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Jazz Hot
Serge Truffaut
Le 19 septembre dernier de la scène du Smoke Jazz Club de New York, le saxophoniste ténor Craig Handy a ciselé comme à son habitude des notes robustes. Celles qu’il souffle sans l’ombre d’une hésitation. Handy est de l’école Charles Mingus. À ses côtés, il y avait le contrebassiste Essiet Essiet et le batteur Jerome Jennings qui faisaient ce qu’il se doit. Mais encore ? Assurer la solidité de l’architecture musicale.
Au piano, il y avait le chef du groupe qui n’a jamais été un chef de meute en cinq décennies de chaises musicales à travers le monde : George Cables. Disons que celui-ci est au jazz d’aujourd’hui ce que furent en leur temps ses grands modèles : Hank Jones, Tommy Flanagan, Roland Hanna, Jaki Byard, Jimmy Rowles, soit un passe-muraille.
Depuis le début des années 1970, il se joue en effet des frontières sans encombres. Il les traverse avec aisance et surtout avec élégance. Il passe d’un genre à l’autre en deux coups de doigts. Lorsqu’il ne joue pas en trio, il est en duo, ou en solo. Parfois, il est au centre d’un quartet ou d’un sextet.
Au cours des récents mois et années il a publié I Hear Echoes, un album en trio, The Call of The Wild and Peaceful Heart avec The Cookers, un véritable supergroupe qui rassemble les poids lourds d’aujourd’hui comme le saxophoniste Billy Harper, le contrebassiste Cecil McBee ou le batteur Billy Hart. Il a également enregistré avec Eddie Henderson, Vincent Herring et bien d’autres. Mais ce qui …
Mais ce qui frappe chez notre pianiste du jour c’est le nombre de grands épisodes dans lesquels il a été un acteur de premier plan. Le retour de Dexter Gordon aux États-Unis après un exil d’une douzaine d’années en Europe, il en fut. La série d’enregistrements d’Art Pepper au Village Vanguard qui ont marqué l’histoire des « live », il en fut. La fin de l’hibernation de Sonny Rollins au début des années 1970, il en fut. Le retour sur le devant de la scène après une absence de plus de vingt ans de Frank Morgan, il en fut. Les expérimentations de Max Roach, il en fut.
Pour bien mesurer l’importance de Cables dans l’histoire du jazz des cinquante dernières années, il faut une liste. Celle de ceux avec lesquels il a enregistré : Art Blakey, Joe Henderson, Woody Shaw, Roy Haynes, Bobby Hutcherson, Freddie Hubbard, Archie Shepp, Charlie Route, Bennie Wallace, Philly Joe Jones etc, etc …
Des épisodes évoqués, un nous concerne plus directement. Voilà, c’est tout simple : en 1989, dans le cadre du Festival de jazz de Montréal il s’est produit en duo avec Frank Morgan, l’immense saxophoniste alto. Ce dernier venait de sortir de la prison de San Quentin où il avait passé une vingtaine d’années pour cause d’héroïne et où il avait formé un groupe avec Art Pepper, autre alto, le pianiste Jimmy Bunn, le batteur Frank Butler et le trompettiste Dupree Bolton. Tous des adorateurs de Charlie Parker.
Toujours est-il que la prestation de Cables-Morgan fut enregistrée par Radio-Canada et acquise ultérieurement par le label High Note qui l’a publiée sous le titre Montreal Memories. Malheureusement, le mixage effectué par cette étiquette fut assez bancal pour altérer durablement les sculptures sonores de Cables-Morgan. Pour s’en convaincre suffit d’écouter ces mémoires montréalaises sur Youtube. Reste …
Reste le chef d’oeuvre de George Cables : Letter to Dexter produit par Kind of Blue Records. Enregistré avec Rufus Reid à la contrebasse et Victor Lewis à la batterie, cet album reprend en hommage à Gordon, ses pièces favorites. Voici Catalonian Nights :