À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : Jazz

Partagez cet article

JazzTimes
Howard McGhee, 1918-1987: un des quatre ou cinq plus grands trompettistes de son époque.

Serge Truffaut

Lorsque le destin du bipède qui n’est pas né avec une cuillère d’argent entre les dents est heurté par le feuilleton des adversités, et qu’il faut dépeindre le destin en question, on a souvent recours à l’expression : c’est à pas de chance ! Dans l’histoire du « plus meilleur jazz du monde », le trompettiste Howard McGhee résume cet état de la carrière meurtrie plus qu’aucun autre artisan des trois pistons.

Il était en passe d’être transféré dans la fosse commune voisine de la tombe du soldat inconnu avant que nos amis britanniques de Enlightenment Records, filiale de oldies.Com décident de rassembler ses huit principaux albums dans un coffret de 4 CD qui se transige à petit prix. Lequel ? Celui-là : 22 $ sans les taxes et frais de transport.

À cet égard, celui du prix, un intermède anti-inflationniste ou baisse tendancielle du taux de profit s’impose, car les Brits dit les Britanniques ont fondé, outre le label nommé, deux autres compagnies, Real Gone Jazz et Avid Entertainment, qui toutes proposent des coffrets rassemblant 4 ou 6 CD faits des meilleurs albums d’un tel comme de l’autre. Ces Brits devraient être sacrés Chevaliers de la Légion du Bonheur car ce qu’ils ont « fabriqué » n’est rien de moins que l’histoire du jazz à petits prix.

Pour revenir à notre sujet du jour, faut tout d’abord souligner qu’il fut un des tout premiers trompettistes à adopter les astuces et recettes développées par maître Charlie Parker. À ses côtés, il a d’ailleurs enregistré des morceaux de bravoure comme la Yardbird Suite.

Après avoir été aux avant-postes de la révolution « bibeaupe » Made In Nueva Yorke, il s’est installé à Los Angeles au début des années 1950. Là, à l’ombre des studios d’Hollywood qui employaient de plus en plus des « jazzeux » car ils étaient réputés être les lecteurs les plus rapides qui soit, donc les plus économiques, McGhee est devenu tout simplement un mentor. Un parrain.

À des jeunes pousses, dont Chet Baker, il a appris des choses mais a surtout enregistré des sacrées galettes pour l’étiquette phare du jazz dit West Coast, soit Contemporary. Avec son ami saxophoniste Teddy Edwards qui des années plus tard sera engagé par Tom Waits, il a tout d’abord enregistré Together Again. Un album sans tâche.

Puis ce fut Maggie’s Back In Town. Un chef d’oeuvre, tout simplement, qu’il a confectionné avec des gros canons : le pianiste Phineas Newborn, le contrebassiste Leroy Vinnegar et le batteur Shelly Manne. À l’intention des cinéphiles, on doit souligner que ce dernier a participé et supervisé une ribambelle d’enregistrements cinématographiques, dont le célèbre Anatomy of A Murder d’Otto Preminger.

Pour des raisons inconnues, ces albums n’ont pas valu à McGhee la reconnaissance qu’il méritait. À l’époque, c’est bête à dire, mais le public lui préféra les trompettistes de sa génération qui avaient trépassé comme Fats Navarro, Clifford Brown ou Booker Little ou encore le beau gosse qu’un charlatan du marketing avait sacré le James Dean du jazz, soit Chet Baker qui d’ailleurs détesta durablement cette escroquerie.

Toujours est-il qu’il n’eut pas le succès là, au tout début des années 1960, comme ensuite. Après que Contemporary l’abandonna, McGhee signa avec Fontana, label beaucoup plus réputé pour sa branche variétés que pour le jazz, puis pour Argo.

Dans tous les cas, ceux repris par Enlightenment, McGhee déploie un jeu qui confirme qu’il fut un des quatre ou cinq plus grands trompettistes de son époque. Qui plus est, il fut un compositeur admiré et un arrangeur si apprécié qu’il donna des cours à ses collègues dont … Charlie Rouse, le saxo de Monk !

À partir des années 1970 et jusqu’à sa mort en 1987, il consacra d’ailleurs davantage de son temps à l’enseignement qu’à la production de disques et à des tournées. C’est seulement en 1976, qu’il renoua le lien avec les studios où il retrouva notamment son vieil ami Teddy Edwards. En 1980, il mit un terme à la vie publique pour se consacrer à l’enseignement et à la composition.

En un mot comme en dix mille, Howard McGhee fut le musicien complet que l’on avait oublié jusqu’à ce que les Brits s’emploient à mener à bien l’opération réincarnation. Grazie mille aux Londoniens.

PS : Les albums réunis sont les suivants: Music From The Connection; Dusty Blue, Together Again!!!; Maggie’s Back In Town!; The Sharp Edge; Nobody Knows You When You’re Down and Out; House Warmin’; Cookin’ The Blues.

Laisser un commentaire