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©Alexandre Sattier
L’un des forfaits proposés par la française CroisiEurope à bord du MS Lafayette sur la Moselle.
Diane Précourt
On les voit mouiller l’ancre dans les ports du monde, dominant considérablement les installations et les bâtiments voisins. Dans le ventre de ces véritables cités flottantes qui fendent les cours d’eau de la planète s’agglutinent des centaines, voire des milliers de voyageurs férus de tourisme maritime. Et une armada de membres d’équipage. Mais la croisière ne s’amuse plus lorsqu’on additionne les effets secondaires de ces mastodontes sur l’environnement. Malgré leur popularité, et même si les grandes compagnies membres de la Cruise Lines International Association (CLIA) s’efforcent d’adopter des mesures visant zéro émission de GES d’ici … 2050, ces paquebots naviguent en eaux troubles par les temps qui courent pour leur faible bilan carbone. Et devront peut-être ramer un peu plus fort en ce sens, notamment auprès des jeunes générations inquiètes de l’avenir du globe. Il existe toutefois un style de croisière à plus petite échelle, avec des bateaux qui non seulement emploient des méthodes durables, mais dont les clients jouissent d’une proximité et d’une convivialité salutaires pour qui veut se la couler douce sans faire trop de houle. CroisiEurope en est.
Basée à Strasbourg, en France, cette entreprise familiale cinquantenaire parcourt le monde un flot à la fois, avec un nombre réduit de personnes à bord : entre 16 et 200 passagers selon le navire. Et vogue la galère sur les canaux, les rivières, les fleuves et les mers. Axel Araszkiewicz est responsable des communications pour CroisiEurope et coauteur du livre Au fil de l’eau, qui vient de paraître aux Éditions Ouest-France et qui présente une vingtaine d’exemples de forfaits avec escales et activités à la clé. « Notre clientèle, pour moitié européenne et moitié internationale, y compris de nombreux francophiles, recherche une expérience dans un cadre intime. » À la française, dans la langue de Molière, avec un excellent pécule de paysages, de tranquillité et de gastronomie. Parole de l’auteure de ce texte, sans vous monter un bateau !
Aborder la croisière autrement
Lorsque les activités ont peu à peu repris à la suite de la plus grosse période pandémique, dit Axel AraszKiewicZ, nombre de voyageurs ont opté pour ce genre de périple à la fréquentation limitée, notamment afin de minimiser les risques de contamination. Avec pour effet collatéral la découverte inattendue d’une autre facette de leurs virées maritimes. Et ils en redemandent.
Voilà, au moins, une incidence heureuse des désastreux contrecoups induits par la Covid et qui en ont fait sombrer plusieurs. À quai pendant de longs mois, les navires n’ont pas été épargnés de besoins d’assistance et d’entretien. « Nous avons dû gérer une foule de situations inédites, prendre des mesures sanitaires drastiques et former du personnel », poursuit-il. Comme pour ce navire complètement bloqué pour cause d’interdiction de circuler, avec une clientèle à bord qu’il fallait entretenir, nourrir, divertir… « Des coûts énormes sans contrepartie financière. »
Mais il semble que cette période famélique qui a privé tant de gens de partir ait entraîné une ruée vers les nouveaux horizons une fois levées les suspensions. « La demande a explosé en 2023, pour se situer même au-delà de celle de 2019, soit avant la crise. » Si le croisiériste accueille chaque année quelque 200 000 personnes avec sa flotte de 50 navires et péniches, de formats restreints par rapport aux colosses des mers, les prestations proposées gardent jalousement une dimension humaine.
Dans son édition de janvier dernier, le magazine L’actualité présente également, sous la plume du collègue Gary Lawrence, quatre entreprises à la flotte modeste qui proposent des croisières davantage versées dans l’exploration de sites polaires ou autres excursions hivernales, notamment sur le fleuve Saint-Laurent avec la française Ponant depuis le 18 janvier dernier.
Voyager léger
De tout temps, la navigation a permis à l’humain de profiter des nombreux avantages qu’elle comporte, d’abord dans les grandioses expéditions des premiers explorateurs, puis dans les échanges territoriaux et le transport commercial. Pas étonnant qu’elle fascine encore de nos jours et que son pendant ludique ait suivi le courant.
L’ère des croisières à bord de giga-navires générateurs de pollution est toutefois revisitée, sur l’impact environnemental, certes, mais aussi sur la notion de calque d’une activité collée sur la mégalopolis.
Il est entendu que les gens continueront toujours de voyager, sur terre, sur l’eau ou dans les airs. Mais la faune globe-trotteuse parcourt de plus en plus le monde avec de nouveaux moyens à sa disposition pour minimiser son empreinte, tout en comblant une formidable passion. Suffit peut-être de surfer sur la vague anti-démesure et de repenser le modus vivendi touristique de façon aussi profonde que les eaux des mers.
