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Service canadien des forêts
Dominique Lapointe
Début mai, la campagne électorale albertaine s’amorce en enfer. La première ministre conservatrice sortante, Danielle Smith, décrète l’état d’urgence et des dizaines de milliers de citoyens sont évacués en raison des feux de forêt hors contrôle. Cette farouche opposante aux mesures fédérales de réduction des émissions de GES est élue majoritaire de justesse avec 52 % des voix.
Un épisode stupéfiant. Deux univers parallèles se déroulaient simultanément dans les médias alors que le lien entre les deux enjeux était pourtant évident. Plus effarant encore. Quand la presse évoquait les feux de forêt pendant la campagne électorale, c’était essentiellement pour souligner la gestion de crise de la première ministre, gestion qui, selon certains analystes, lui était favorable ! Rien de moins.
Changements climatiques ? Motus ! Pourtant l’Alberta serait responsable de plus de 40 % des émissions de GES au pays alors qu’elle compte seulement 11 % de la population. Un score environnemental en grande partie attribuable à son industrie pétrolière particulièrement polluante, celle des sables bitumineux. Une contribution en carbone qui est d’ailleurs 65 % plus importante que les chiffres publiés par l’industrie, selon une toute récente étude publiée dans les PNAS (Proceedings of The National Academy of Sciences).
L’industrie pyromane
Une fois sur trois, c’est la foudre qui met le feu aux combustibles naturels. Autrement, ce sont les activités humaines, par imprudence ou travaux et transports industriels en forêt. De vlimeux chercheurs ont cependant tenté de savoir si ce n’était pas aussi les grands pollueurs qui étaient responsables des feux de forêt.
Par des modèles complexes et astucieux des perturbations climatiques, ils en viennent à la conclusion que les 88 plus importantes sociétés émettrices de CO2 de la planète seraient responsables de plus du tiers des feux de forêt dans l’Ouest de l’ Amérique du Nord depuis 35 ans. Une famille qui regroupe évidemment les plus grandes compagnies pétrolières exploratrices et productrices de combustibles fossiles dont, sans surprise, les Canadian Natural Ressources Ltd, EnCana, Husky, Suncor et Talisman de Calgary.
D’aucuns en déduiraient le syllogisme : ardent défenseur de ces sociétés, le gouvernement albertain serait donc responsable des feux de forêt sur son propre territoire ?
Mais attention. Nous sommes devant un phénomène global et les changements climatiques au pays ne sauraient être principalement attribués aux émissions régionales. Des titans comme Aramco (Arabie saoudite), China Coal, Exxon Mobil (EU) ou Gazprom (Russie) font passer les émetteurs canadiens pour des feux de cheminée.
Anecdote ou phénomène ?
Avec raison, on peut toujours argumenter que les changements climatiques ne se mesurent qu’en termes de décennies. Un début de saison catastrophique n’est peut-être qu’une anomalie qui pourrait être relativisée dans les années à venir.
Il n’y a pas si longtemps, on avançait que le pays pourrait être gagnant des bouleversements du climat avec des conditions agricoles plus étendues et plus favorables à la production. Un optimisme aujourd’hui passablement dissipé par des perspectives de sécheresses récurrentes ponctuées d’inondations. Bref, le triste scénario des dernières semaines au Québec.
Et d’ailleurs, quand on mesure deux fois moins de pluie qu’à l’habitude et dix fois plus de feux, dans une saison qui, à peine entamée, dépasse déjà de loin la moyenne des aires annuelles brûlées, est-on toujours dans l’anecdote ou dans une tendance, un phénomène ?
Il y a trois ans, des scientifiques de Ressources naturelles Canada mettaient en garde. Avec les changements climatiques et l’occupation grandissante du territoire, les superficies touchées pourraient doubler, voire quadrupler dans les prochaines décennies. Par conséquent, des dommages plus importants seront à prévoir sur les infrastructures et les agglomérations, notamment autochtones.
C’est comme si leurs prédictions venaient de nous tomber dessus, en moins de deux mois.
Entre deux feux
Dilemme pour les autorités. Si aucun gouvernement au pays n’était équipé pour faire face à une telle situation, quel serait dorénavant le niveau optimum de préparation si une séquence similaire venait à se reproduire ?
On débat beaucoup sur l’arme de première ligne, le bombardier d’eau comme les CL-215 et 415. Des avions géniaux inspirés des Martin Mars et Catalina américains de la 2e guerre mondiale, des bombardiers amphibies que des opérateurs forestiers de Colombie Britannique ont sauvés de la ferraille dans les années 1950 pour les convertir en avion-citerne à écopage.
Le Québec compte actuellement 14 des 55 appareils CL-215 et CL-415 répartis au pays mais reste à la merci du constructeur canadien Viking Air. Il y a pourtant un prototype de nouvelle génération, le DHC 515 de sa filiale De Havilland, qui ne sera disponible que dans plusieurs années, peut être pas avant 10 ans, si on respecte les priorités internationales du carnet de commande d’une nouvelle usine qui n’est pas encore construite. Au fait, une usine qui sera dans la banlieue … de Calgary. Pour l’instant donc, un faux débat.
Quand même dommage qu’au moment où la Californie, l’Australie, l’Europe et même l’Alberta s’embrasaient à répétition pendant la décennie précédente, annonçant la calamité infernale, le Québec ait préféré investir à répétition dans les jeux vidéo plutôt que sur une compétence originale et, malheureusement, pleine d’avenir, celle du concepteur des avions CL, Bombardier aéronautique, qui cédait ses droits à Viking BC en 2016.
Consolation, les anciens CL- 215, même s’ils peuvent coûter cher de maintenance, ne sont pas pour autant des vieux pitons. Un avion de brousse de 50 ans suivi de près comme ils le sont, est davantage une machine de confiance qui n’a plus de secrets.
Nuance toutefois, c’est précisément les nombreuses inspections tant obligatoires qu’impromptues de toute la flotte des aéronefs qui limitent le temps de vol et assurent la sécurité, hélicoptères et avions de pointage inclus.
Soldats de feu ou soldats de climat ?
Le premier ministre François Legault a compris le message de la SOPFEU qui l’a visiblement bien informé de la limite en ressources matérielles et humaines compétentes pour faire face à l’enfer actuel.
Pilotes et techniciens de maintenance certes, mais aussi et peut-être surtout pompiers au sol, car les avions-citernes n’éteignent pas vraiment les feux. Ils tracent le front de lutte pour les combattants à pied, qui eux achèvent le monstre.
Mais la SOPFEU et les autres organisations gouvernementales de lutte aux incendies de forêt auront le même questionnement pour l’avenir : faire appel à qui, combien, sous quelles conditions de travail ?
Tous les opérateurs de brousse le confieront, comment conserver de bons employés dans des fonctions par nature saisonnières ? Quel équilibre peut-on se permettre entre les postes permanents essentiels et les temporaires tout aussi nécessaires en saison ?
Quel niveau de formation exiger ? Lors du triste événement des inondations de La Malbaie, on a malheureusement constaté la limite des pompiers volontaires à opérer dans le cadre de catastrophes naturelles d’envergure.
Les étrangers ? Fort bien. Le Canada, et en particulier le Québec, est d’ailleurs un contributeur généreux au niveau international. Mais le Centre interservices des feux de forêt du Canada fait ce qu’il peut avec ce qu’on lui offre, des renforts qui arrivent au compte goutte et souvent très tard.
Les impacts des changements climatiques s’accélèrent à une vitesse et sur des régions insoupçonnées jusqu’à maintenant. Il ne faudrait pas se surprendre si, d’ici peu, on saisissait les Nations Unies pour la formation et la coordination d’équipes d’urgence climat à partir des corps d’élite nationaux des États membres, à l’image des Casques bleus gardiens de la paix. Des Casques oranges ? Pourquoi pas !
Quant à la première ministre Danielle Smith, elle entend bien poursuivre sa lutte contre les incendies de forêt en Alberta. Elle vient d’annoncer des enquêtes criminelles pour découvrir qui a mis le feu à sa province.
Excellent article. Large et juste analyse avec les questionnements à .l’avenant. Merci pour ce travail.
Non seulement des milliers de kilomètres seront détruites, elles qui capturaient notre CO2 et nous fournissaient l’oxygène qui nous permettait de vivre. Sur les îles dans les océans plus de 60% des espèces animales sont menacées ou déjà disparues. Sur notre continent les bourdons qui sont responsables de la fertilisation de 30% des plantes que nous consommons sont en déclin à plus de 90% principalement causés par l’utilisation de pesticides synthétiques trop puissants. Ces produits permettent à l’agriculture d’avoir des révoltes plus
abondantes et plus d’argent.
La population des pays riches doivent accepter d’aider les pays pauvres en diminuant leur propre niveau de vie et en éliminant la production , dépendance et utilisation des produits chimiques qui empoisonnent notre planète.
Ceux ci nous empoisonnent aussi. Désolé d’avoir été aussi long..