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La zoothérapie a pris de l’ampleur depuis quelques années, enhardie par la pandémie actuelle. Pourtant, le terme est souvent galvaudé. Nous avons voulu éclaircir la question et voir ce qu’il en est sur le terrain.
Marie-Josée Boucher
Bémol a sept ans. Croisement entre le bichon et le caniche, le chien est le chouchou de tous les vaccinateurs au Centre de vaccination COVID-19 du Palais des Congrès de Montréal, où nous sommes allés le voir en action.
Il fait aussi la joie des citoyens qui viennent recevoir leur vaccin. En cette fin de février, le Centre en était à ses derniers jours de tenue au Palais. Il a, depuis, transporté ses pénates ailleurs dans le Centre-Sud.
Un départ difficile
Éducateur spécialisé et rattaché depuis plus de 20 ans au Centre des services scolaires de Montréal (CSDM), le maître de Bémol, Sylvain Gonthier,a adopté son animal à la SPCA quand celui-ci n’avait que quelques mois.
Rejeton d’une chienne ayant accouché dans un chenil insalubre, Bémol avait été sevré trop tôt et était déprimé. Soucieux de son bien-être et en accord avec la SPCA, Sylvain Gonthier l’a inscrit à des cours d’éducation canine. Dès les premières séances, selon son maître, Bémol s’est distingué de ses semblables, au point où la monitrice de l’école, Hélène, lui a dit : « Ton chien serait très bon pour faire de la zoothérapie!», raconte-t-il.
Une intervention thérapeutique
La zoothérapie se base sur un plan d’intervention thérapeutique bien défini. Grâce à une demande du CIUSSS-de-l’Ouest-de-l’Ile-de-Montréal, depuis juillet 2021, Sylvain Gonthier ainsi que cinq de ses collègues zoothérapeutes ont été présents, avec leur chien, dans les sites de vaccination du territoire de ce CIUSSS.
Les enfants, les adolescents et les adultes terrifiés par la piqûre trouvent un réconfort par la présence du chien. « Mon objectif, c’est de faire vivre la vaccination le plus aisément possible. Quand je m’occupe de la personne avec Bémol, le vaccinateur peut faire son travail. L’animal, c’est une boule d’amour! », lance Sylvain Gonthier.
Conditions de réussite
Le maître de Bémol explique que le chien qui se qualifie pour la zoothérapie doit avoir un bon tempérament, bien écouter les consignes et pouvoir évoluer adéquatement dans le contexte où il est appelé à agir. Il doit également être disposé à se faire toucher par des étrangers, et, fait important, à supporter sans mal les déplacements en voiture.
Sylvain Gonthier répète que le triangle animal-maître-bénéficiaire est capital. « Quand Bémol a son foulard, il sait qu’on travaille. Je suis toujours en décodage de mon chien. Il faut respecter son attitude et sa manière de faire pour voir les signes qu’il nous émet.»
Formation requise et précision
Membre de la Corporation des zoothérapeutes du Québec, fondée en 2006 et qui regroupe près de 200 praticiens, Sylvain Gonthier souligne que pour en faire partie, il faut respecter un rigoureux code de déontologie et avoir suivi la formation appropriée.
Il s’agit du programme Stratégies d’intervention en zoothérapie, une formation aux adultes de 585 heures, offerte aux cégeps de La Pocatière et de Saint-Hyacinthe, et qui mène à l’obtention d’une attestation d’études collégiales (AEC). N’est donc pas zoothérapeute qui veut. « Il faut que les gens arrêtent de se prendre pour des zoothérapeutes! », tonne Sylvain Gonthier.
Le propriétaire de Bémol fait également une distinction importante : il ne faut pas confondre présence animale et zoothérapie. La première fait référence à une personne qui possède un animal et retire des bienfaits de sa présence. Ça n’a rien à voir avec la zoothérapie.
Cas difficile
Lors de notre passage au Palais des Congrès de Montréal, une petite fille était très rébarbative à son deuxième vaccin contre la COVID-19. Elle criait et pleurait, refusant net la piqûre.
Malgré la présence rassurante de ses parents, il a fallu la conduire dans une petite salle cloisonnée et faire appel à trois infirmières vaccinatrices pour arriver doucement à la convaincre. Pendant toute cette période difficile, Sylvain Gonthier est resté dans la petite salle avec Bémol. Il gardait l’œil sur son chien. « Bémol devait comprendre que le son strident n’était pas grave et qu’il n’avait pas à être anxieux. »
Après la piqûre, la fillette est restée quelques minutes avec Bémol et son maître, qui a poursuivi son travail. Sylvain Gonthier lui a donné une seringue en plastique et une souris en peluche pour que la petite fille puisse donner le vaccin à la souris en toute aisance. « Comment ça va? Je suis fier de toi. Tu as eu ton vaccin », l’a-t-il félicité. « La zoothérapie, ça ressemble à du jeu, mais ce n’est pas du jeu! », précise-t-il.
Des besoins croissants
La demande en zoothérapie n’est pas près de diminuer, croit Sylvain Gonthier. « Je dirais qu’elle a explosé depuis cinq à sept ans. »
Ce type d’intervention va au-delà du milieu de la santé et des résidences pour aînés. Il rapporte qu’il est maintenant utilisé pour l’accompagnement au deuil, dans les universités pour aider les étudiants anxieux, dans les établissements spécialisés en santé mentale et même dans les institutions carcérales.
Zoothérapie Québec
De son côté, Zoothérapie Québec existe depuis 1988. L’organisme offre ses services de zoothérapie avec des chiens, surtout dans les résidences pour aînés et dans les écoles primaires et secondaires de Montréal.
Les compagnons à quatre pattes proviennent de familles d’accueil, soit des personnes qui hébergent le chien appartenant à Zoothérapie Québec, ou de familles bénévoles, qui prêtent leur animal pour faire de l’intervention.
« La zoothérapie est une thérapie assistée par animal, mais c’est d’abord et avant tout une relation humaine. Notre outil de travail, c’est le chien qui crée un lien et sert de porte d’entrée », explique le directeur général de l’organisme, Stéphan Francoeur.
Depuis ses débuts, la clientèle de Zoothérapie Québec a beaucoup changé. « Nos bénéficiaires sont principalement institutionalisés. Ils vivent en CHSLD ou en résidence pour personnes âgées », rapporte le directeur général.
Incidence de la pandémie
Zoothérapie Québec a évidemment souffert des effets de la pandémie. L’organisme a dû fermer et rouvrir ses portes à plusieurs reprises entre mars 2020 et février dernier.
Lorsqu’il était possible d’aller voir les aînés, les intervenants devaient bien sûr respecter les consignes sanitaires, c’est-à-dire porter lunettes, visières, gants, jaquettes, etc. Lors des journées chaudes d’été, les visites constituaient tout un défi dans les CHSLD, car beaucoup d’établissements ne disposent pas de l’air climatisé.
Il fallait cependant être réaliste pour les animaux. « Je ne pourrai jamais passer mes chiens au Purrell! », s’insurge Stéphan Francoeur .
Les visites de chacun des chiens durent en moyenne deux heures trente, en matinée ou en après-midi, incluant une pause. « C’est du cas par cas. Nous ne faisons plus du cinq jours par semaine, mais en moyenne un rythme de trois jours. »
Formation requise et intervention
La formation requise à Zoothérapie Québec totalise 56 heures. Elle est réservée aux professionnels de l’éducation, de la santé et des services sociaux.
Le directeur général de Zoothérapie Québec est également d’avis qu’il va y avoir de plus en plus d’interventions en zoothérapie.« La demande est là. Nous faisons une différence. »
Accent sur le comportement animal
À Zoothérapie Québec, on se préoccupe aussi de bien entourer le chien qui fait de la zoothérapie. Catherine Simoneau est intervenante en comportement animal. Ses deux priorités : le bien-être des chiens et la sécurité des bénéficiaires.
Trois facteurs clés favorisent la sélection des chiens choisis, explique-t-elle: il va aisément vers les étrangers, il s’adapte rapidement aux nouvelles situations et il aime se faire caresser ou flatter. « C’est une question de personnalité beaucoup plus que de race », estime Catherine Simoneau.
De plus, le chien en intégration n’est pas uniquement confronté aux activités extérieures.
« Avant d’en arriver au contexte, le chien passera plusieurs semaines au bureau de Zoothérapie Québec avec les autres chiens. On observera aussi comment il réagit aux personnes dans le bureau ou à un événement soudain, comme si j’échappe un verre d’eau par terre», soutient-elle. Grâce à une entente avec une résidence pour aînés à Montréal, l’intervenante en comportement animal peut également observer comment le chien réagit dans un de ses futurs contextes de travail.
Catherine Simoneau ne fait pas abstraction de la relation capitale qui doit s’établir entre le chien et l’intervenant. « Le chien doit savoir que l’intervenant est en mesure de bien communiquer avec lui. Il faut absolument qu’il y ait une bonne communication entre les deux,»martèle-t-elle.
Elle fait valoir la grande sensibilité de l’espèce canine :« Le chien qui se sent bien dans une situation a une excellente capacité de communication. Il réagit rapidement etdétecte l’énergie de la personne bénéficiaire et ce qu’elle dégage. Il peut détecter un malaise à des milles à la ronde ! »