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Jean Dussault
Jésus au coeur d’une impressionnante peinture à numéros de routes américaines.
Une demi-douzaine d’artistes québécois ont chanté Mille après mille pour raconter leur tristesse sur la route loin de l’être aimé. Ils n’auraient pas moins aimé, mais se seraient beaucoup moins ennuyés dans un aller-retour à La Nouvelle-Orléans. En regardant de chaque côté de la route.
Jean Dussault
Sur plus ou moins 5000 kilomètres, il y a les sites historiques, les lieux magnifiques; il y a les champs à n’en plus finir, il y a les endroits où il faut arrêter pour dormir.
L’histoire, une histoire, cette histoire.
Devant, et derrière, il y a la route. De chaque côté, il y a des portraits du pays, même de la nation.
Des milliers de panneaux-réclame montrent ce qu’il y a derrière eux.
Il y en a tellement plus sur la 20 au Mississipi ou la 10 de la Louisianne que sur leurs soeurs de macadam québécoises que c’en est déroutant.
Train-train
Le plat principal offert dans les caniveaux se résume, bien sûr comme partout, au commerce de ceci et cela. Hôtels, restos, un étonnant vendeur d’équipement de plongée au milieu des champs, des toilettes publiques pudiquement déguisées en aires de repos. Essentielles stations-service.
L’étonnante annonce d’un terrain de camping pour adultes : « 75 $ for ½ ounce ! »
Le menu trio
L’observation, prudente, des panneaux emmène le touriste dans un autre monde, sans même un arrêt au camping réservé aux bons potes.
Devant la quantité, il faut trier.
Entrée, plat principal, dessert deviennent médical, légal, final.
Au Québec, les docteurs sont à l’hôpital, les avocats au palais de justice et Dieu au ciel.
Chez le proverbial Oncle Sam, ils sont tous à quêter vos faveurs le long des routes.
Les docteurs
Le conducteur curieux a croisé deux fois le sourire du « médecin de l’année 2022 » en Ohio. La rencontre, furtive, n’a pas permis de noter son numéro de téléphone, encore moins son adresse courriel.
Idem, en Indiana, pour le chirurgien de la colonne « utilisant la méthode la moins intrusive ». En prime, « pas de frais d’hôpitaux ». Sans doute à verser dans une autre colonne de dépenses.
Pas de numéro de téléphone à refiler, ça roule trop vite dans l’état du Indy 500.
Il y a bien sûr beaucoup plus que les courses de chars au pays des courses de char : les conductrices et les passagères seront ravies, ou simplement soulagées, de voir sur un grand panneau qu’une médecin du nord-ouest de la Floride offre « des soins gynécologiques personnalisés ».
Dans un même souci de clarté, une clinique de soins cardiaques de la Georgie précise que « votre santé est au Coeur de notre mission ».
Les avocats
Si vous avez manqué le docteur, ou si le docteur vous a raté : 411-PAIN répondra à votre appel, téléphonique ou legal. 411-ACHE offre aussi ses services . Sans douleur ?
Plus, disons, pro-actif, un autre, marteau en main, se surnomme majusculement THE HAMMER, sans préciser si c’est pour contrer le maillet du juge ou pour régler la cause à sa façon claire et nette.
Plus, ou moins ? radical, un autre bureau d’avocats montre les dents avec beaucoup, beaucoup de conviction : CALL LAW TIGERS.
Moins mordant, un autre déclare que « les conducteurs imprudents me haïssent ».
L’argent d’abord
Peut-être qu’où il y a de la gêne, il n’y a pas d’avocats.
« Gros accident ? Vengez-vous. » (Big wreck, hit back) « Remporté 8,6 millions $ dans une cause d’accident de la route. » « Obtenu 10 millions $ dans une cause impliquant un 18 roues. »
Et, le top du top : « Recouvrés 15 MILLIARDS reliés à des accidents au cours des ans. » La pub montre un homme, torse nu et sourire dentifrice, relaxant sur une chaise longue. Rien n’indique s’il s’agit d’une victime dûment dédommagée ou de son avocat.
Et, ah la modestie : « Le plus gros bureau d’avocats dans l’univers. »
Autre forme de modestie : « Vous ne payez pas si je ne gagne rien » ; «Vous payez si vous gagnez » ou, sur le même thème, « Je perds si vous perdez.»
Hors-route
C’est fou ce que le droit compte de sous-catégories : des accidents de travail à la négligence subie en milieu hospitalier en passant par le tort indéfini que quelqu’un vous a infligé un de ces mauvais jours : vous n’avez pas besoin de chercher bien loin pour trouver un avocat à numéro pour répondre à votre appel. Évidemment, en Louisiane où la saison des ouragans commence officiellement le 1er juin, s’ajoute la série de bureaux d’avocats prêts à poursuivre, qui sait, pour les dommages à votre toit, votre maison, votre vie, les vôtres. C’est au bout du fil.
Le râteau du voisin et le tricycle de la fille de la voisine sont sûrement aussi dans l’annuaire.
Et si devant l’abondance de propositions, vous hésitez ? ONE CALL, THAT’S ALL
Un plus moderne, et moins bon rimeur, tend la perche autrement : ONE CLICK, THAT’S IT
L’exception
La recension n’est ni complète ni scientifique, mais elle est honnête. L’échantillon inclut un seul avocat montré le poing en l’air : DEFENDING YOUR RIGHTS.
Ledit plaideur est noir.
Jésus
Si l’avocat recherché ne répond pas à votre message, reste l’appel ultime.
Les catholiques québécois du siècle dernier ont appris que Dieu est partout. C’est vrai, en tout cas pour son fils, dans la publicité routière aux États-Unis d’Amérique.
Dans le dernier mois, Jésus a été vu au coeur d’une impressionnante peinture à numéros de routes américaines.
Praise the Lord
De « Jésus a toutes les réponses » à « Jésus est la réponse » à « Faites confiance à Jésus », le ton est posé. Idem pour « Jésus peut sauver votre vie » ou « Jésus est le sauveur » ou « Jésus est mort pour vous, vivez pour lui. » Tout comme : « Les vrais chrétiens aiment leurs ennemis. »
Le tenté hésitera devant : « La foi n’est pas une certitude. »
L’enfer
Le ton est tout autre que celui des attaques contre la femme qui a choisi l’avortement. Présumée photo utérine à l’appui : « Les yeux de cet être se sont formés après 10 jours »; 100 milles plus loin : «Le Coeur de cet humain battait au 18e jour. »
Guère plus chouette que ce panneau artistiquement enflammé en Alabama : CALL BEFORE YOU BURN.
À 33 degrés, le temps presse
Mais, clairement, les automobilistes saisissent le message, c’est écrit en grosses lettres sur un gros panneau en Pennsylvanie : « Voici la preuve que vous nous lisez. »