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Chloé Dugas
Eduardo Malpica
Louiselle Lévesque
Le corps d’Eduardo Malpica a été retrouvé dans les eaux du Saint-Laurent dans la Baie de Beauport à Québec le 31 mai 2023. L’homme de 44 ans était porté disparu depuis la nuit du 26 novembre 2022 au sortir du café-bar Zénob de Trois-Rivières. Les causes et les circonstances de sa mort demeurent nébuleuses aux yeux de sa famille qui a présenté en novembre dernier une demande d’enquête publique au coroner en chef du Québec dans l’espoir de faire la lumière sur toutes les questions restées sans réponses.
Son histoire
Né à Lima au Pérou, Eduardo est arrivé au Québec en 1995 par l’entremise du programme de réunification familiale. Il a 17 ans et il vient avec sa mère et sa sœur rejoindre son père qui a obtenu le statut de réfugié politique et qui s’est installé à Montréal cinq ans auparavant.
Eduardo a étudié à l’Université du Québec à Montréal. Il y a fait un baccalauréat en science politique et une maitrise en sociologie qu’il a terminée en 2014. Il a vécu dans la métropole jusqu’à son déménagement à Trois-Rivières en 2021.
Il quitte alors Montréal avec sa femme et leur jeune enfant pour aller travailler au Comité de Solidarité de Trois-Rivières dans des projets de coopération internationale. Puis il décroche un poste de professeur au Collège Laflèche où il enseignera la sociologie à partir de janvier 2022. C’était son rêve d’enseigner au CEGEP nous dit sa conjointe Chloé Dugas.
La soirée fatidique
Le soir précédant sa disparition, il participe à un évènement organisé par le Comité de Solidarité qui se tient au Musée POP et décide de terminer la soirée avec des collègues au café-bar Zénob. Ses amis quittent les lieux, Eduardo se retrouve seul. C’est là que les choses s’enveniment.
Une première bagarre éclate vers 1h30 du matin qui aurait été déclenchée par le fait qu’une femme aurait repoussé Eduardo parce qu’il aurait eu des gestes déplacés à son endroit. Un groupe d’hommes se serait porté à la défense de cette femme et aurait battu Eduardo.
Selon les images de la caméra de surveillance que Chloé Dugas a visionnées, Eduardo a l’air d’être couché par terre en train de se faire tabasser, le groupe d’hommes s’écarte et Eduardo se relève. Il regarde dans le vide. Il semble en détresse et ne rien comprendre de ce qui lui arrive nous dit-elle.
Puis raconte-t-elle, des hommes reviennent, trainent Eduardo vers l’avant du bar, le battent encore une fois. Enfin, Eduardo se fait jeter hors de l’établissement et une autre altercation se produit à l’extérieur. Les versions divergent quant à la gravité de cette dernière échauffourée. Mais selon sa conjointe, Eduardo est vu pour la dernière fois sur la caméra vers les 2h, titubant en s’éloignant du café-bar.
Sa disparition
On est fin novembre, c’est la nuit. La température est sous zéro et Eduardo n’a pas son manteau ni ses effets personnels laissés dans le bar dont son porte-monnaie.
Personne ne l’a revu ensuite à l’exception d’une dame qui affirme l’avoir croisé dans la journée du 26 sur l’heure du midi au Parc Victoria. Elle soutient avoir échangé avec lui quelques instants, lui avoir offert un manteau qu’il aurait refusé. Elle précise qu’il aurait décliné son nom au complet soit Pedro Eduardo Malpica Ramos, ce qu’il ne faisait jamais nous assure sa conjointe.
C’est sur la base de cette déposition faite à la police de Trois-Rivières dans les jours qui ont suivi sa disparition que les enquêteurs ont privilégié pendant un long moment la piste d’une fugue ou d’un départ volontaire estime la conjointe d’Eduardo. Elle se demande pourquoi avoir accordé autant de crédibilité à ce témoignage qui sème énormément de doutes dans son esprit.
« Parce qu’elle savait comment il était habillé et qu’elle connaissait des détails sur ce qui c’était passé ce soir-là ?» Sauf poursuit-elle que ces informations avaient été largement diffusées sur les réseaux sociaux par tous les gens qui s’étaient mobilisés dès la première heure pour retrouver la trace d’Eduardo.
La thèse de la police
Selon la version de la police que nous rapporte Chloé Dugas, Eduardo aurait été « honteux de ce qui c’était passé ce soir-là, qu’il était venu à Trois-Rivières pour refaire sa vie, qu’il avait tout gâché et qu’il s’en allait refaire sa vie ailleurs ».
Selon elle, la police est convaincue qu’il est parti de son plein gré et est persuadée qu’il n’a pas été victime d’un acte criminel malgré les incidents violents survenus juste avant sa disparition.
Balayée aussi la possibilité qu’Eduardo ait pu être drogué ce soir-là, comme cela est assez courant dans bien des bars, ce qui pourrait expliquer estime sa conjointe qu’il semblait perdu sur les images de vidéo surveillance et qu’il avait un comportement inhabituel.
Une vision en tunnel
« Depuis le début, la police de Trois-Rivières a banalisé la violence qu’a subie Eduardo affirme Chloé Dugas. Il s’est quand même fait agresser par plusieurs individus. On parle de cinq ou six individus si ce n’est pas plus. »
« Je ne peux pas vous dire honnêtement pourquoi la police tenait mordicus à dire que c’était un départ volontaire. Moi j’ai l’impression que c’était une façon de s’en laver les mains. »
« Le discours qu’on me servait c’était : on ne peut pas retrouver quelqu’un qui ne veut pas se faire retrouver, quelqu’un qui veut rester caché. Donc, on va attendre qu’il nous donne des nouvelles. »
Les enquêteurs croient qu’il a quitté la ville, on ne sait pas comment. Aucune transaction sur son compte bancaire n’a été détectée après sa disparition. Comment fait-il pour vivre sans un sou ?
Puis ils avancent l’hypothèse qu’Eduardo devait être en situation d’itinérance à Montréal poursuit Chloé Dugas. « Vraiment un truc qui n’avait aucun sens, encore une fois pour s’en laver les mains. »
Au bout de quelques mois, nous confie-t-elle, la police a commencé à dire qu’il devait être mort, qu’il avait dû se suicider.
Manquement à l’éthique professionnelle
Le 31 mai 2023, un corps est retrouvé dans le fleuve à Québec. Il est transporté au Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale à Montréal où il est formellement identifié. Il s’agit bien d’Eduardo Malpica.
Le 2 juin, la police de Trois-Rivières se rend au domicile de Chloé Dugas pour lui annoncer la terrible nouvelle et lui faire part de la conclusion de l’expertise médico-légale qui confirme « que le corps ne présente aucune trace de violence ni ne soutient de thèse criminelle ayant causé le décès ».
C’est ainsi que la conclusion est libellée dans le communiqué émanant de la Direction de la police de Trois-Rivières et mis en ligne pendant que les policiers sont encore chez–elle. « Je n’avais pas fini de parler avec la police que je recevais des dizaines de messages de condoléances alors que j’étais encore dans le processus d’apprendre la nouvelle. »
La sœur d’Eduardo l’a appris par Facebook poursuit-elle. « Le temps que la police s’en aille et que j’appelle sa sœur, elle était déjà en pleurs et avait déjà lu sur Internet que son frère était mort. »
« C’est comme s’ils étaient tellement pressés d’envoyer le communiqué de presse pour se justifier qu’ils ont complètement fait fi de toute règle. »
À son avis, la police n’avait qu’un objectif : prouver qu’elle avait raison et confirmer la thèse du suicide, c’est-à-dire qu’Eduardo se serait jeté à l’eau le jour même de sa disparition. Mais ce scénario n’est pas plausible selon Chloé Dugas parce que son conjoint n’avait pas de tendance suicidaire et qu’en plus il avait une peur terrible de l’eau. C’était une véritable phobie précise-t-elle.
Lui redonner sa dignité
« Pour moi, le plus important là-dedans, nous dit Chloé Dugas, c’est d’être capable de redonner de la dignité à Eduardo parce que j’ai l’impression que depuis le début il s’est fait dépouiller de sa dignité peu à peu par la police. »
Elle a le sentiment qu’il a été déconsidéré à travers cette tragédie qui lui a coûté la vie. « Déjà le fait de dire que c’est un homme qui a abandonné sa femme et son enfant, que c’est quelqu’un qui se cache et qui se sent coupable parce qu’il a fait quelque chose de pas correct. »
Et elle affirme avoir déployé beaucoup d’efforts pour parler de lui, pour que les gens apprennent à le connaître pour ce qu’il était « parce que j’ai l’impression que la police n’en a jamais fait une victime mais en a fait un coupable. »
Des préjugés ?
Chloé Dugas s’interroge sur le traitement qui a été réservé à ce dossier de disparition. Est-ce que la police n’a pas sauté un peu vite aux conclusions en raison des origines d’Eduardo en se disant « c’est bien sûr qu’un gars latino se bat dans les bars. C’est bien sûr qu’un gars latino abandonne sa famille sans y penser à deux fois. »
Et elle rapporte que son conjoint a été la cible de commentaires racistes au cours de cette soirée dans le bar qui a changé son destin car elle a la conviction profonde qu’il serait toujours vivant s’il n’y avait pas mis les pieds.
Demande d’enquête publique
Le dossier est maintenant entre les mains du coroner en chef adjoint, Luc Malouin, qui doit décider si une enquête publique est nécessaire pour bien comprendre les circonstances entourant le décès d’Eduardo Malpica.
Le coroner Malouin nous dit que le rapport d’enquête policière qu’il a reçu est extrêmement détaillé comptant au-delà de 800 pages. Il doit aussi prendre connaissance du rapport d’autopsie et du rapport de toxicologie avant de se faire une idée.
Le coroner va devoir évaluer s’il est nécessaire d’entendre des témoins parce que les déclarations écrites auraient besoin d’être clarifiées : « Il y a peut-être des choses qui pourraient être ajoutées. Dans certains cas, les déclarations sont parfaites et suffisantes mais parfois on a besoin de nuances, on a besoin d’entendre la personne. »
Il y a peut-être aussi des discussions à avoir avec la famille ajoute-t-il. « C’est normal qu’un coroner parle à la famille et réponde à ses questions qui sont tout à fait justifiées. »
Luc Malouin devrait faire ses recommandations au coroner en chef d’ici la mi-février.
Cette histoire mérite une enquête plus poussée. Les individus qui l’ont frappé où sont-ils? et ont-ils retrouvé ses effets personnels.?
Toute l’enquête doit être ouverte?
Une enquête doit être ouverte!
Eduardo Melpica et sa famille méritent être traités avec respect et justice.
Comme d’habitude au Québec, le gars latino est tenu pour méchant, tandis que les vagabonds assassins et racistes sont automatiquement protégés par une police encore plus raciste qu’eux. Il est honteux que l’on fasse fi de la perception et de la compréhension de la société sur l’enjeu que représente le racisme au Québec. L’ONU devrait franchement se pencher sur la question au sein de la Commission des droits de l’homme. #Honte
À toutes lumières. Le fait constate un carence d’empathie et un racisme voire xénophobie inoue. Il est clair que tous ces institutions s’en fichent royalement de dénouement de la situation lorsqu’il s’agit des personnes racisees.
Après et d’après l’autopsie, il n’y avait aucune trace de violence… S’il s’est fait battre à 2 reprises, ça dois laisser des traces ??