À propos de l'auteur : Rudy Le Cours

Catégories : Québec, Économie

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Grâce avant tout aux véhicules électriques, Québec compte diminuer ses gaz à effets de serre de 20 % d’ici 2030 et atteindre la carbon-neutralité d’ici 2050. Objectif fort louable et ambitieux qui permettrait aussi un retour vers l’équilibre de ses échanges commerciaux avec ses partenaires internationaux et canadiens. Du jamais vu au cours du présent millénaire où s’accumulent déficit sur déficit.

Rudy Le Cours

En 2021, le Québec a enregistré une sortie nette d’argent de 6,4 milliards dans son commerce extérieur. Comme l’année précédente, ce solde était en forte baisse, pandémie oblige.

Si on se fie plutôt aux soldes de 2017, 2018 et 2019, le déficit oscille autour des 15 milliards (1). C’est autant d’argent qui s’en va enrichir d’autres provinces et surtout d’autres pays.

Quand on examine ces chiffres de plus près, on constate que le Québec dégage un surplus de plusieurs milliards dans ses échanges avec les autres provinces, surplus toutefois entièrement annihilé par ses déficits réalisés outre-frontière. 

En 2022, les importations internationales de pétrole brut ont totalisé 6,5 milliards, selon l’Institut national de la statistique (2).

Toutes les importations internationales d’or noir proviennent des États-Unis depuis 2019. Elles représentent près de la moitié de nos achats de brut (3).

L’autre moitié provient des Prairies. 

C’est donc dire qu’aux 6,5 milliards que le Québec verse aux pétrolières américaines, il faut en ajouter autant, versés aux cheiks albertains.

Bref, treize milliards d’importations au seul chapitre du pétrole brut.

Il y a plus.

L’an dernier, le Québec a aussi importé de l’essence à moteur d’une valeur de quatre milliards. Dans ce cas, le précieux liquide provient en partie d’Europe. Il a aussi payé environ 800 millions pour du carburant diesel et du mazout léger.

Aux 13 milliards en brut importé, il faut donc ajouter 4,8 milliards en produits pétroliers raffinés. 

Les données sur le commerce interprovincial ne nous permettent pas de mesurer si le Québec a acheté de l’essence des raffineries de l’Ontario ou du Nouveau-Brunswick. Irving exploite d’ailleurs la plus grosse usine pétrochimique du Canada, à Saint-Jean (4), dont la production excède les besoins de la province. 

On présume que oui, mais faute d’indicateurs fiables, postulons qu’il n’y a pas eu d’achat.

À près de 18 milliards, la consommation québécoise de produits pétroliers, bruts et raffinés, creuse à elle seule tout le déficit de nos échanges commerciaux. Certes, réduire à néant l’usage de produits pétroliers n’est pas imaginable. Force est de constater cependant que la réussite de la transition énergétique ouvre la perspective emballante d’un retour à l’équilibre de nos échanges commerciaux et à notre enrichissement collectif.

Les poids lourds entrent en scène

Pour y arriver, Québec doit accélérer la conversion de son parc de véhicules lourds et légers mû aux hydrocarbures vers des modèles alimentés à l’électricité. Le plus tôt sera le mieux.

Voilà pourquoi le gouvernement caquiste a annoncé quelques initiatives pour accélérer cette transition.

Ainsi, il veut acheter à NovaBus 1230 autobus électriques produits et assemblés à Saint-Eustache pour équiper les sociétés de transport en commun afin que 55 % du parc soit électrique d’ici 2030 (5). Ces véhicules s’ajouteront aux 830 bus hybrides en cours de livraison à la Société de transport de Montréal.

Les fabricants de bus scolaires Lion (Saint-Jérôme) et Thomas (Drummondville) font aussi partie de la danse. En outre, Lion électrique fabrique déjà une gamme de camions urbains tout électriques exploités notamment par la Société des alcools du Québec (6). 

Restent les camions lourds long courrier et les autocars. Dans ce dernier cas, le fabricant Prevost de Sainte-Claire, développe depuis l’an dernier un autocar 100 % électrique ainsi qu’un programme de conversion de ses modèles mus au diesel. La filiale de Volvo a bénéficié de l’aide de Québec pour relever ce défi (7).

Mentionnons enfin, que Paccar, fabricant des camions lourds Peterbilt et Kenworth, à Sainte-Thérèse notamment, s’est associé à Toyota pour la production dès 2025 de poids lourds hybrides, tandis que Maximetal de Saint-Georges, commence à livrer des véhicules électriques utilitaires ou incendie (8) . 

Ne pas prendre l’enjeu à la légère

Les défis techniques pour la conversion au tout électrique représentent des opportunités pour certains constructeurs, des obstacles pour d’autres. Si Tesla est parvenu à se hisser parmi les leaders, il y en a d’autres dont l’étoile pourrait vite pâlir, à moins de se concentrer sur des marchés où la transition énergétique, voire la reconnaissance des changements climatiques, n’a pas l’heur de plaire. Pensons aux pétromonarchies, au Texas ou à l’Alberta.

En 2022, la production mondiale de véhicules électriques a atteint 10 millions d’unités. Il s’agit d’un bond considérable par rapport aux 6,7 millions d’unités de 2021. Depuis 10 ans, la progression est exponentielle.

Le premier fabricant mondial n’est plus Tesla qui a livré 1,3 million de véhicules, l’an dernier. C’est le chinois BYD, inconnu en Amérique du Nord, avec 1,86 million d’unités. C’est dire que la Chine prend le virage très au sérieux, même si elle produit son courant au charbon en grande partie.

Suivent VW Group, GM (en incluant sa filiale chinoise Wuling), Stellantis et Hyundai (en incluant Kia).

À noter que Ford est au 17e rang, Toyota 23e. Honda ne figure pas au classement.

Bref, plusieurs fabricants, dont les véhicules sont très populaires au Québec, trainent la patte. Ils devront accélérer le développement et la production de nouveaux modèles ou céder de grandes parts de marché. Les lobbyistes s’activent déjà à tenter d’infléchir la volonté des gouvernements… 

Car Québec n’est pas seul dans la course à la conversion.

Il est bien possible que les fabricants choisissent de livrer leurs modèles encore trop rares aux marchés les plus offrants.

Main de fer et gant de velours

Le ministre de l’Environnement Benoit Charrette a annoncé cet hiver qu’il portait de 1,6 à 2 millions la cible d’électrification des véhicules légers, d’ici 2030. Le double, dès 2035. On en compte environ 200 000 aujourd’hui sur quelque cinq millions d’immatriculations.

Le ministre a même fixé un objectif annuel. Ainsi, cette année, 17 % des ventes devront être des véhicules électriques, l’an prochain 19,5 %; en 2029 75 %, etc. 

Pour y arriver, les fabricants devront s’ajuster, mais les consommateurs aussi. C’est ici que le bât blesse. Comment Honda pourra-t-il ainsi maintenir sa popularité ?

Le consommateur aussi va sourciller devant l’ambitieux objectif du ministre.

Voici les cinq modèles les plus vendus au Québec, l’an dernier : Ford F-150, Toyota RAV4, Chevrolet Silverado, Ram 1500 et GMC Sierra. Bref, quatre camions légers de style pickup et un VUS, le Toyota. (10). Seul le Toyota , assemblé en Ontario, est disponible en version hybride rechargeable.

Quant aux quatre autres mastodontes énergivores et spacio-vores, ils ne seront offerts en version électrique qu’à partir de l’an prochain au plus tôt.

Le cas du Silverado est en outre plutôt accablant. Sa version électrique sera construite dans l’usine qui sert aujourd’hui à produire la compacte Chevrolet Bolt, abandonnée par le constructeur américain qui, tout comme Ford, se concentre sur les poids lourds. La Bolt figure parmi les véhicules électriques les moins chers.

Bref, toujours plus gros les véhicules même électriques et, forcément, plus chers. 

Se voiturer représente une part importante du budget des ménages alors que les coûts d’emprunt ont monté en flèche depuis un an et demi. À moins que les progrès technologiques entraînent des baisses de prix, que les automobilistes se résignent à acheter de plus petits modèles et que Québec maintienne encore longtemps ses incitatifs financiers, on peut parier qu’il y aura de la résistance dans les chaumières de la Belle Province.

Là encore, un savant dosage de persuasion et de dissuasion s’impose.

Incitatifs à l’achat et déploiement d’un réseau de bornes de recharge d’une part, augmentation des droits d’immatriculation selon le poids ou la cylindrée d’autre part.

Québec n’a plus de choix de miser ou non sur la conversion à l’électricité, faute de s’investir davantage dans les transports collectifs. Si, à la clef, le Québec rétablit sa balance commerciale, il pourra au moins clamer que tout baigne … mais pas dans l’huile.

(1) Le calepin du commerce extérieur de Québec, édition 2022, page 12.

(2) Commerce international de marchandises du Québec, mars 2023.

(3) État de l’énergie au Québec, édition 2023, page 9.

(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Irving_Oil

(5) https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-04-15/transport-urbain/megacontrat-pour-nova-bus.php

(6) https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/automobile/un-camion-classe-8-completement-electrique-made-in-saint-jerome/608782

(7) https://prevostcar.com/fr/news/prevost-annonce-le-lancement-dun-important-programme-delectrification-avec-le-soutien-du

(8) https://transport-magazine.com/hydro-quebec-prend-livraison-des-premiers-camions-utilitaires-electriques-de-maximetal/

(9) https://elements.visualcapitalist.com/visualizing-global-ev-production-in-2022-by-brand/

(10) https://www.protegez-vous.ca/nouvelles/automobile/palmares-des-ventes-de-vehicules-neufs-en-2022#:~:text=En%202022%2C%20les%20ventes%20de,types%20dominent%20largement%20le%20marché.

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Un commentaire

  1. Lise Maynard 14 juin 2023 à 5:13 pm-Répondre

    Je me demande si nous ne faisons pas fausse route en poussant en même temps la production de tous les véhicules électriques, les petits comme les gros VUS.
    Si nous ne changeons pas de culture, à savoir le « véhicule solo peu importe sa taille » nous filons droit dans le mur. Si le transport collectif électrifié ne devient pas plus attrayant et rapidement, les gens ne changerons pas leurs habitudes de déplacements. J’exclus ici les régions rurales où le transport collectif est problématique. Et je ne parle pas de tous les autres facteurs économiques et environnementaux reliés à la mobilité qu’elle soit commerciale ou privée.

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