À propos de l'auteur : Jean Dussault

Catégories : International

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Christian Tiffet

Jean Dussault

Même provenant d’un menteur, les mots ont un sens. Ceux prononcés par Donald Trump dans son discours d’investiture ont un sens inique.

Inouï

Il y a dénoncé  « l’utilisation vicieuse, violente et injuste du ministère de la Justice contre des opposants politiques (…) Plus jamais, l’immense pouvoir de l’État ne servira à persécuter des adversaires politiques, une situation que je connais bien. Nous ne permettrons pas que ça se reproduise. Cela n’arrivera plus. Sous ma gouverne, nous ramènerons une justice égale, équitable et impartiale sous la Constitution et la règle de droit ». (1)

Ces propos ne proviennent pas d’une envolée stimulée par une foule en délire.

Ils ont été pensés, préparés, révisés, rédigés et validés par une trâlée de conseillers.

Il s’agit d’un discours formel dans un moment solennel.

C’est la Justice-sous-Trump.

Pardon

Pour démontrer que la Justice ne servira plus de vils objectifs politiques, le 47e POTUS a fait libérer un trafiquant de drogues, condamné à perpétuité et emprisonné pendant quatre ans. L’homme, auto-proclamé libertarien, avait invoqué son droit fondamental de faire du commerce. Le président des États-Unis d’Amérique a mentionné dans son absolution royale que  « les libertariens m’ont beaucoup aidé dans ma campagne ».

Pour prouver que plus jamais un citoyen américain ne craindra que la Justice ne serve à d’odieuses manoeuvres partisanes, The Prez a annulé les condamnations de vingt-trois personnes trouvées coupables d’avoir, dans la version présidentielle, « manifesté contre l’avortement ».

Évidemment, personne n’avait été condamné pour avoir marché, crié ou prié contre l’avortement : les 23 avaient transgressé la loi qui interdit de bloquer l’accès à une clinique d’avortement. Cette loi a été, comme ça, abrogée par Trump.

La victime

La preuve que Trump avance pour démontrer que Madame Justice était biaisée, c’est Trump lui-même.

La feuille de route judiciaire du citoyen Trump est pourtant libre d’écueils politiques. Des condamnations antécédentes révèlent la fraude dans l’évaluation de ses actifs, des paiements illégalement débités à sa campagne électorale pour acheter le silence d’une « relation » et une importante peine pécuniaire pour compenser une calomnie criminelle.

Des causes en rien politiques.

Aucune qui n’ait l’apparence de l’odeur d’un semblant d’argument politique.

Au-delà des causes d’argent et de sexe et des deux, la victime du système judiciaire politisé de la République a été accusée par un grand jury de l’État républicain de la Géorgie d’avoir essayé d’y changer le résultat de l’élection de 2020.

Comme dans le cas de son incitation présumée d’empêcher la certification de sa défaite, il n’y aura pas de procès puisque l’honorable Cour suprême a statué que « the king can do no wrong ».

Le cas Biden

Dans ses derniers soupirs politiques, le président sortant Joe Biden a gracié préventivement des membres de sa famille. Clairement, le successeur et prédécesseur de Donald J. Trump a cru et craint que des partisans ou apparatchiks du nouvel élu ne s’en prennent aux siens parce qu’ils sont des Biden.

D’ailleurs, une flopée de grandes gueules trumpistes ont promis vengeance à hue et à dia. Tel qu’illustré par le chroniqueur de LaPresse+, Yves Boisvert, qui a recueilli les menaces d’un « prisonnier politique » libéré de la prison de Washington au lendemain du sacre de son idole et maître : « J’ai une liste de 1400 procureurs, journalistes, hauts gradés, politiciens, etc. »

Le premier sur la liste : le général Mark Milley, jadis chef d’état-major du 45e président, qui a qualifié son ancien patron de « fondamentalement fasciste » .

Biden s’est senti obligé de gracier aussi le général en question. Et même le docteur Anthony Fauci, l’ancien conseiller médical en chef des États-Unis qui avait heurté le sensible président en disant que la covid, c’est dangereux.

Plus

Descendant encore plus bas, l’administration qui prétend initier une « nouvelle ère » pour la magnifique nation qui sort de la noirceur règle d’autres comptes, à sa façon. Dix jours après l’intronisation du Maître, ce qui sert dorénavant de Department of Trump Justice a viré, congédié ou autrement menacé des policiers fédéraux (FBI) qui avaient enquêté sur l’émeute de 6 janvier 2021 et des procureurs qui avaient poursuivi et fait condamner des criminels de droit on ne peut plus commun.
Bien sûr, les motivations desdits criminels étaient politiques. Or, ces plus ou moins 1500 personnes n’ont pas été condamnées pour leurs opinions, mais pour leurs actes, parfois d’une extrême violence.
Personne n’a été puni à cause de sa cause, mais, pour Trump, la cause, sa cause est plus importante que le crime.
Point.
D’où les absolutions extra-judiciaries.
Lesdits condamnés l’avaient été par un système de justice, pas par une cour bidéenne.
Comme le prochain patron du FBI a affirmé qu’il lui faut avoir des agents qui respecteront les politiques du Président, il faudra dorénavant parler d’une police trumpienne.
Et constater que les numéros deux et trois dudit Trump Justice Department sont d’anciens avocats personnels du gourou.

Le 51e État

La comparaison avec l’utopique 51e État est bancale, mais le parallèle avec le « Truck You Convoy » d’il y a trois ans est irrésistible.
Le chef de l’opposition officielle était alors allé dans les rues d’Ottawa appuyer la contestation de la vaccination obligatoire contre la Covid-19.
Un chef politique a alors approuvé et encouragé une manifestation motivée par des opinions politiques où des crimes ont été commis.
Fin de la comparaison.
Pour saisir l’ampleur de la dérive trumpienne, il faudrait imaginer que le futur premier ministre conservateur du Canada congédie des policiers qui ont arrêté des contrevenants en janvier 2022 et des procureurs qui ont fait leur job.
Impensable, même inimaginable. Sauf dans la tête de Trump.

Donc

Les expulsions massives, le goût de faire de la Palestine un Gaz-a-Lago (2), l’Ukraine peut-être russe, les tarifs agressifs, des nominations inqualifiables, les grossièretés, le mépris, le « ‘fuck-you-all » remplissent le bien nommé pot-pourri des mesures annoncées par le Créateur de la Nouvelle Ère.
Au fond du baril poisseux, la perversion, la trahison, la politisation de la Justice.
En deçà des coups de gueule, une morsure profonde dans l’idée américaine.
Trump a pendu Madame Justice.

 

 

(1) « The vicious, violent and unfair weaponization of the Justice Department (…) Never again will the immense power of the state be weaponized to persecute political opponents. Something I know something about. We will not allow that to happen, it will not happen again. Under my leadership, we will restore fair, equal and impartial justice under the Constitution of the rule of law. »

(2) L’expression est de The Atlantic.

 

 

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