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Antoine Char
Jean Dussault
Grand état a été fait le mois dernier d’un « camp dominant » d’enseignants déviants à l’école Bedford à Montréal.
Leur origine maghrébine et leur foi musulmane ont été soulignées à grands et gros traits noirs.
Or ce n’est ni leur pays d’origine ni leurs croyances qui en font des enseignants incompétents.
Le tabou
L’inaptitude de la bande des onze à enseigner provient de leur militantisme, de leur prosélytisme, de leur sermon et attitude intégristes.
Un comportement analogue au leur en provenance d’enseignants catholiques nés à Chicoutimi serait tout aussi inadmissible.
Aucune des enquêtes sur le climat empoisonné depuis trop longtemps, aucun des reportages et peu de chroniques n’ont alors appelé le chat un chat. Une clique a voulu appliquer des principes rigoristes et imposer des règles rétrogrades de l’intégrisme islamique dans une école laïque du système d’éducation public que le Québec a choisi de déreligieuser il y a soixante ans.
Ces 11 ultras ont d’abord nui à des élèves dont ils avaient la charge.
Ils ont floué des parents et menacé des collègues ouverts d’esprit.
Ils ont même réussi à humilier les syndicats et les directions d’école.
Au nom de leur vision de leur religion, ils ont usurpé leur mandat public.
Eux et eux seuls doivent être le sujet de l’opprobre.
Sur la rue
Évidemment, les xénophobes ont vu là la preuve, une autre, que les immigrants ne « nous » respectent pas et les sectaires ont conclu, encore, que l’islam est une religion qui n’a pas sa place ici.
Le dommage aux élèves est le pire.
Aussi odieux de la part de ce clan, c’est toute la communauté dont il est issu qui va écoper le plus.
Ces fous de leur dieu ont semé le : «on vous l’avait bien dit que ces gens-là…»
Pourtant, pourtant
Un rapport de la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse(1) établit que, de vingt-quatre catégories créées d’après le degré de dévotion et subdivisées entre natifs et immigrants, les musulmans immigrants au Québec sont au 21e rang. Les catholiques natifs du Québec sont au 24e(2). Comparables au point d’être pareils : les musulmans immigrants et les catholiques nés au Québec n’expriment pas plus publiquement leur religion les uns que les autres. Autre donnée, la plus grande proportion d’immigrants à ne participer à aucune activité religieuse se trouve, à 62 %, presque les deux tiers, chez les musulmans immigrés au Québec. Le militantisme religieux des immigrants musulmans est une vue de l’esprit.
Il est plausible que la CDPDJ ait voulu par cette éclairante étude contribuer à diminuer la xénophobie, plus particulièrement l’islamophobie. Après tout, ou avant tout, la Commission défend les droits et libertés individuels garantis par la charte québécoise et elle s’est opposée formellement à la loi 21 sur les signes religieux dans les services publics. La Commission voulait peut-être démontrer que les immigrants ne menacent pas la nation québécoise par leurs origines et religions variées.
Les données de Statistique Canada qui constituent la base de l’étude de la CDPDJ n’ont pas été actualisées, mais il est raisonnable de présumer que, comme des femmes qui avaient témoigné devant la Commission Bouchard-Taylor à Gatineau en septembre 2007, (3) un très grand nombre d’émigrants de l’Afrique du Nord viennent au Québec, ou vont ailleurs, pour fuir le totalitarisme religieux qui s’y étend. Il est fort improbable qu’ils soient venus ici pour faire l’apologie et la promotion de dogmes islamistes qu’ils fuient.
Sauf les prétendus élus d’Allah lui-même, déguisé en père fouettard sexiste.
Chut
La chroniqueuse Rima Elkouri, de La Presse+ a vu dans la dérive à l’école Bedford l’occasion de répéter son opposition à la loi 21 sur les signes religieux dans des services publics : « Les premiers problèmes signalés à l’école Bedford l’ont été en 2017, deux ans avant l’entrée en vigueur de la Loi sur la laïcité de l’État. De toute évidence, ils se sont poursuivis bien après, sans que cette loi y change quoi que ce soit.»
Elle a ajouté dans sa chronique du 19 octobre : « Si on veut que l’école soit un sanctuaire laïque, où les élèves peuvent s’épanouir et développer leur esprit critique à l’abri de toute pression intégriste, du prosélytisme, des discours haineux, sexistes, homophobes ou autres, ça ne sert finalement pas à grand-chose d’exiger des enseignants qu’ils laissent leur kippa, leur turban ou leur voile au vestiaire. Ce sont l’incompétence, l’ignorance et le zèle religieux qu’il faut tenir loin des portes de l’école. »
Comme d’autres, Mme Elkouri a choisi de parler de « zèle religieux » plutôt que d’intégrisme islamique. Elle potpourrise kippa, turban et voile comme si, ben, on jasait ici de façon générale d’affaires générales.
De la même façon, Québec solidaire et le Parti libéral du Québec tanguent, dodelinent et tâtonnent au lieu de nommer et de condamner le dérapage d’une petite gang d’intégristes islamiques aux dépens du plus grand nombre. Ils osent, braves, susurrer « «pression intégriste» sans spécifier de quel intégrisme elle provient. Catholique, sikh, hassidique, évangélique ? Allez savoir.
Il est pourtant établi dans tous les domaines qu’il faut procéder à un diagnostic clair et net avant d’intervenir dans un sens ou dans l’autre.
Comme si ces élus tellement, oh tellement ouverts, craignaient de se faire accuser de racisme, de xénophobie, de sectarisme s’ils dénonçaient publiquement des abus commis au nom de croyances inventées et d’exagérations colportées par des illuminés par leur propre lumière.
La loi 21
Cherchant à parler sans dire quoi que ce soit sur les dérives à Bedford, ces libertariens modernes prétendent qu’un enseignant qui affiche ses convictions religieuses en classe par un signe visible vaut mieux qu’un qui les cache, mais qui propage sournoisement la parole de son idole préféré et adoré.
Le signe religieux serait devenu une preuve de franchise plus acceptable que l’opinion invisible, mais toute aussi vraie.
Confondant eux aussi l’islam et l’intégrisme islamique, QS et le PLQ ont tu le mot qui commence en « m » : militantisme.
Du même souffle, ils invoquent le droit d’afficher en classe ses convictions religieuses.
Chouette : une fois banni le militantisme sournois, place au militantisme à visage… couvert.
1-CDPDJ 2.120-4.21.1 « La ferveur religieuse ». Paul Eid, chercheur, Ph.D. (sociologie) Direction de la recherche et de la planification. P. 2
2-id. Tableau 6a p.43
3-Radio-Canada. Émission Désautels. 11-09-17