À propos de l'auteur : Paul Tana

Catégories : Cinéma

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Paul Tana

Paul, c’est le dernier film du prolifique Denis Côté. La plupart des cinéastes québécois doivent attendre de trois à cinq ans et même bien plus pour faire leur long-métrage, lui, il en réalise un par année ou presque !

Il connaît bien les « tenants et aboutissants » de la production cinématographique québécoise/canadienne et sait y inscrire ses projets avec un formidable sens de la contrainte qui lui permet de créer avec ingéniosité l’adéquation nécessaire entre les exigences esthétiques, narratives et logistiques du film à faire et les moyens de production pour le réaliser.

Bravo !

Ce dernier film est un documentaire qui trace le portrait de Paul. Dans un clip vidéo qu’il a mis en ligne, ce dernier se présente ainsi :« Mon nom est Paul, j’ai 30 ans et je pèse 300 livres. J’ai perdu une décennie complète plongé dans une dépression si profonde que je ne conserve aucun souvenir de ma vingtaine. »

Pour sortir de sa dépression, Paul est devenu homme de ménage : le fait de frotter, faire briller les vitres des fenêtres, les comptoirs de cuisine, les bols de toilettes (ah Wenders !), ça le calme, mais ce qui le rassérène encore davantage c’est de faire le ménage chez des « dominatrix » : des femmes tout de cuir noir vêtues, chaussures aux talons de quinze centimètres, bas résille, fouet et tout le reste …

Côté suit Paul avec attention chez ces belles à qui il est soumis et obéissant. Parce qu’il veut maigrir, l’une d’elles, qui le chevauche et lui cravache gentiment les fesses, le questionne sur sa diète. Une autre lui fait subir des électrochocs plus ou moins intenses : on voit les petits fils électriques blancs qui se perdent sous son short …

À ces séances se juxtaposent celles dédiées aux travaux ménagers que Paul filme avec son téléphone. La caméra de Côté suit fidèlement les gestes de Paul qui frotte, lave, astique. Elle intègre aussi régulièrement dans le cadre, l’écran du téléphone où l’on voit Paul apparaître et disparaître en fonction de ses déplacements. Un film dans le film en quelque sorte ou, du moins, un clin d’œil inventif, ingénieux dans cette direction.

Mais diverses questions surgissent : quelle est la relation précise entre Paul et ses « dominatrix »? Il leur fait le ménage et la séance de BDSM est sa récompense ? Il les paye ? Et lui, avec quoi vit-il ? Après tout lui aussi c’est un pauvre mortel comme nous qui le regardons aller sur l’écran.

Côté ne touche pas à ces questions. Il observe attentivement son corps massif, son beau visage doux avec ses lunettes à monture noire d’élève studieux, ses séances BDSM, les ménages, les moments solitaires où il navigue sur le net avec ses « followers », ses « chats » sans aucune faute de français ! Bravo Paul ! En fait il le contemple et, ce faisant, à la longue, le transforme en objet de curiosité. Si on peut, au départ, être fasciné par un tel personnage, au bout d’un moment il devient redondant parce qu’on ne va pas plus loin que sa surface.

À la fin on le suit dans les bois du Mont-Royal : belles images, encore une fois, où prédominent la lumière du soleil et l’ombre bienfaisante. Paul déambule dans les sentiers, grimpe, marche, s’arrête, s’asseoit et regarde … la caméra fait un panoramique pour nous montrer ce qu’il voit : on devine le profil nord de Montréal … Qu’est-ce que cette scène et ces images ont ajouté à notre compréhension de Paul ? Ma foi peu de choses : Paul demeure opaque. C’est, en fin de compte, un autre objet de curiosité à déposer dans le cabinet des films de Denis Côté.

Paul un film de Denis Côté. Direction de la photographie : Vincent Biron, François Messier-Rheault. Production : Denis Côté,Hany Houichou,Karine Bèlanger.Musique :Chantale Morin.Montage image et son :Terence Chotard. Prise de son : Stéphane Bergeron.

Maison de production : Coop Vidéo / Montréal /Québec 2025

Durée : 87 minutes

Étoiles : ***

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