Partagez cet article
Catherine Saaouter
Claude Lévesque
La COP27 qui s’est déroulée à Charm-el-Cheikh en Égypte s’est close sur un bilan mitigé pour ne pas dire décevant.
Deux éléments ont surtout retenu l’attention : d’une part l’absence de tout engagement à mettre fin à l’extraction et à l’utilisation du pétrole et du gaz, et d’autre part la promesse « historique » de créer un fonds alimenté par les pays riches et permettant d’atténuer les impacts subis et à subir par les pays pauvres en raison des changements climatiques.
Si nous mentionnons la nouvelle positive en deuxième, ce n’est pas parce que nous avons tendance à voir le verre à moitié vide mais bien parce que les engagements pris au cours de ces grands-messes environnementales sont rarement tenus.
Sous la pression des pays producteurs d’hydrocarbures et des sociétés qui oeuvrent dans le secteur, la COP27 n’a pas pu dégager de consensus sur la nécessité de mettre fin rapidement à l’ère du pétrole et du gaz. Ou simplement d’y mettre fin un jour.
Le réchauffement de la planète est pourtant largement attribuable à l’utilisation des hydrocarbures. Dans une proportion de 65 % selon la plupart des experts. L’élevage des animaux, principalement des bovins, y contribuerait pour environ 14,5%.
C’est un peu comme si un congrès sur le cancer renonçait à se prononcer clairement contre la cigarette.
Conséquences dramatiques
D’année en année, de COP (conférence des parties) en COP, le réchauffement planétaire s’accélère. Globalement et localement, de nouveaux records de température sont observés, avec des conséquences souvent dramatiques et spectaculaires : canicules fortes et prolongées (au Royaume-Uni et dans le pourtour de la Méditerranée cet été), sécheresses, feux de brousse ou de forêt, inondations (comme celles qui ont dévasté le Pakistan), cyclones qui atteignent maintenant des régions tempérées comme le golfe du Saint-Laurent.
Le Canada est le quatrième producteur mondial de pétrole. Si son gouvernement dit viser une réduction des émissions de 40% d’ici 2030, il prévoit aussi d’augmenter la production pétrolière de 5%, « ce qui constitue une incohérence majeure » selon Équiterre. [1]
Tous les pays producteurs agissent de cette façon, ont noté non seulement les groupes écologistes les plus militants mais également de hauts responsables de l’Organisation des Nations unies et de l’Union européenne, entre autres.
Les Nations unies ont estimé par la voix de Simon Stiel, le secrétaire exécutif du Secrétariat sur les changements climatiques, que les engagements pris par les pays en matière de réduction des GES d’ici 2030 ne suffiront pas à maintenir la hausse de la température du monde à 1,5 degré C. par rapport à ce qu’elle était avant l’ère industrielle. Cet objectif avait été établi à Paris en décembre 2015.
Fonds de pertes et dommages
La création d’un fonds de pertes et dommages, qui est réclamée par les pays pauvres depuis 1992, a fait l’objet d’âpres débats avant d’être entérinée in extremis à Charm-el-Cheikh.
Il s’agit d’une proposition qui apparaît dans la déclaration finale, et dont les contours restent à être précisés. Elle a quand même le mérite de reconnaître les grandes inégalités devant la crise climatique, ont souligné plusieurs intervenants.
Sherry Rehman, ministre responsable des questions climatiques au Pakistan, où des inondations records ont été déplorées en septembre, a parlé d’une entente « historique ». « Il ne s’agit pas de charité, a-t-elle dit, mais d’un paiement initial pour des investissements dans notre avenir commun et dans la justice climatique . »
Parlant au nom des petits pays insulaires, le ministre de la Santé d’Antigua, a salué la création projetée du fonds des pertes et dommages. Il a estimé qu’un tel projet aidera à « restaurer la confiance entre pays développés et les autres »[2].
Patience, patience
S’il est vrai que le diable réside dans les détails, bonne chance à tous les pays qui rêvent de bénéficier du fonds. Armez-vous de patience et limitez vos attentes, semble-t-on leur dire.
Des lacunes ont été déplorées par plusieurs acteurs dans la déclaration finale de la COP27. Ainsi, celle-ci ne réaffirme même pas explicitement l’objectif de maintenir la hausse de température mondiale à 1,5 degré C au maximum. Cette absence peut jeter un doute sur le sérieux de la communauté internationale ou du moins d’une partie de ses membres.
Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, a parlé de négociations tortueuses, certains pays essayant de reculer sur les engagements préalables. « Trop de pays ne sont pas prêts à réaliser des progrès dans la lutte pour le climat. Il y a trop de tentatives de retourner en arrière par rapport à ce sur quoi nous nous étions entendus à Glasgow », a-t-il dit.
Le Canada, avons-nous souligné, est le quatrième producteur d’hydrocarbures dans le monde après les États-Unis, l’Arabie Saoudite et la Russie.
Il est par ailleurs le 10e responsable des émissions de gaz à effet de serre et il est généralement placé aussi au 10e rang pour ce qui est des émissions par habitant. Il est à noter que les deux classements ne sont pas identiques. Le premier est dominé par de très grands pays comme la Chine, les États-Unis et l’Inde, tandis que le deuxième est dominé par des pays assez peu peuplés dans la péninsule arabique.
Le Québec fait figure d’élève modèle parmi les provinces canadiennes en raison de l’importance de sa production hydro-électrique. Il pourrait faire encore mieux si les Québécois mettaient fin à leur histoire d’amour avec la voiture solo.[3]
On voit bien que le monde en est encore è privilégier l’atténuation des conséquences du réchauffement climatique plutôt que d’essayer d’en éradiquer les causes. Cette attitude a paru évidente à Charm-el-Cheikh, mais aussi à Ottawa, ou l’on vient d’annoncer un fonds pour aider les municipalités à faire face à l’érosion des rives.
[1] Le Canada reste un pays pétrolier, selon des groupes environnementaux, Élo Gauthier Lamothe, La Presse canadienne, 19 novembre 2022
[2] COP27 agrees « loss and damage » fund for climate impact in developing countries, Fiona Harvey, Nina Lakhanu, Oliver Milman et Adam Morton, The Guardian, 20 novembre 2022
[3] Voir entre autres les sites Internet du GIEC et du World Research Institute