Pour paraphraser tonton Georges, le Brassens qui voisine Paul Valéry sur les hauteurs de Sète, au cimetière pour être exact, mieux vaut vivre pour une idée que de mourir pour elle. L’an dernier, le saxophoniste Vincent Herring en a attrapé une, d’idée. Et une si bonne qu’il l’a méditée, touillée dans toutes les harmonies sonores possibles comme imaginables.
Le 22 juillet dernier John Mayall est mort. Il avait 90 ans. C’est bête à dire, mais on se doutait depuis quelque temps qu’il était à deux doigts de jouer la dernière note. On s’en doutait pour une raison aussi simple que nette : il y a un an et trois mois, ce Britannique vétéran de la guerre de Corée avait annoncé qu’il mettait un terme aux tournées.
Il y a eu Mose Allison. Puis il y a eu et il y a toujours, heureusement pour nous, Ben Sidran. Le premier fut chanteur, pianiste, auteur, compositeur, accompagnateur, poète, raconteur, commentateur politique et homme de lettres très influencé par William Faulkner. Quoi d’autre ? Il était un original.
Il y a longtemps, le saxophoniste et compositeur Charles Lloyd était grand. Longtemps, mais encore demandera-t-on ? Depuis les années 60 et plus précisément depuis la publication de l’album Forest Flower. Depuis ce temps lointain, il est resté grand. Avec Sonny Rollins, Benny Golson et Roscoe Mitchell il est membre de la bande des vieux grands. John Zorn, Steve Coleman? Ils sont plus jeunes.
Edward Kennedy Ellington dit Duke Ellington avait coutume de dire qu’Oscar Peterson était le ‘maharaja du piano’. Quant il ne soulignait pas cela, il conseillait de ne jamais s’asseoir au piano après Peterson car si tel était le cas la comparaison avec ce dernier se traduirait par la mise en miettes du quidam ayant osé défier « ze master ».
Le nouvel album du trompettiste Eddie Henderson s’intitule Témoin de l’histoire. Il l’a bien nommé, son album publié par l’étiquette Smoke Sessions qui ose encore produire du jazz et non du « jazz-machin-chose-hip-hop-école russe du piano-rap-fusion ».
Il est si ben nommé qu’il pourrait être imprimé sur la pochette du dernier disque du contrebassiste Buster Williams. On devrait ajouter immense contrebassiste, car sur cet instrument avec ses camarades Ron Carter, Cecil McBee et Christian McBride mister Williams est dominant.
Une fois par mois, parfois moins, le New York Times propose une rubrique intitulée ‘5 minutes pour apprécier un musicien de jazz’ ou un courant de cette musique. Ainsi, au cours de la dernière année, ce temps a été accordé au Miles Davis électrique, au jazz d’avant-garde, à Wayne Shorter ou encore au jazz de l’antiquité, soit évidemment celui de La Nouvelle-Orléans.
Aujourd’hui c’est «craignos», comme ils disent ces temps-ci dans la fournaise marseillaise. CQFD: nous voici donc confrontés, c’est sérieux, au devoir de précaution. En d’autres mots, les plus clairs d’entre eux, nous sommes dans l’obligation de camper le rôle du garde-chiourme des consommateurs avertis. Car il y a bel et bien anguille sous roche. Financière l’anguille, c’est à retenir.
Lorsque le destin du bipède qui n’est pas né avec une cuillère d’argent entre les dents est heurté par le feuilleton des adversités, et qu’il faut dépeindre le destin en question, on a souvent recours à l’expression: c’est à pas de chance! Dans l’histoire du « plus meilleur jazz du monde », le trompettiste Howard McGhee résume cet état de la carrière meurtrie plus qu’aucun autre artisan des trois pistons.
Le trompettiste Chet Baker est mort le 13 mai 1988 à Amsterdam. Il avait 58 ans. Au petit matin, un passant avait aperçu son corps au pied d’un hôtel de la ville où il se produisait souvent. Cette mise entre parenthèses définitive ainsi que son lieu ne résume pas, mais symbolise l’aventure musicale de celui qu’on surnomma des années auparavant le James Dean du jazz. Ce qu’il détesta profondément.