À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : International

Partagez cet article

Wikimedia

Serge Truffaut

Lorsque le président Emmanuel Macron a commandé le 9 juin dernier la dissolution de l’Assemblée nationale au terme d’une journée douloureuse pour son camp et la gauche dans son ensemble, le Rassemblement national (RN) ayant récolté plus de 30 % des votes lors des élections européennes, il avait justifié son geste en avançant que la vie politique du pays exigeait de la clarification.

La clarification a eu lieu. Mais elle s’est accompagnée d’une atomisation des courants politiques qui pourrait se traduire par le possible démembrement de plusieurs formations politiques. Bref, par une recomposition totale de la scène politique à l’exception du RN. Détaillons.

La clarification

Dans les jours précédents le second tour des législatives, plus d’une firme de sondage assurait que le RN récolterait entre 240 et 270 sièges sur les 577 qui composent l’Assemblée. Et qu’il lui suffirait de convaincre, dépendamment des dossiers, un certain nombre d’élus du parti Les Républicains pour gouverner sans trop d’encombrements pendant un an. La majorité étant fixée à 289 sièges.

Le 7 juillet, les sondeurs s’étant encore trompés, on ne le souligne jamais assez, le RN a obtenu 37,25 % des voix et donc 143 sièges alors que l’arc républicain (Nouveau Front Populaire (NFP) plus, essentiellement, Renaissance plus Modem plus Horizons plus Les Républicains) organisé à la 4e vitesse pour faire barrage à l’extrême droite en a récolté près de 63 %. Le NFP dispose désormais de 180 sièges devant Ensemble avec 163 sièges.

Le refus clair et net des Français, quoi qu’on en dise, de voir le pays gouverné par l’extrême droite est par effet miroir la mise en relief de la morgue du jeune chef du RN Jordan Bardella, des contorsions programmatiques de ses cadres, du racisme et de l’antisémitisme qui distinguent encore et toujours les atrabilaires « rénistes » et enfin la stupidité et l’inculture générale d’un nombre imposant de candidats choisis par les caciques de cette formation.

En clamant ici et là sur le mode impératif que sans majorité absolue il n’irait pas à Matignon, Bardella a mis en lumière que face au vieux dilemme éthique de conviction versus éthique de responsabilité il choisissait toujours la première. En clair, qu’il restait un militant de base et non un politicien conscient de ses responsabilités.

Les marquis de la bien-pensance qui défilent sur les plateaux télé ont beau dire et répéter qu’il ne faut pas stigmatiser les électeurs du RN, que Marine Le Pen et son état-major ne sont pas d’extrême droite, qu’ils s’étaient appliqués à se dédiaboliser, il n’en reste pas mois que la réalité des faits a contredit les uns et les autres avec éclat. Les ségrégationnistes et les antisémites de France votent encore et toujours pour le RN ainsi qu’en témoignent le nombre de candidats ouvertement racistes.

À cet état des choses, il faut greffer une variable qui paraîtrait étrange de prime abord : la stupidité. Les enregistrements des réponses formulées par des candidats RN lors de débats organisés par les stations régionales et que Youtube propose, sont effarants tant la multiplication des commentaires niais, imbéciles est imposante. Le réseau CNN en a d’ailleurs fait son miel.

Que le RN ait permis à des crétins — ceci n’est pas une opinion mais un constat —, prouve comme si besoin était que contrairement à ses affirmations cette formation est loins de s’être professionnalisée. Affirmer qu’il suffit de diminuer l’immigration pour diminuer la dette relève de la … C’est au choix !

L’atomisation

Chronologiquement, l’atomisation a d’abord été constatée au sein de La France Insoumise. En bannissant de ses rangs quatre personnalités en vue de ce groupe parce qu’elles avaient osé réclamer plus de démocratie en son sein, dont une réduction des pouvoirs détenus par Jean-Luc Mélanchon, ce dernier a réussi la quadrature du cercle : l’ex-trotskyste a emprunté la recette du culte de la personnalité si chère à Staline, le père Joseph.

À la suite de ce coup d’éclat empreint de violences verbales, Clémentine Autain et surtout François Ruffin, ont décidé de couper les liens qui les unissaient à la France Insoumise. Mélenchon est désormais entouré de faire-valoir. Toutes les personnalités écartées entendent s’employer à la création d’un groupe d’au moins 15 personnes dans les prochains jours. Pourquoi 15 ? Si Ruffin et compagnie atteignent les 15 alors leur groupe est reconnu officiellement par les statuts de l’Assemblée et donc leurs frais de fonctionnement remboursés.

Lorsqu’on s’attarde au centre, au centre-droit et à la droite, autrement dit au bloc présidentiel et au parti Les Républicains le regard est aussitôt embrumé par les contradictions des uns avec les autres, par les paradoxes et les petits calculs de ceux qui se positionnent déjà en vue de la présidentielle de 2027.

Bon. Xavier Bertrand, puissant président de la région Nord-Pas-de-Calais est favorable à une coalition et-ou cohabitation avec Macron, Laurent Wauquier, nouveau président du groupe Les Républicains à l’Assemblée, y est opposé.

Bruno Retailleau, chef des sénateurs LR est opposé à toute alliance avec les macronistes. Gérard Larcher, président du Sénat, est favorable à une coalition, d’autres sont d’accord avec lui à condition que les sociaux-démocrates ne soient pas invités. François Bayrou, vieux centriste qui rêve d’une coalition davantage qu’une cohabitation, veut étendre celle-ci jusqu’aux sociaux-démocrates.

En fait lorsqu’on ausculte les allées et venues des uns et des autres, leurs inclinations, lorsqu’on pose la loupe sur leurs ambitions et leurs vanités, force est de constater que l’art du compromis n’est pas pour demain en terre de France.

Laisser un commentaire