À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : Jazz

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Serge Truffaut

Le moins que l’on puisse dire est que Dieu et son fils, dit Jésus, celui avec lequel, selon une confidence de Don Camillo, on ne peut pas parler car il a fait main basse sur la raison et ne la partage jamais, que Dieu donc a la peau dure. Mettons que l’épreuve du temps, il l’a tournée comme une crêpe sans avoir été brûlé par un grain de sucre chauffé au Grand Marnier.

En tout cas, dans l’univers du jazz le gospel, la parole de Dieu et des légendes qui lui sont accolées a imprimé certaines marques dès ses débuts. Après quoi, celles-ci ont été conservées et protégées car parfois elles furent sujettes à des attaques parfois claires et nettes, parfois brutales.

Si on remonte le fil du jazz à l’enseigne du petit Jésus, on retient tout d’abord le nom de Duke Ellington qui en bon fils d’une mère observant les règles de l’annuaire biblique ne jouait jamais du blues en sa présence. On retient ensuite le nom d’Art Tatum qui apprit la grammaire musicale en fréquentant la Grace Presbyterian Church, soit cette église qui assure que nous sommes tous coupables. Oui, oui, oui…

Ensuite, et pour faire court, le gospel s’est manifesté à travers les menus travaux de Bud Powell, Hampton Hawes, dont le père était ministre du culte à Los Angeles, et bien évidemment Oscar Peterson élève de Daisy, sa soeur apôtre de la discipline et du divin. Elle lui interdisait tout clin d’oeil au blues.

Aujourd’hui, ce courant est représenté par le pianiste et compositeur Eric Scott Reed qui amorça l’apprentissage de la musique à deux ans. À cinq ans, il jouait dans l’église de Philadelphie où son père était pasteur. À l’âge de sept ans, il commençait des études plus formelles à la réputée Settlement Music School de la ville.

Tout récemment, l’étiquette Smoke Sessions Records a publié le quatrième album qu’il a enregistré pour celle-ci. À l’instar des précédents, le gospel y est présent. D’autant que les sept pièces proposées ont toutes été écrites et arrangées par lui.

C’est d’ailleurs cela, cette volonté de composer jour après jour et de graver ensuite ses dissertations musicales, de les jouer aux quatre coins du monde, qui distingue Eric Scott Reed de ses contemporains. Chez lui nul hommage à tel cador du jazz, nulle envie d’injecter les gammes qui distinguent la musique classique comme le faisait, par exemple, Keith Jarrett mais toujours l’envie de mettre en relief son style qui se confond lui avec la fluidité.

Pour mener à bien sa dernière aventure, il a invité des gros calibres, c’est le cas de le dire, des poids lourds du jazz des temps présents. Nicolas Payton est à la trompette, Eric Alexander au saxophone ténor, Peter Washington est à la contrebasse et l’immense Joe Farnsworth est à la batterie.

Ensemble, ils ont enregistré en une journée et une seule – le 17 décembre 2024 -, les pièces suivantes: Glow, All’umfrs, Shadoboxing, They, Out Late, The Weirdos et Delightful Daddy. De celles-ci, on retient d’abord la diversité des atmosphères. La richesse de celles-ci qui tranchent de nos jours avec cette fréquente inclination pour l’extrême légèreté.

On retient également, voire surtout, la densité qui caractérise le jeu de chacun, surtout des solistes, soit Payton et Alexander. Intitulé Out Late, cet album s’avère une sacrée galette. Celle des rois.

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