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Jean Dussault
Jean Dussault
La dernière élection présidentielle américaine a porté sur la personne et la personnalité des deux candidats. Comme d’habitude.
Une mauvaise (bonne ?) tradition aux États-Unis d’Amérique.
Ça a toujours été le cas dans les scrutins présidentiels; le vote porte sur un sentiment, pas sur un programme.
Fabienne Thibault a déjà chanté : « C’est une question de feeling. »
2024
L’élection du 5 novembre en a été l’exemple ultime, même la preuve définitive.
Trump, c’était prévisible, a passé sa campagne à « crier des noms » à son opposante, utile faux-fuyant à l’absence de son plan de gouvernance. La plus mentalement organisée Kamala Harris a passé les dernières semaines de sa campagne à vilipender son adversaire parce qu’elle croyait que ce ne sont pas les saines propositions sur ceci ou cela qui allaient déterminer l’issue du scrutin.
Citation/traduction de The Atlantic du 25 octobre : « Les partisans qui remplissent un stade de football le font pour tapager, pas pour étudier. »
Évidemment, il est difficile de trouver et il est même impossible d’imaginer plus politiquement différents que Kamala Harris et Donald Trump.
Ça rend incompréhensible qu’il y ait eu des indécis jusqu’à la fin de la dernière campagne électorale, mais ça confirme qu’il y a beaucoup de choses incompréhensibles chez le proverbial Oncle Sam …
Comme d’habitude, les programmes, plateformes et autres engagements des partis républicain et démocrate n’ont pas été un enjeu dans la campagne pour le poste de « la personne la plus puissante du monde ».
La vieille histoire
Franklin D. Roosevelt est le seul président du pays à avoir été réélu trois fois, donc élu quatre fois, 1932, 1936, 1940 et 1944. Un record qui ne sera jamais battu ou même égalé puisque des modifications à la Constitution en vigueur depuis 1951 limitent à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs qu’une personne peut compléter.
Plus spectaculaire encore, Harry Truman qui a pris la relève à la mort de FDR en 1945, a été réélu président au scrutin de 1948.
Ce qui fait qu’un président du même parti a occupé la Maison-Blanche pendant 20 ans d’affilée, ce qui ne s’était jamais produit depuis que les partis démocrate et républicain s’affrontent dans des élections présidentielles tous les quatre ans.
Et qui ne s’est pas répété depuis.
Depuis 150 ans, il n’est arrivé qu’une seule autre fois qu’un même parti accède à la présidence pour plus de deux mandats d’affilée, quand G. W. Bush, Bush père, a en 1988 succédé aux deux mandats républicains de Ronald Reagan.
L’histoire récente
Depuis trois-quarts de siècle, les élections présidentielles aux États-Unis aboutissent généralement à l’imitation d’un métronome : tic-tac, tic-tac, deux mandats, deux mandats, bye, bye.
Quasi comme si l’électorat avait déduit que la limite constitutionnelle à deux mandats consécutifs pour une personne devait se transformer en borne politique pour les partis. Non seulement untel ne peut pas dépasser deux mandats, mais tel parti ne le devrait pas non plus.
Inversement, c’est comme si la majorité avait compris que la limite constitutionnelle à deux mandats consécutifs signifiait aussi qu’untel ou que tel parti doit compléter deux mandats.
Seulement deux fois, Carter en 1980 et Trump en 2020, un président, et donc son parti ont failli à se faire réélire à la Maison-Blanche.
Le Parti démocrate sous Biden-Harris a répété l’exploit cette fois-ci.
Des cas
Le républicain Eisenhower a été élu en 1952 essentiellement parce qu’il avait été un héros de la 2e guerre (et, évidemment, parce que les démocrates avaient plus que fait leur temps).
En 1960, le démocrate Kennedy représentait la jeunesse devant le sombre Nixon par ailleurs beaucoup plus expérimenté.
Le même Nixon est revenu défaire en 1968 un Parti démocrate sans vrai leader.
Carter en 1976 a délogé un candidat républicain, Ford, héritier du scandale du Watergate.
Devant la superbe de Reagan en 1980, Carter exhalait la faiblesse devant la prise des otages américains en Iran et une économie dans un état pathétique.
Clinton en 1992 a vaincu Bush père déjà dans les parages depuis 12 ans.
Bush fils est venu confirmer la tendance de deux mandats en 2000, idem pour Obama en 2008.
Donc
« La question de l’urne » n’existe pas dans les courses à la présidence américaine. Dans le dernier scrutin, peu prétendront qu’un thème a été « le plus » important : économie, immigration, avortement ?
Dans un pays aussi diversifié que le sont les États-Unis, le seul enjeu commun à tous les électeurs est la personne dont le nom est écrit sur le bulletin de vote présidentiel.
L’hypothèse ici est que les Américains choisissent une personne de confiance pour être le chef-en-chef, pour montrer, pour affirmer à quel leader ils pensent ressembler, à quelle image ils aimeraient être associés.
Leurs choix vraiment politiques portent en fait sur celles et ceux qui prennent les décisions politiques dans les deux chambres du Congrès. À preuve, les majorités à la Chambre et au Sénat sont beaucoup plus changeantes qu’à la Maison-Blanche.
Le clivage idéologique transparaît dans les débats au Congrès, l’affrontement présidentiel est une affaire beaucoup plus personnelle. Particulièrement quand quelqu’un comme Trump, une exception, est dans la course.
C’était dans le plan des Pères de la Constitution : une présidence assumée par une personne et la gouvernance sous la responsabilité des « contre-pouvoirs ».
La plupart des présidents américains ont vu leurs projets contrés pour une partie ou la totalité de leur mandat parce qu’une ou même les deux Chambres du Congrès était détenue par l’autre parti.
Les démocrates Clinton et Obama ont eu les deux Chambres « de leur bord » pendant les deux premières années de leurs mandats de huit ans, Bush fils pendant le premier de ses deux mandats.
Le compte est de huit ans depuis 1960 où le pouvoir a été unifié au plus haut niveau, 12 % du temps.
Les élus à la présidence et même des adulés contemporains comme Kennedy, Reagan, Obama et Trump n’ont pas été « la personne la plus puissante du monde ». Dans 88 % des élections contemporaines, l’électorat a choisi d’équilibrer les pouvoirs.
Le plan original a fonctionné la plupart du temps.
Mais pas la dernière fois …