À propos de l'auteur : Dominique Lapointe

Catégories : Santé

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Manifestation à Shanghai après l’incendie qui a fait une vingtaine de morts et blessés séquestrés dans un édifice à logement pour cause de COVID dans la région du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine.

Dominique Lapointe

Surprise! Dans une annonce qui a confondu tout le monde ce 7 décembre, le gouvernement chinois abandonne l’essentiel de sa politique zéro COVID adoptée il y a trois ans, au tout début de l’épidémie dans le pays. Une bouffée d’oxygène pour les citoyens, mais qui est loin de sortir Xi Jinping de l’embarras.

Après un allègement partiel des mesures sanitaires décrété il y a un mois, à la suite d’une série de manifestations dans le pays, les autorités abdiquent. Les principales contraintes qui constituaient l’épine dorsale de la stratégie très controversée de zéro COVID version chinoise sont abolies.

Ainsi donc, fini le dépistage périodique et massif de la population. Les tests PCR récents ne sont plus nécessaires pour utiliser les transports collectifs, accéder aux commerces, voyager dans le pays et à l’étranger. Le confinement, limité à cinq jours après un dépistage positif, peut se faire à domicile plutôt que dans un centre désigné. On pourra même acheter des analgésiques contre la fièvre et des antitussifs, une interdiction inimaginable qui visait à échapper le moins de cas possibles …

Zéro COVID, la stratégie mondiale

Dès le début de la pandémie en mars 2020, la majorité des États industrialisés ont adopté une stratégie de réduction massive des activités économiques et sociales qui, espérait-on, permettrait de prévenir le plus grand nombre de contaminations et, par conséquent, les morbidités et mortalités. Davantage ici une réduction des lieux de promiscuité  — travail, loisirs, éducation — qu’un maintien à domicile obligatoire, à l’exception de quelques épisodes de couvre-feu qui suivront.

Il semble bien que cette stratégie draconienne ait été un succès. Des modèles développés par des chercheurs au lendemain de la première vague, au printemps 2020, ont suggéré que le confinement avait réduit les contaminations de plus de 80 %. Mieux encore, il y aurait eu dix, voire vingt fois plus de décès sans ces mesures barrières avance-t-on. Imaginons, c’eût été 100 000 décès entre mars et juin 2020 au Québec seulement !

Rappelons que sans protocoles de traitement éprouvé et sans vaccin, la mortalité était particulièrement élevée, chez les personnes âgées en particulier.

Ailleurs toutefois, dans certains pays insulaires d’Asie ainsi que l’Australie et en Nouvelle-Zélande, on est allé plus loin en fermant rapidement les frontières et, dans certains cas, en traçant les citoyens positifs et leurs proches avec leur téléphone portable. Un effort supplémentaire payant qui permettait de limiter la circulation des individus risqués et à risque, et qui offrait paradoxalement plus de liberté au reste de la société.

Avec un taux de reproduction (Ro) autour de 3, c’est-à-dire qu’un individu positif contaminait environ trois personnes dans un environnement sans contraintes, l’effort était considérable, mais fructueux. SARS-CoV-2 était cependant loin d’avoir dit son dernier mot.

Des vaccins providentiels

De Wuhan à Delta, de Delta à Omicron et d’Omicron à ses rejetons, le virus est devenu beaucoup plus contagieux, présentant un Ro quatre, cinq, voire six fois supérieur à celui du début de la pandémie. Il devenait évident que vouloir éradiquer l’épidémie sur un territoire devenait impossible. Il a donc fallu se résoudre à passer à une autre phase, celle de contrôle d’une progression de l’ incidence inéluctable. Contrôler pour protéger, tant que faire se peut, les ressources hospitalières en soins intensifs.

Fort heureusement, au moment où les variants s’imposent à la fin de l’année 2020 , la science annonce la bonne nouvelle : les vaccins testés fonctionnent. Ceux issus de la dernière technologie par ARN messager donnent des résultats inespérés, qui vont même au-delà de la prophylaxie vaccinale habituelle.

Les pays qui avaient adopté une stratégie de zéro COVID mettront peu de temps à offrir une vaccination massive pour éviter les flambées dans leur population encore peu exposée. Mais pas la Chine.

Zéro COVID, l’erreur chinoise

Premiers à présenter des vaccins anti-COVID, les laboratoires chinois ont choisi la technologie classique par virus inactivé. Après deux et trois doses, le Sinovac et le Sinopharm  s’avèreront moins efficaces que les formules par ARN messager, mais compétitifs après des doses de rappel.

Le président chinois, Xi Jinping, en fera son nouvel étendard politique. La Chine sauvera le monde de la COVID. Un beau programme diplomatique qui permet de faire oublier que cette zoonose de chauve-souris est sortie de sa campagne ou de ses labos. Une origine qui risque fort de n’être jamais élucidée.

Asie, Afrique, Amérique du Sud, Xi vaccine plus de la moitié de la planète. Mais il a négligé sa propre population. En fait, pas vraiment à son point de vue, ni même celui des Chinois qui ont cru longtemps à la stratégie du président, plus politique que sanitaire. Rien pour aider la vaccination, car l’enjeu qui se profile est bien davantage lié aux taux mitigés de la vaccination qu’à la moindre efficacité des vaccins chinois.

Selon ce qu’on en sait, seulement deux aînés de plus de 80 ans sur trois ont reçu deux doses de vaccin, des formules dont l’efficacité décline plus rapidement que les ARNm.

Le président chinois a pourtant acheté des droits de production de la technologie ARNm, mais pas pour les distribuer sur le continent, mais pour forcer Taiwan à passer par Pékin pour les importer.

Résultat : Airfinity, une société britannique d’analyse des déterminants de santé, avance que la levée des mesures sanitaires draconiennes et la vaccination déficiente pourraient engendrer plus de 250 millions de cas et environ deux millions de décès en moins de trois mois dans le pays.

On vient de lancer des opérations rattrapage. Bien tard cependant. La Chine dispose de quatre lits en soins intensifs par 100 000 habitants. C’est trois fois moins qu’au Québec.

Un tsunami COVID chinois

Le SARS-CoV-2 mesure quelque 100 nanomètres, c’est environ mille fois plus petit que l’épaisseur d’un cheveu. Qui aurait pu se douter qu’une si minuscule bestiole, incapable de survivre sans nos cellules, allait bouleverser la planète entière en quelques semaines seulement ?

Il n’y a aucun déterminisme dans l’évolution des virus. Ils mutent au gré du hasard et c’est la quantité de réplications qui augmente le risque, ou la chance, c’est selon, de déboucher sur un variant plus ou moins virulent. Avec une population d’un milliard 400 millions de personnes, impossible de dire ce qui en résultera. En Chine, mais aussi peut-être ailleurs dans le monde.

Chose certaine cependant, et les temps qui courent en sont éloquents, les effets des politiques des États totalitaires ne connaissent pas de frontières.

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