À propos de l'auteur : Jean Dussault

Catégories : Québec

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Jean Dussault

Le porte-parole de Québec Solidaire  a modifié le programme de son parti sur le port de signes religieux dans les services publics. Son éventuel gouvernement permettrait « le port de signes religieux pour que tout le monde puisse travailler au Québec, peu importe ses croyances» (1).

Il y a maintenant plus de trois ans que Québec Solidaire a accepté le port du tchador, du niqab et, oui en théorie, de la burqa d’un côté ou de l’autre d’un comptoir de, disons, la SAAQ.(2)

Le nouveau compromis décidé par l’aspirant premier ministre consiste à exiger la prestation des services publics à visage découvert, donc pas de burqa en classe, un copié-collé de la dernière loi en la matière de la part du défunt gouvernement libéral de Philippe Couillard.

La politique au tribunal

M. Nadeau-Dubois veut que les tribunaux tranchent : «  Il faut, une bonne fois pour toutes, savoir si interdire à une jeune femme d’enseigner parce qu’elle porte un foulard  respecte notre Charte québécoise des droits et libertés de la personne »(3).

Réaction de l’ancien sénateur, André Pratte : «Voici donc le PLQ doublé par QS sur le plan de la défense des libertés individuelles ; qui l’eût cru ?»(4)

M. Pratte a raison de s’étonner qu’un parti collectiviste défende si haut et si fort les droits individuels, mais son étonnement arrive bien tard.

Ancien ministre maintenant chroniqueur pour Québécor, Joseph Facal, pour sa part, est surpris qu’un parti féministe adopte une telle position. Il ne comprend pas non plus que QS, comme bien d’autres, ne fasse pas la différence entre une opinion politique et une opinion religieuse : «Accepterait-on un fonctionnaire arborant un macaron politique (…) au nom de sa liberté de croyance ? Non, évidemment».(5)

La personne ou le poste

En effet, le débat, et son issue, serait plus simple s’il portait sur le poste occupé plutôt que sur la personne qui occupe le poste.

L’enjeu de la laïcité dans les services publics ne touche ni la personne qui porte un signe religieux et encore moins son origine ; ni le signe en question et pas plus son sens. Ce qui compte et ce qui compte seulement, c’est le poste occupé.

Tout-e employé-e des services publics devrait se taire, sauf pour rendre le service pour lequel les contribuables lui versent son salaire. Le client/patient/usager/élève n’en a rien à faire si la commise à la SAAQ aime Hubert Lenoir, mange de la poutine, appuie le Canadien, vote marxiste-léniniste ou prie, et qui.

L’emploi ou la tribune

Ni le demandeur ni le donneur de service public ne sont dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale pour débattre de l’avenir de la nation, ni dans une séance de dégustation, ni dans un bar dit sportif, ni dans un concours de chant. Et encore moins dans un temple/synagogue/église/mosquée à écouter ou prononcer un sermon/prêche/prône. Qu’il soit hurlé ou susurré.

Quand la citoyenne veut deviser de musique, de cuisine, de sport, de politique ou des labyrinthes de l’âme, elle ne demande pas au commis qui renouvelle son permis de conduire.

Il en va de même du patient qui subit un examen de la prostate. La relation doit se limiter au service offert et demandé. Au nom de l’histoire et de la géographie québécoises, la référence à la météo constitue une exception à cette règle du mutisme officiel.

Le silence est d’or

La simplicité du principe en cause est aveuglante : un service public laïque, c’est un service public laïque où aucun employé n’exprime quelque parti pris que ce soit. Dans le service public doit primer le respect de la diversité d’opinions ou d’impressions ou d’envies senties, vécues,  véhiculées, imaginées ou rêvées par les client-e-s, usager-e-s, patient-e-s, contribuables.

Tellement évident : pour les respecter toutes, il faut n’en afficher aucune. Dans les faits, l’habillement est, comme l’hygiène personnelle, assimilable à une entente de colocation, une convention de partage de l’espace et même une condition de travail.

Au travail, l’employé.e fait son travail ; il lui reste  ses heures privées pour jouer au hockey ou de la lyre, danser ou dormir, militer ou lire. Prier ou rire.

La liberté

Au cœur de la «déburqanisation» de la politique de QS, son chef prône maintenant les services publics offerts à visage découvert. Soit.

Prenons l’exemple  d’un enseignant qui arriverait en classe, à visage découvert, avec une casquette « Vive Satan », ou qu’une infirmière se présente à l’hôpital, à visage découvert, avec un chandail « J’adore le diable. »

Il est probable que peu monteraient au créneau pour défendre leur droit de proclamer ainsi une opinion anti-religieuse au travail. La logique voudrait qu’il en soit de même de toute opinion religieuse, comme de l’opinion tout court.

Souvenirs, souvenirs

Personne ne se souvient de féministes ayant défendu le droit des religieuses de se coiffer d’une cornette ; il est même plutôt facile d’imaginer que des femmes avant-gardistes aient approuvé et même célébré que le carcan d’autres femmes soit  carrément disparu du service public.
Quand les écoles et les hôpitaux sont devenus publics il y a un demi-siècle, il n’y a pas eu de syndicats pour défendre le droit des religieuses enseignantes ou infirmières de porter la soutane ; pas non plus d’appel ému sur le sort des religieux qui ont troqué le col pour la cravate. Ou, chez les plus audacieux, le col romain pour le col roulé.

Personne n’a renié sa foi en enlevant sa soutane sur son lieu de travail à ce moment-là. Personne n’a à renier sa foi en enlevant son voile, sa kippa ou son turban sur son lieu de travail à ce moment-ci.

Il y a un abîme entre l’apparence et la croyance, il y a un abysse
entre les vêtements et la spiritualité.
Ainsi soit-il

Le front

Porter un signe religieux dans un emploi public, c’est affirmer que sa version de sa religion est plus importante que toutes les autres présentes dans sa classe et même que celle du contribuable qui paie son salaire.
Fût-il voilé, cela s’appelle du front.

1 – LaPresse+. 4 juillet 2022
2 – en-retrait. 13 juin 2022
3 – LaPresse+. Op.cit
4 – Le Devoir. 7 juillet 2022
5 – Le Journal de Montréal. 5 juillet 2022

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