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Serge Truffaut
L’immortel sieur Jacques II de Chabannes de La Palice qui reste le complice de tous les bipèdes habités par le principe de réalité nous l’a assuré, voire rabâché : le 25 mai prochain, Marshall Allen fera un pied de nez au temps puisqu’il aura 101 ans. CQFD : à la différence notable des académiciens de France et de Navarre, Maître Allen est comme l’ami de La Palice, soit un authentique immortel.
À la différence (bis), ici énorme, de tous les centenaires du globe et de l’au-delà — il dirige encore et toujours le Sun Ra Arkestra fondé par Herman Blount né sur Saturne mais parachuté sur terre pour nous panser des plaies diverses, aujourd’hui du trumpisme — , Messire Allen ne tient pas sur place.
En février, lui et les 14 membres de la « plus meilleure » grande formation de l’univers a fait le tour de l’Australie. Ce mois-ci, lui et ses acolytes ont soufflé les notes joyeuses, drôles et profondes entre Seattle et Baltimore. Le mois prochain, ils vont réduire les tarifs de la forfaiture économique à de la poudre de perlimpinpin en Angleterre, en Allemagne, en Grèce et en France. Plus de 100 ans ! Bonté divine !
Avant qu’on oublie, on tient à mentionner qu’il est si âgé, l’ami Allen, qu’il a fait la Deuxième Guerre mondiale au sein du 92nd Infantery Division, la surnommée Buffalo Soldiers Division. Au lendemain de ce conflit, il est resté à Paris pour étudier avec la très réputée — Igor Stravinsky l’admirait —, et redoutée Nadia Boulanger. Parmi ses élèves on a retenu les noms de Quincy Jones, Aaron Copland, Astor Piazolla, George Gershwin et Philip Glass.
Faute d’apprécier l’Arkestra sur une de nos scènes, nos producteurs locaux étant trop obsédés par la subvention pour s’occuper de la vitalité culturelle, on peut tout de même se régaler avec la nouvelle galette que propose depuis peu Allen et ses amis. Le titre ? Lights on Satellite produit par l’excellent label allemande In + Out Records.
Comme l’album précédent et ceux antérieurs au précédent celui-ci est une joie. On répète, mais autrement : ces lumières du satellite sont une fête. Car fondamentalement Allen est le maître alchimiste de la galaxie musicale. Les échos du passé sont fondus dans ceux du présent rythmés par une forte inclination pour la précision et la fluidité.
En s’appuyant sur les compositions de Sun Ra — 6 sur 10 que propose le disque — et celles écrites par des tiers, Allen et ses amis saxophonistes, trompettistes, trombonistes, percussionnistes, contrebassiste, guitaristes accompagnés parfois par un trio de cordes et une harpiste proposent rien de moins qu’une réactualisation de ce qu’on appelle le jazz à défaut d’un terme plus approprié.
Au ras des pâquerettes, comme dirait La Palice, le Sun Ra Arkestra touille le swing de Fletcher Anderson avec les lenteurs chères à Duke Ellington, les débordements d’Alban Berg, les effrois de John Coltrane, les colères de Charles Mingus, le vaudeville des années folles avec parfois des clins d’oeil aux folklores du monde.
Cet album qui fait donc la lumière sur un satellite jamais nommé est une réussite totale. Pleine, entière. Grazie mille Mister le Centenaire.
Quel plaisir de retrouver votre prose! C’est Nathalie qui m’a donné votre référence. J’aime beaucoup de musique de jazz, même si, je le confesse, je n’y connais rien. 101 ans, ça impressionne!!! Au Québec on a au moins notre Jeannette Bertrand qui dansait le twist à Radio-Canada, lors de la fête de son centième anniversaire.