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Capture d’écran
Jean Dussault
Le plus grand cerveau de l’histoire de l’humanité n’aurait pas réussi à imaginer autant de mesures que Donald Trump ne l’a fait en moins de cent jours.
Tout ça ne peut pas provenir d’une seule tête, aussi grosse soit-elle.
D’un coup de crayon-feutre, Trump a gracié des criminels; d’un autre, il a interdit les pailles en papier pour ramener les pailles en plastique.
Dans une autre séance de photos, il a annulé des pardons que son prédécesseur avait accordés.
Plus les droits de douane, variables selon les jours et l’humeur, plus des congédiements à pleines portes, plus des expulsions de migrants, plus le 51e État, plus le Canal de Panama, plus le Groenland, plus la fumisterie des changements climatiques, plus le biais radical de gauche des juges nommés jadis par Barack Hussein Obama.
Plus l’illégalité des médias qui critiquent des décisions judiciaires.
Non, il ne peut pas faire tout ça tout seul; d’autant moins qu’il passe tellement de temps à écrire … y inclus au gouverneur du Colorado pour qu’il retire des murs du Capitole de Denver une photo qui ne lui plaît pas.
Bis : tout ça ne peut pas provenir d’une seule tête, aussi grosse soit-elle.
Quelqu’un quelque part s’occupe des affaires de la Nation.
Bannon
Il paraît que Trump n’écoute personne, mais qu’il a longtemps écouté son conseiller spécial pendant sa première présidence : Steve Bannon.
Devenu conseiller radical de dirigeants radicaux, Bannon a conclu que, traduction-maison, pitcher de la marde partout tout le temps est une fichue de bonne stratégie pour détourner l’attention.
Trump a entendu, Trump a compris, Trump a agi en conséquence : inonder au point de noyer l’actualité avec deux objectifs. Mêler tout le monde et faire parler de lui.
Réussi jusqu’ici.
Le plan
L’observateur distrait se demandera à quoi riment toutes ces décisions, tous ces décrets, tous ces diktats, tous ces ukases.
Or, ce n’est pas parce que ça semble tirer dans tous les sens qu’il n’y a pas un seul et unique objectif : affirmer et asseoir le pouvoir de Trump.
Trop rapidement pour ne pas avoir été planifié, un système composé d’une foule et d’une multitude, d’une masse et d’une meute d’intérêts et d’intéressés s’est mis en place pour dire oui. Même préventivement.
L’argent
Le cas le plus odorant est évidemment celui de Elon Musk. En deçà de la trop grande proximité, voire de la collusion et même de la corruption, les origines mêmes de l’homme le plus riche du monde sont apparues dans une décision présidentielle absolument étonnante : l’invitation à des opprimés d’un autre pays à venir se réfugier sous la protection des USA.
Non ! Il ne s’agit ni d’Afghanes ni d’Haïtiens, mais de Blancs d’Afrique du Sud menacés selon Trump par des lois racistes de Pretoria. Où Musk a encore une résidence même s’il a quitté son pays natal à 17 ans pour éviter d’y faire son service militaire.
Ajoutant à sa soudaine sensibilité aux ostracisés, Trump a annoncé dans son discours d’inauguration qu’il mettait en vente des cartes de citoyenneté à cinq millions l’unité pour inviter les riches persécutés de par le monde à venir payer des impôts à l’Oncle Sam.
Il a même publiquement déclaré qu’il connaissait personnellement des oligarques russes tout à fait sympathiques.
Très loin de l’accueil aux « accablés, aux pauvres, à ces masses prostrées qui aspirent à la liberté, aux rejetés des autres rivages » gravé au pied de la Statue de la Liberté.
La machine trumpienne travaille en faveur de la liberté de celles et ceux qui ont les moyens de se la payer.
Dieu
C’est écrit sur la monnaie du pays : In God We Trust.
Juste sous celle de l’argent, l’influence de Dieu est la plus grande à la Maison-Blanche.
Via la NAR, la New Apostolic Reformation, un mouvement qui veut moins de gouvernement et plus de Dieu dans les affaires publiques.
Un texte saisissant dans le numéro de février 2025 de The Atlantic raconte et explique la construction depuis quinze ans d’une coalition de la droite religieuse de toutes les dénominations autour d’une mission sacrée : établir maintenant sur terre le Royaume de Dieu puisqu’il y a trop de risques que trop d’âmes soient perdues et corrompues ici-bas avant d’aller frapper à la porte de l’éternité.
Pendant la campagne présidentielle de 2016, des leaders de la droite religieuse appuyaient des candidats plus publiquement pieux que Trump. Il a alors fait appel à des « apôtres » et à des « prophètes » de la NAR, des libertariens par définition opposés à une gouvernance civile des affaires de l’Homme. Son succès auprès de cette frange grandissante est visible dans une photo prise à la Maison-Blanche en 2019 : une douzaine de leaders de la foi, incluant des membres influents de la NAR, prient avec leur messie.
Objectif : l’abolition totale de l’accès à l’avortement, la fin des mariages gais et des droits LGBTQ. La négation des transgenres. La fermeture des écoles laïques.
Le principe de la doctrine est simple : l’action affirmative (Diversité, Équité, Inclusion), les programmes d’aide publique comme toute initiative sociale sont inutiles parce que dans le royaume de Dieu sur terre, il n’y a pas de racisme ni d’injustice puisque personne n’est identifié autrement que comme un enfant de Dieu.
Plus que dans le premier mandat de Trump, la plate-forme du NAR est depuis trois mois constamment dans les messages de son porte-parole suprême.
Au fait, Musk est allé faire un discours adulateur à une réunion du NAR et le président de la Chambre Mike Johnson arbore un drapeau du NAR sur son bureau.
Les États d’esprit
Occupé qu’il est à amener la paix en Ukraine et à Gaza, et à combattre l’inflation, Monsieur Le Président ne peut pas voir à toutes les urgences auxquelles son Amérique est confrontée.
Mais apparatchiks, carriéristes et autres militants conduisent le rouleau compresseur dans tous les recoins du pays pour l’ultime mission.
Une Canadienne a été emprisonnée par un sbire qui n’aimait pas son visa, des chercheurs canadiens se sont fait dire d’orienter leurs travaux en fonction des valeurs américano-trumpiennes, une bibliothèque à cheval sur la frontière Québec-Vermont a fermé sa porte américaine aux Québécois.
Des cas isolés, géopoliquement insignifiants, mais qui illustrent l’arrogance, la bêtise, le narcissisme, même la méchanceté qui émanent du magma du maga.
C’est parce qu’elle est en bronze que la Statue de la Liberté ne pleure pas.