À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : International

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Serge Truffaut

Au cours des 23 jours qui ont suivi la performance affligeante de Joe Biden lors de son débat avec Donald Trump le 27 juin dernier, le président n’a pas cessé de souligner qu’il n’envisageait pas du tout abandonner la course. Au cours des 21 jours qui ont suivi le débat évoqué, les caciques du Parti démocrate, les leaders du Congrès avant tout, ayant une opinion différente de leur grand chef, ont observé le principe de réalité pour mieux le greffer ensuite au principe de précaution.

Sauver les meubles

Le principe de réalité ? Dans les quarante-huit heures qui sont suivi le débat, le leader des démocrates à la Chambre des représentants Hakeem Jeffries et des démocrates au Sénat Chuck Schumer, ainsi que d’autres élus, ont vite convenu que les chances de Biden venaient de se réduire comme une peau de chagrin. Et que bien des représentants et des sénateurs ( le tiers des sièges de la Chambre haute sont soumis au vote lors de l’élection présidentielle), seraient renvoyés dans leurs chaumières. En clair, selon leur analyse, Trump hériterait de l’exécutif et du législatif.

Pour les personnes nommées plus haut, il y avait donc urgence à observer le principe de précaution histoire de sauver les meubles. Au cours des quarante-huit heures évoquées, tout un chacun se doute qu’il y a eu multiplication de conciliabules, conversations téléphoniques entre élus et certains pourvoyeurs de fonds. Au coeur de ces échanges un nom revenait plus que d’autres : Nancy Pelosi.

Nancy la géographe

Avant toute chose, il est important de noter que le caucus des démocrates du Congrès a multiplié les appels du pied à son endroit alors qu’elle a pris sa retraite de la vie politique active. On insiste : l’ex-patronne de la Chambre (speaker) n’occupe plus de poste officiel, mais …

Mais elle est reconnue pour avoir une maîtrise hors du commun de la stratégie politique. Elle est également reconnue pour être une encyclopédiste de la géographie électorale. En bonne élue du législatif, elle cultive une connaissance marquée pour les humeurs politiques qui ont cours dans les 435 comtés et les 50 États du pays. Elle est d’ailleurs réputée pour accorder autant d’attention, voire davantage, aux sondages locaux que nationaux.

Quoi d’autre ? Pour employer une expression populaire, elle connaît son Joe Biden comme le fond de sa poche. Ils ont travaillé ensemble pendant 37 ans. Elle connaît beaucoup mieux Joe qu’elle n’a connu Barack Obama qui n’a fait qu’un mandat de sénateur de l’Illinois et Bill Clinton qui n’a jamais été membre du Congrès, mais gouverneur de l’Arkansas avant la présidence. Et puis, et puis, elle est une amie que Biden écoute attentivement, dit-on dans les labyrinthes du Congrès.

Aux dirigeants du parti, Pelosi a fixé d’emblée deux lignes : pendant trois semaines, nous essaierons de convaincre Biden de jeter l’éponge en restant bienveillant à son égard. Si au terme de ce délai, il n’a pas abandonné, alors ce sera la méthode dure et moi, de dire en substance Pelosi, je lui parlerai. Pour cette dernière ainsi que pour Jeffries et Schumer, il était de la plus haute importance que tout cela se fasse non pas dans les jours qui précèdent la convention démocrate prévue fin août mais bien dans les semaines. Bien.

Connaître avec exactitude

Entre le 29 juin et le 14 juillet, Jeffries et Schumer ont travaillé au ras des pâquerettes, c’est le cas de le dire, afin de connaître avec exactitude le sentiment de tous les représentants et les sénateurs démocrates. Pour Biden, le résultat était catastrophique. En effet, les deux leaders démocrates ont calculé qu’entre 70 et 80 % des élus priaient pour que Biden abandonne avant la convention.

Ces chiffres, Jeffries et Schumer les ont communiqués à Biden en personne au début de la semaine dernière et comme le délai des trois semaines était arrivé à son terme Pelosi a appelé Biden le lendemain.

De ce qu’ont rapporté le New York Times, le Washington Post et Politico, elle lui a dit sur le mode le plus affirmatif qui soit qu’il perdrait la présidentielle, la majorité au Sénat et un nombre imposant de sièges à la Chambre. Non seulement ça, sur le flanc du nerf de la guerre, soit l’argent évidemment, la suite s’annonçait catastrophique.

Cesser de rêver

Biden a rétorqué en lui disant que les données et les chiffres qu’on lui communiquait laissaient entrevoir une victoire probable le 5 novembre prochain. Alors Pelosi lui a demandé de mettre sur l’interphone Mike Donilon, son stratège en chef, et d’autres conseillers avant de leur servir une leçon de géographie électorale afin qu’ils cessent de rêver.

C’est au terme de cette discussion tenue le 16 juillet qu’une première inflexion s’est immiscée, si l’on peut dire, dans la tête de Biden. Sa certitude a fait place peu à peu au doute. D’autant qu’à la politique avec un grand P s’est ajouté l’accident, la variable par définition imprévisible : Biden a attrapé la Covid lors d’un événement à Las Vegas. Tout logiquement, son âge étant ce qu’il est, ses médecins lui ont signifié qu’il ne serait pas suffisamment en forme pour faire la tournée électorale prévue pour la semaine du 22 juillet.

La suite est connue : dans la soirée du 21 juillet avec ses proches conseillers il a écrit la lettre annonçant son retrait de la course. Il a décidé, c’est à noter, d’avoir recours à la rédaction plutôt qu’à la déclaration face à la caméra et en direct comme le fit Lyndon B. Johnson en 1968 car il était trop … fatigué !

Dans l’heure qui a suivi publiquement son annonce, soit le 21 juillet à 13h 46, le nom de la vice-présidente Kamala Harris comme candidate au poste suprême s’est répandu à la vitesse de l’éclair. La rapidité avec laquelle les ralliements à son nom se sont produits permet d’annoncer qu’Harris sera déclarée officiellement candidate lors de la convention du 19 au 22 août qui se tiendra à Chicago.

Une majorité de délégués ont d’ores et déjà indiqué qu’ils voteront pour elle.

Dans tout ça, l’argent est revenu en force. Depuis la démission de Biden et l’introduction de Kamala Harris sur la grande scène pas moins de 100 millions on été versés dans la caisse de cette dernière.

 

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