À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : International

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La couverture de Vanity Fair (édition électronique) au lendemain de la victoire de Donald Trump à la présidentielle du 5 novembre.

Serge Truffaut

Du 12 mars 1947, soit le début de la Guerre froide, au 26 décembre 1991, soit son terme, l’Union soviétique et ses milliers d’espions et compagnons de route, l’URSS et ses millions de soldats, s’employa à détacher l’Europe des États-Unis. Comme chacun sait, elle n’y est jamais parvenue.

En deux dates et autant de gestes posés auxquels se sont greffés les propos formulés par Donald Trump et ses vassaux pendant six semaines, ce dernier a donné à Vladimir Poutine, l’ex-espion du KGB qui n’a jamais digéré la disparition de l’URSS, ce dont il rêvait : la division entre les États-Unis et l’Europe. Et ce, sans bouger le petit doigt.

Le divorce entre les deux piliers de l’OTAN n’est pas encore consommé, mais vu la dégradation de leurs relations, cela ne saurait tarder. Détaillons.

14 février 2025

Le 29 septembre 1938 à Munich, le premier ministre britannique Neville Chamberlain le président du conseil français Édouard Daladier, Adolph Hitler et Benito Mussolini signaient les accords qui scellaient le sort de la Tchécoslovaquie en l’absence du président de ce pays, Edvard Benes.

Le 14 février de cette année, lors d’un discours tenu dans la même ville et où la brutalité se conjuguait avec la crasse impolitesse, le vice-président américain J. D. Vance signifiait aux dirigeants européens présents qu’ils étaient la source des maux qui affligent actuellement le monde.

Selon ce monsieur, « la menace » qui pèse sur les affaires du globe « n’est ni la Russie, ni la Chine, mais le renoncement de l’Europe à certaines de ses valeurs les plus fondamentales ». À l’appui de son propos, Vance a souligné l’annulation des élections en Roumanie que l’on sait perclues de fraudes effectuées par l’extrême droite et les pressions exercées sur les réseaux sociaux qui sont des atteintes, selon lui, à la liberté d’expression.

On voudrait personnifier le culot le plus grossier qui soit, que Vance conviendrait à merveille, son gouvernement ayant interdit au New York Times, NBC News, Politico et NPR l’accès permanent au Pentagone ainsi que l’accès à la Maison-Blanche, à Air Force One et à l’Associated Press. Ce n’est pas tout.

La guerre que mènent Trump et les fanatiques de la secte MAGA contre tous ceux dont les idées ne sont pas au diapason des leurs a eu des résultats si maléfiques pour la pensée, pour l’histoire des idées, qu’ils rappellent les autodafés que les nazis organisèrent contre les livres.

Selon l’inventaire réalisé par PEN America, 16 000 romans et essais ont été retirés des bibliothèques scolaires depuis 2021. En 2023-2024, le phénomène s’est amplifié : 10 000 livres ou 4 000 titres. Voilà pour la liberté d’expression.

En plus des outrances évoquées, Vance a cultivé l’effronterie tous azimuts. Il a tenu à rencontrer Alice Weidel, petite-fille d’un dignitaire nazi et patronne de la formation de l’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) en plus de faire la leçon à Friedrich Merz, futur chancelier, en lui signifiant que le cordon sanitaire érigé pour interdire toute alliance avec un parti nostalgique du 3e Reich n’avait pas lieu d’être. Qu’il devait donc inviter l’AfD à partager le gouvernement.

Quoi d’autre ? Il a poussé l’effronterie jusqu’à refuser de rencontrer le chancelier en poste Olaf Scholz.

Le 24 février 2025

Ce jour-là, l’administration Trump a exprimé son dédain pour l’Europe et son souci de devoir face à l’Histoire en votant contre la résolution que les nations du Vieux Continent avaient déposée et qui réclamait la restitution à l’Ukraine du territoire sur lequel la Russie a fait main basse dans le sud-est du pays.

Les États-Unis se sont donc pliés au désir de Moscou en compagnie de la Corée du Nord, de l’Iran et autres. Ce faisant ces pays ont bafoué un des principes fondamentaux de l’ONU ayant trait au respect territorial. Dans la foulée de ce vote, Trump a réclamé 50 % des droits sur les richesses minérales de l’Ukraine.

En d‘autres termes, la Russie s’applique à l’amputation géographique de cette nation pendant que l’autre cherche d’ores et déjà à piller ses ressources.

Article 5 de l’OTAN

Au début du mois de mars, le locataire de la Maison-Blanche a additionné les commentaires assassins ayant pour dénominateur commun l’Europe. Selon lui, cette dernière « a été créée pour nous entuber ». Des autres propos formulés, on a retenu celui-ci : « Pensez-vous qu’ils vont venir nous protéger ? Ils sont censés le faire. Je n’en suis pas si sûr. »

Ce faisant, il venait de faire allusion au fameux article 5 de l’OTAN qui stipule que si un membre de cette organisation est attaqué, les autres membres étudieront la nature de l’attaque avant de déterminer la nature de la riposte. Fait très important à retenir, après discussion au sein du conseil regroupant aujourd’hui 32 alliés il y aura riposte s’il y a unanimité.

Si l’on comprend bien les méandres du droit de la guerre, l’OTAN est une organisation d’autodéfense et non de défense. Autrement dit, elle s’interdit le recours à la frappe préventive.

Cela étant, si l’on colle aux commentaires de Trump advenant une attaque de la Russie contre des membres de l’OTAN, les États-Unis feront le service minimum. En clair, l’article 5 n’étant pas contraignant si Moscou attaque, par exemple, une république balte Washington pourrait s’engager à édifier un hôpital militaire et laisser aux autres nations le soin de défendre armes au poing la république agressée.

Toujours est-il que l’attitude de Trump a définitivement convaincu les Européens de prendre leur sécurité en main. Et ce, à la vitesse grand V, c’est à souligner. Par la voix d’Ursula von der Leyen, l’Union européenne a conçu un plan baptisé Réarmer l’Europe et doté d’un budget de 800 milliards.

Le futur chancelier allemand Merz a annoncé un investissement de 100 milliards dans la défense de son pays. Quant à Emmanuel Macron, il s’est dit favorable à l’ouverture d’un dialogue sur l’élargissement géographique de la dissuasion nucléaire à d’autres pays de l’OTAN.

En 1959, lors d’une conférence de presse, de Gaulle avait justifié l’ambition nucléaire de la France en confiant que tôt ou tard la Guerre froide arriverait à son terme et qu’il serait alors probable que les États-Unis et la Russie établissent une entente à l’aune de l’impérialisme. Et qu’il est donc justifié de doter la France de la dissuasion nucléaire. Nous y sommes.

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