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Jean Dussault
Ça ne peut se passer qu’aux États-Unis.
Un ancien président veut reprendre le poste et le statut qu’il pense s’être fait voler par le président de la vice-présidente qui vient contester sa suprématie.
Harris veut parler de l’avenir, bla-bla-bla, tourner la page.
Le républicain accuse la démocrate d’avoir mené le pays à la ruine … économique, militaire, morale, nationale.
La femme reproche à l’homme d’avoir floué le bon peuple au profit de sa petite personne et des grandes fortunes.
La Noire traite le Blanc de raciste.
Il accuse son opposante d’être nulle, pire, d’être marxiste.
Un débat présidentiel est un combat de boxe sans gant.
Cette fois-ci entre une face de bœuf et un sourire.
Les préliminaires
Après la catastrophe démocrate du débat Biden-Trump, Mme Harris ne pouvait pas faire pire que son prédécesseur et M.Trump ne pouvait pas s’en tirer aussi aisément qu’en juin.
Les préludes
Au congrès républicain de juillet à Milwaukee, le candidat Trump a embrassé le casque d’un pompier volontaire tué par une des balles qui le visaient dans un discours en Pennsylvanie deux jours plus tôt.
Au débat de Philadelphie, il a dit que « c’est à cause d’eux, les démocrates, si on m’a tiré dessus ».
Au congrès démocrate du mois d’août à Chicago, la candidate Harris a raconté l’histoire de sa mère indienne immigrée aux USA pour en partager et en construire le rêve.
Sur ABC, elle a parlé de ses origines de classe moyenne à côté d’un homme « qui a hérité de 400 millions et qui a déclaré faillite six fois ».
Les pré-punch
À son premier discours en tant qu’aspirante à la présidence, la vice-présidente a voulu cadrer son opposant : « Des prédateurs qui abusent des femmes, des fraudeurs qui escroquent les consommateurs, des tricheurs qui contreviennent aux règles pour leur propre bien, donc croyez-moi quand je vous dis que je connais le genre de Donald Trump ».(1)
Il a traité sa nouvelle opposante de communiste et s’est, oui publiquement, demandé si elle est vraiment noire. Et, à la mi-août, Trump a affirmé, oui il l’a dit, avoir plus fière allure que Harris.(2)
L’allure
L’histoire contemporaine révèle que dans le premier débat télévisé entre deux candidats à la présidence des États-Unis d’Amérique, les téléspectateurs avaient préféré le jeune candidat démocrate, John F. Kennedy. Les auditeurs de la radio alors largement plus répandue que la télé avaient trouvé que le très expérimenté candidat républicain, Richard M. Nixon, avait « gagné ».
Comme quoi dans un débat à la télé, ce qui est vu est souvent au moins aussi important que ce qui s’y dit.
La preuve en a encore été faite cette fois-ci.
À gauche (!), Trump immobile, appuyé sur son lutrin. Enragé après 15 minutes.
De l’autre côté de l’écran, Harris le montrait du doigt, l’invectivait, le provoquait. Ce qui a donné un de deux résultats : ou elle l’a poussé dans le coin ou il s’est mis dans le coin.
Don vs Kam
Personne n’attendait qu’un ou l’autre des candidats/belligérants ne frappe l’imaginaire, et/ou un grand coup, par l’annonce de telle ou telle politique dans tel ou tel dossier. Les débats, là comme ici, n’ont pas pour but d’exposer l’ampleur intellectuelle et la valeur intrinsèque des orientations fondamentales des participants à l’exercice.
Dans ce cas-ci : entre la rage fait homme et une femme avenante.
Les plus
L’ex-président a marqué des points en demandant à la démocrate ce qu’elle avait fait sur l’économie, sur la frontière pendant ses trois ans et demi à la vice-présidence. Dans un pays où les élections se décident sur l’état de l’économie, c’est là le principal argument des républicains.
L’aspirante à la présidence a sonné son adversaire sur la question de l’avortement, le forçant à répéter l’imbécilité sur des avortements après la naissance.
Les moins
Trump a réussi à descendre plus bas que d’habitude en radotant que des immigrants illégaux mangent des chats et des chiens dans l’État de son candidat J.D. Vance …
Il a inventé une baisse de la criminalité dans le monde entier causée par l’exportation massive de criminels et de terroristes aux États-Unis, ce qui cause, selon lui, la plus forte hausse de la criminalité aux USA. Et, soyons clairs, les statistiques du FBI qui contredisent cette fabulation « sont une fraude ».
Harris a la plupart du temps évité de répondre aux questions de la paire d’animateurs, par ailleurs plutôt professionnels. Sur l’économie comme sur l’immigration, elle n’a que répété qu’il faut penser à l’avenir plutôt qu’au passé.
Les mensonges
Le détecteur de mensonges du réseau CNN a dénombré 33 faussetés par Trump, une par Harris.
Trump a dit après l’exercice qu’il avait fait « un de ses meilleurs débats ».
Les attentes
L’animosité politique aux États-Unis oblige à conclure que tous les partisans de Trump souhaitaient qu’il écrase son opposante; que tous les pro-Harris rêvaient qu’elle règle le cas de son adversaire.
Donc, il faut un gagnant.
Dans ce cas-ci, ça a été une gagnante.
Évidemment,Trump contestera cette évaluation généralisée.
Le rêve
Au congrès démocrate du mois d’août à Chicago, la mairesse de Los Angeles a affirmé que Kamala Harris n’a peur de rien. Dans le dernier débat, la vice-présidente a prouvé à son opposant qu’elle n’avait pas peur de lui non plus.
Ce qui fait sans doute peur à Donald Trump.
(1) « I am much better looking than she is »
(2) « Predators who abused women, fraudsters who ripped off consumers, cheaters who broke the rules for their own gain. So hear me when I say, I know Donald Trump’s type. »