux lois de l’État, avaient pour objectif de servir de paravents à divers méfaits sur le front électoral, donc contraire aux lois fédérales.
Stormy, la playmate et le concierge
Dans les cas de la playmate Karen McDougall et du concierge de la Trump Tower, les sommes accordées (150 000 $ pour la première, 30 000 $ pour le second) ont transité par l’intermédiaire d’American Media Inc. (AMI) et plus précisément de son président David Pecker par ailleurs ami de Trump. Au passage, on retiendra que Pecker s’est employé à « cacher » les incartades de Trump depuis 2015.
Les avocats de l’ex-président s’appuient sur la position adoptée par John Edwards, candidat à la présidentielle au début des années 2000, qui avait justifié « l’achat » du silence de sa maîtresse pour protéger sa famille. Le hic, c’est qu’aux procureurs chargés des multiples dossiers Trump, Pecker a confié que « l’achat » des silences de la playmate et du concierge avait été réalisé « de concert » avec l’équipe électorale de Trump.
En ce qui concerne Stormy Daniels, on sait que Michael Cohen, en charge des basses besognes lorsqu’il était l’avocat de Trump, avait « refilé » 130 000 $ à celle-ci pour qu’elle aussi observe le silence. Trump a remboursé Cohen par le biais de neuf chèques qualifiés dans les livres comptables de la Trump Organization de « frais légaux » ce …
Ce qu’ils n’étaient pas. En couplant le témoignage de Cohen lors du procès qui lui a valu des mois de prison aux multiples interrogatoires menés par ses services, Bragg en est arrivé à la conclusion que Trump avait non seulement enfreint les règles imposées au plafond du financement des élections, mais avait agi de la sorte pour berner les citoyens. Pour leur cacher ses vilains petits secrets.
Juge Juan Merchan
Juge à la Cour suprême de l’État de New York depuis 2009, Juan Merchan connaît fort bien Trump, sa famille, ses associés, son entreprise, Trump Organization, pour la bonne et simple raison qu’il est en charge du procès dont Steve Bannon, chef de la campagne de 2016 et conseiller senior à la Maison-Blanche, est le sujet. Ce n’est pas tout.
Auparavant, il présida le procès intenté à la Trump Organization qui s’est notamment conclu par une peine d’emprisonnement imposée à Allen Weisselberg, vice-président finances de la compagnie, pour cause de multiples fraudes fiscales. Et c’est justement cela, cette connaissance approfondie, qui, selon les confidences de proches chuchotées dans les oreilles de journalistes du Washington Post, agace au plus haut point Trump et ses avocats.
Car ce faisant, Merchan est d’ores et déjà au parfum des méthodes employées par Trump, ses enfants, les membres de sa direction, pour détourner les règles fiscales. Au parfum de la culture de cette entreprise pour « enfumer »la valeur de l’actif histoire de berner les créanciers.
Lors de la comparution de Trump, et après que celui-ci eut répondu non coupable aux 39 chefs d’accusation, Merchan a pris soin de formuler un propos en précisant qu’il s’agissait d’une requête et non d’un ordre histoire de ne pas être accusé d’entorse à la sacro-sainte liberté d’expression.
Le propos ? Que Trump s’abstienne de tout recours à une réthorique incendiaire contre lui et Bragg. D’autant que lui et ce dernier font l’objet de menaces si violentes qu’ils sont sous la protection de la police. On s’en doute, Trump s’est employé à prendre le contre-pied de cette requête.
Dans les heures qui ont suivi son retour en Floride, l’ex-président n’a rien trouvé de plus intelligent que d’accuser le procureur général de Manhattan d’être un criminel (sic) et le juge Merchan ainsi que les membres de sa famille de cultiver la haine à son endroit.
En fait, ici et là on s’attend à ce que Trump multiplie les provocations d’ici sa prochaine comparution prévue pour début décembre avec l’espoir d’obliger le juge à poser un geste l’obligeant après coup à se désister. Ce désir de voir Merchan remplacé par un autre magistrat s’est d’ores et déjà manifesté les 4 et 5 avril derniers.
En effet, après la comparution de Trump ses avocats et les procureurs de l’équipe Bragg se sont rencontrés afin de discuter, voire négocier ce qui pourra être divulgué ou pas au cours des prochains mois. Quel usage sera fait des réseaux sociaux. Quelles sont les limites qui ne devront pas être dépassées lorsque la campagne des primaires battra son plein, car on ne s’attend pas à l’ouverture d’un procès avant la printemps 2024 au plus tôt etc … Les défenseurs de Trump ont écarté toute entente, l’objectif principal avant le procès étant la destitution du juge Merchan.
La Georgie
Le dossier intitulé tentative de détournement du résultat électoral en Georgie en 2020 est passablement plus corsé, donc plus dangereux pour l’avenir de Trump, que celui décliné jusqu’à présent. En janvier dernier le grand jury mis sur pied pour décider la marche à suivre juridique a terminé ses travaux.
Au cours de ces derniers, des personnages importants de la galaxie Trump ont été interrogés. On pense notamment à Rudolph Giuliani, le sénateur républicain de Caroline du Sud, Lindsay Graham, le gouverneur républicain de Georgie, Brian Kemp, et Mark Meadows, ex-directeur de cabinet de Trump.
Des confidences d’une membre du grand jury, il ressort que ce dernier a ordonné dans son rapport l’inculpation de plusieurs proches de l’ex-président sans préciser si Trump était sur la liste. Toujours est-il que d’ici quelques semaines, la procureure du district Fulton d’Atlanta, Fani Willis qui a dirigé une enquête ayant duré deux ans, va faire ce que Bragg vient de faire: rendre publique sa décision.
Quoi d’autre ? L’ex-vice-président Mike Pence a fini par se ranger à l’ordre du conseiller spécial Jack Smith nommé par le ministère de la Justice pour faire la lumière sur les événements du 6 janvier, soit comparaître dans le cadre, là également, d’un grand jury.