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Diane Précourt
À l’instar de l’entrée d’Internet dans nos vies, les chatbot de ce monde bouleversent déjà nos comportements sociétaux. Sur le plan personnel autant que professionnel. Et ce n’est qu’un début. Depuis toujours, le monde du voyage a recours aux technologies de pointe, et par sa nature, il figure parmi les domaines stratégiques pour tout développement au rayonnement planétaire. De la virée touristique au plan d’entreprise, les outils d’organisation ne manquent pas. Mais celui qui marque les esprits et enflamme les plateformes médiatiques ces temps-ci prend l’allure d’une – autre – révolution. Du côté de l’industrie, certains experts sont catégoriques : il y a les agences qui sauront tirer profit de ChatGPT, et les autres qui vont peut-être ramer pour durer.
ChatGPT, pour Chat Generative Pretrained Transformer, cet agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle (IA), s’est déjà immiscé dans l’ADN d’entreprises, mais aussi dans le quotidien d’individus, jeunes et moins jeunes, qui trouvent là matière à s’informer sur tout et son contraire. Avec un accès instantané et 24-7 à un condensé de renseignements s’abreuvant à une multitude de sources. Un million d’usagers furent conquis en seulement quelques jours lors de son lancement fin 2022, avec une augmentation exponentielle à la clé, selon Mathieu Labrosse, chercheur à la Chaire de tourisme Transat-UQAM.
On entend déjà les doléances de voyagistes et d’agences qui y voient une menace pour les emplois, voire pour leur existence même. Parce que la chose est puissante, qui peut vous générer du texte et répondre illico à vos demandes, dans des dizaines de langues, en moins de temps qu’il n’en faut pour cliquer sur un site de voyage.
« Mais l’outil développé par l’américaine OpenAI n’est pas une échappatoire pour résoudre tous les problèmes, affirme M. Labrosse, et ne remplace en rien l’humain derrière. » Cela dit, il y aura vite deux camps, selon lui : ceux qui emploient à bon escient cette innovation finiront par remplacer les sceptiques dubitatifs. Comme dans le cas d’Internet, les agences qui se sont adaptées ont survécu. Selon Frédéric Gonzalo, consultant en marketing Web, les gagnants se trouvent effectivement du côté de ceux qui pourront capitaliser à la fois sur leur expertise et sur la plus-value qu’offre cette interface. Autrement dit, comment aiguiser ses ressources, humaines et autres, tout en économisant un précieux temps de recherches et d’opérations purement techniques.
Quant au consommateur, dit-il, le voyageur en l’occurrence ici, « l’utilisation la plus populaire de ChatGPT reste un moyen de dénicher des idées, des suggestions, un choix de destination, un itinéraire ou un budget, une espèce de service de conciergerie bonifiée ». On peut imaginer, par exemple, y glaner des informations avant de solliciter un agent pour fignoler un projet, finaliser une transaction et ainsi éviter les mauvaises surprises à destination.
Car, on ne le répétera jamais assez : seuls les gens qui font appel à une agence titulaire d’un permis de l’Office de la protection du consommateur (OPC) peuvent bénéficier du Fonds d’indemnisation de ses clients, une protection financière en cas de faillite d’un fournisseur ou de non-livraison d’une prestation. Une garantie fortement recommandée par l’OPC, dit son porte-parole, Charles Tanguay, « surtout en ces temps d’incertitudes climatiques, de tensions politiques ou de crises sanitaires comme la COVID-19 ».
Inquiétudes intelligentes
Les Kayak, Expedia, Transavia et autres moteurs de recherche en tourisme flirtent de plus en plus avec l’intelligence artificielle afin, dans un premier temps, de personnaliser au maximum l’offre-clients. Et il semble que les voyageurs en redemandent.
Mais voilà, toute nouveauté technologique charrie son bagage d’inquiétudes, avant de tracer inexorablement son chemin jusqu’à nos moindres usages, chamboulant au passage nos codes sociaux. Et comme pour toute nouveauté technologique, la zone sombre n’est jamais bien loin, colportant ses dérives potentielles, voire le spectre d’une pensée unique, brandissent les plus alarmistes. À ce stade du déploiement de ChatGPT, certes un bébé de l’intervention humaine, les questions fusent. Quel genre d’entreprises se collent et se colleront à ce colosse virtuel cracheur de données? Par qui cet agent est-il « entraîné » ? Fera-t-il l’objet d’une garde à l’échelle mondiale?
Outre le service payant de ChatGPT, son usage de base reste gratuit. Pas une raison, cependant, « de tout prendre pour du cash », avertit M. Gonzalo : « Cet outil est tellement fluide et convaincant que la prudence exige de valider les informations qu’il émet. » Il existe même, dit-il, des applications pour y déceler erreurs, illogismes et incongruités. D’autant que, si le chat est sorti du sac en 2018, « l’entraînement » de la version actuelle se termine en 2021. Ainsi, dans l’intervalle jusqu’à aujourd’hui, certaines données peuvent accuser leur date de péremption.
Un outil qui peut s’avérer précieux, donc, mais qui demeure un outil, insistent les spécialistes. Pour l’instant. Une innovation à ses balbutiements, si l’on peut dire cela d’une interface déjà d’une puissance inédite, dont l’énorme potentiel tous azimuts figure assurément dans les cartons technologiques. Pour l’heure, on en est à l’apprivoiser, et peut-être ultimement à en faire un allié plutôt qu’un ennemi. L’intelligence humaine n’est-elle pas le cerveau derrière toute intelligence artificielle ? Reste que la bête est dans la cour, quoi qu’on en dise ou pense, et c’est là pur euphémisme. Faudra-t-il appeler un chat un ChatGPT ?
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