À propos de l'auteur : Antoine Char

Catégories : International

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Benyamin Nétanyahou et Vladimir Poutine se sont rencontrés plus d’une douzaine de fois en autant d’années.

Antoine Char

Il y a le trait d’union et le pointillé. Le premier définit les relations entre les États-Unis et Israël. Le second représente celles entre la Russie et l’État hébreu : pas toujours nettes, mais soutenues.

Si Washington a reconnu Israël vingt-quatre heures après sa création le 14 mai 1948, Moscou l’a fait deux jours plus tard. Depuis, ces relations sont teintées d’ambiguïtés. À la fois amis et ennemis, le Je t’aime, moi non plus, de Serge Gainsbourg résume bien les rapports russo-israéliens. Vladimir Poutine et Benyamin Nétanyahou se sont rencontrés plus d’une douzaine de fois en autant d’années.

« Bibi », pendant ses différents mandats, est allé quatre fois à Moscou, plus que dans toute autre capitale étrangère, hormis Washington. Une histoire d’amour ? Bien sûr que non. Une communauté d’intérêts, comme il se doit en relations internationales. De la realpolitik, chère à « Dear Henry » Kissinger, l’ex-secrétaire d’État américain.

Atomes crochus

Les deux pays se ménagent. La Russie (comme hier l’URSS) a beau être un allié traditionnel des pays arabes, se montrer favorable à la cause palestinienne, accueillir régulièrement des responsables du Hamas sans jamais les qualifier de « terroristes », Israël évite de la critiquer de front.

Mark N. Katz, professeur à l’Université George Mason  (Viriginie) et spécialiste de la politique étrangère russe, rappelle ceci : « Moscou entretient des relations étroites avec l’Iran et de bonnes relations avec le Hamas, mais Moscou a également développé de bonnes relations avec Israël.

« L’approche de Poutine au Moyen-Orient a consisté à entretenir de bonnes relations avec toutes les parties (à l’exception des djihadistes internationaux comme Al-Qaïda et ISIS), même si elles peuvent être en désaccord les unes avec les autres. Moscou n’aide pas Israël dans le conflit actuel, mais ne veut pas non plus voir la coopération russe avec Israël décliner. » (échange de courriels).

En plus de l’accord de coopération militaire et technologique de 2015 (1) qui a permis notamment à la Russie de développer ses drones, le « couple » a des atomes crochus sur plusieurs fronts.

En Syrie, Russes et Israéliens partagent la même lecture des conséquences d’un changement de régime : le départ de Bachar el-Assad aurait pu se traduire par l’arrivée de forces islamistes. Entre deux maux il fallait choisir le moindre …

De plus, Moscou qui contrôle une bonne partie de l’espace aérien syrien ferme les yeux quand l’aviation israélienne bombarde des cibles pro-iraniennes, notamment celles du Hezbollah.

Mais il y a eu le 7 octobre et depuis le massacre de 1200 Israéliens par le Hamas, toujours pas condamné par la Russie, il y a un point de bascule. Trop tôt cependant, d’avoir une radiographie claire.

Pour l’heure, Israël ne préviendrait plus la Russie de ses frappes en Syrie, selon Bloomberg alors que ce modus operandi était en vigueur depuis cinq ans. « C’est un changement clé de la politique israélienne », explique le magazine américain, qui cite « des personnes proches du dossier ». (4)

Israël, un « pays russophone »

Si Poutine aime, par ailleurs se définir comme un « véritable ami d’Israël » c’est aussi parce que ce pays, a accueilli un million de juifs de l’URSS, dont bon nombre se sont installés dans les colonies de Cisjordanie, faisant du territoire palestinien « un gruyère » (2).

Les russophones sont aussi présents au plus haut niveau politique et plusieurs oligarques russes se sont installés à Tel Aviv notamment. Poutine aime bien rappeler qu’Israël est un « pays russophone »

Et, se rendre en visite officielle en Russie est un passage quasi incontournable pour tout dirigeant israélien soucieux de s’attirer l’électorat russophone dont les voix sont déterminantes aux élections qui se terminent toujours avec un gouvernement de coalition (3).

Est-ce une des raisons pour lesquelles Israël se fait plutôt discret dans l’actuelle guerre en Ukraine ? Nétanyahou n’a condamné l’invasion russe que du bout des lèvres, dit non à toutes sanctions contre Moscou, refuse toujours à livrer des armes à Kyiv et a même cherché à être un médiateur … un peu comme Poutine dans l’actuelle guerre à Gaza.

Mais, rappelle encore le professeur Katz, « les relations russo-israéliennes se sont refroidies depuis le 7 octobre. Les expressions sincères de soutien à Israël du président ukrainien [ Volodymyr ] Zelensky sont très différentes de la réponse relativement froide de Poutine et de son insistance à imputer l’attaque aux États-Unis ».

Politique d’équidistance

Ce coup de froid va-t-il durer ? Il y en a eu d’autres.  Depuis le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1991 — liens interrompus une première fois en 1953 et une deuxième en 1967 avec la guerre des Six jours —rien n’indique qu’ils vont vraiment abandonner leur politique d’équidistance.

Israël ne se fâche pas totalement avec l’ « ami russe » même s’il compare le siège israélien de Gaza au blocus de Leningrad par les nazis. Pourquoi ? Il veut montrer à son grand allié américain qu’il ne met pas tous ses œufs dans le même panier.

Les relations entre Israël et les États-Unis ont beau être « tissées serrées », Nétanyahou, qui détient le record de longévité d’un premier ministre israélien, n’est pas un allié facile.

Il ne s’est jamais entendu avec Barack Obama et Bill Clinton aurait dit ceci de lui  : « Who the fuck does he think he is ? Who’s the fucking superpower here ? » (5)

Faut-il traduire ? Niet ! Vladimir Poutine lui, n’a que de bons mots pour « Bibi » et s’il croit aux miracles, il doit sûrement prier pour la survie politique de son « bon ami ».

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