À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : International

Partagez cet article

Russell T. Vought, directeur du très puissant Bureau de la gestion et du budget (Office of Management and Budget) : dur d’entre les durs.

Serge Truffaut

Tomàs de Torquemada avait marqué l’histoire du XV e siècle en particulier et de l’histoire tout court en ayant été Inquisiteur Général d’Espagne. À ce titre, il avait imprimé sur le cours des choses, torture aidant, le culte de l’antisémitisme, la haine du musulman, du différent quel qu’il soit. Sous ses ordres, celui qui ne se soumettait pas devait être brutalisé, violenté, pour dire le moins.

Russell T. Vought, directeur du très puissant Bureau de la gestion et du budget (Office of Management and Budget), en est l’héritier direct, la copie carbone. Réputé être des durs d’entre les durs, Bob Hadelman, ex-directeur de cabinet de Richard Nixon, Donald Rumsfeld, ex-directeur de cabinet de Gerald Ford et Dick Cheney, ex-vice-président de Bush Jr, étaient de braves chefs scouts comparativement à Vought.

Car lorsqu’il a été nommé chef d’orchestre du budget et de la fonction publique il s’est engagé illico à « traumatiser tous les fonctionnaires ». Il s’est promis de tout faire pour qu’ils se rendent à leur travail  « la peur au ventre ». En tant que principal architecte du Projet 2025, le programme présidentiel élaboré par le centre de réflexion d’extrême-droite Heritage Foundation, il avait dévoilé son inclination pour la torture mentale, intellectuelle. Depuis son installation à son poste il s’emploie à traduire celle-ci dans les faits. Et ce, sans aucun ménagement.

La censure imposée

Lorsqu’il s’est installé à la Maison-Blanche, Trump était accompagné, on ne l’a pas remarqué, de Janus, le dieu romain aux deux visages. Côté lumière, côté spectaculaire car le chaos doit être injecté dans le présent, le 47e président des États-Unis avait opté pour Elon Musk. Côté ombre, côté sombre car la revanche doit être l’un des principaux moteurs de l’exercice du pouvoir Trump a donc choisi Vought.

L’architecture intellectuelle, idéologique, politique de ce dernier est en fait l’alchimie entre le Nationalisme Chrétien (Christian Nationalism) dans sa version sud-africaine, le Radicalisme Constitutionnel (Radical Constitutionalism) qui doit remplacer la théorie dite interprétation originaliste de la Constitution (Originalist Interpretation) qui singularise l’actuelle Cour suprême depuis des années et enfin la doctrine dite « Unitary Executive » qu’on ne sait comment traduire avec précision.

Pour faire court, vraiment court, disons que l’architecture intellectuelle de Vought vise à vider la démocratie de sa substance, à la réduire à un succédané politique propre à berner la cohorte des crédules afin d’imposer la présidence impériale dont Donald Rumsfeld et Dick Cheney furent les premiers avocats lorsque le premier était directeur de cabinet de Gerald Ford et le second son adjoint.

À l’époque, ce duo, tétanisé par la réduction des pouvoirs imposée dans la foulée du Watergate mais aussi des interventions militaires effectuées ici et là, notamment au Chili, sans que celles-ci furent communiquées aux membres du Congrès, ce duo donc avait réagi de manière agressive afin que la présidence dispose d’une plus grande concentration des pouvoirs.

Toujours est-il que c’est sur le front des idées que Vought a imposé ses vues dans les jours suivant son installation. De la manière la plus hypocrite qui soit, il a ordonné l’interdiction d’user d’une centaine de mots de tous les programmes, bourses, sites et autres agences gouvernementales. Hypocrite ? C’est grâce aux limiers du New York Times que nous disposons de la liste des interdits. Ces derniers ont additionné tous ceux qui avaient été dévoilés dans les mémos des différentes administrations. En clair, Vought n’a pas établi une seule et unique liste.

Des interdits en question on retient que Trump et les siens se sont attaqués et s’attaquent encore et toujours aux femmes (female, feminism, women, pregnant person etc) à tout ce qui forme les LGBTQ (sexuel preference, gender identity etc.) les Noirs, les Asiatiques, les Autochtones et les musulmans (racial diversity, racial justice, segregation, Native American etc…).

À cela il faut ajouter, on s’en doute, tous les mots que l’on conjugue avec les défis écologistes, le réchauffement climatique, les handicapés, la santé mentale, les immigrants, les différences culturelles, les populations dites vulnérables et d’autres groupes ou valeurs qu’on oublie.

La portée de la liste est si ample, si profonde, si radicale, si nauséabonde qu’elle s’avère l’écho moderne des lois de Nuremberg de 1935. Ceci n’est vraiment pas une opinion mais bel et bien le constat le plus terre-à-terre qui soit. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’article du New York Times paru le 7 mars dernier sous le titre : These Words Are Disappearing in The New Trump Administration.

Le 29 janvier dernier, aux sons des tambours et des trompettes Trump a signé le décret Ending Radical Indoctrination in K-12 Schooling au nom de la mise en berne du tryptique Diversité, Équité, Inclusion (DEI). En clair, il a rayé d’un trait de plume les politiques introduites par John F. Kennedy en 1961 avec son décret 10925 et par Lyndon. B. Johnson en 1964 par le décret 11246 dont l’objectif était la mise entre parenthèses de la ségrégation sous la majorité de ses formes.

Que vise l’ordre de Trump ? Enlever des bibliothèques scolaires tout livre jugé litigieux par les dévots des villes et villages qui surveillent les agissements des directions des collèges. Le 4 avril, Pete Hegseth, secrétaire à la Défense, obéissait aux ordres de Vought en élargissant l’interdit commandé par Trump aux adultes étudiant à la Naval Academy. Pas moins de 381 ouvrages ont été brûlés.

La liste est proprement sidérante. Tous les romans et essais écrits notamment par des Noirs ont été mis à la poubelle. Toni Morrison, Maya Angelou, James Baldwin  « out ». Tous les livres traitant des méfaits du Ku Klux Klan, du lynchage et autres sujets « out ». Par contre, Mein Kampf d’Hitler demeure sur les rayons. Bref, l’éducation des jeunes officiers se fait désormais aux forceps.

Soit dit en passant, selon l’inventaire réalisé par Le Pen International le nombre de livres interdits dans les écoles et collèges est passé de 2532 en 2021-2022 à plus de 10 000 en 2023-2024.

Le réseau de l’éducation mis à part, conformément à ce que stipule le premier paragraphe du Projet 2025, Trump s’est attaqué aux grandes institutions culturelles, aux musées. À la mi-mars, il se « nommait » président du conseil du John F. Kennedy Center for the Performing Arts et s’engageait à bouleverser la gestion et les programmes du Smithsonian Institute car selon lui ce dernier est en fait le « Black Smithsonian ».

Et après ça, les éditorialistes et commentateurs habités par des pudeurs de gazelles affirmeront que le 47e président n’est pas raciste.

Outre les femmes, les Noirs, les homosexuels et autres, outre les écoles et bibliothèques publiques, outre les médias, les juges et les avocats, outre les entreprises qui observent encore et toujours les règles du DEI, Vought et les têtes pensantes du Heritage Foundation financé par le 1 % des plus riches entendent abattre ce qu’ils appellent la 4ème branche. Au nom de quoi ? Le Nationalisme Chrétien.

Le fantôme nazi

Le Heritage Foundation a été fondé le 16 février 1973 par trois citoyens américains pétris par une affection marquée pour le nazisme. Les deux idéologues de cette organisation s’appelaient Paul Weyrich et Edwin Feulner. Le troisième qui fut en fait leur financier s’appelait Joseph Coors, l’héritier d’une brasserie qui fut le financier historique des groupes d’extrême droite. Pour donner une mesure du fanatisme qui distinguait cet homme, on rappellera que pour lui « derrière chaque Noir se cache un communiste qu’il faut abattre ».

De ces trois personnages tous d’ascendance allemande, comme d’ailleurs Trump et Vought, Weyrich fut le patron, donc le plus plus influent. Excédé par les libéralités introduites par Vatican II en 1965, Weyrich se convertira à l’église grecque melchite dont il sera diacre, car il était déjà un militant fervent de la version sud-africaine du Nationalisme Chrétien qui s’aligna sur les principes du national-socialisme dont la hiérarchisation des races. Jusqu’à sa mort en 2008, donc hier, Weyrich va militer pour la réduction du droit de vote, notamment, voire surtout, des Noirs.

Pour atteindre ses objectifs, il fera de Laszlo Pasztor son bras droit. Particularité de ce dernier, il fut un des principaux dirigeants du parti nazi hongrois pendant la guerre et collaborateur de Hitler. Rien de moins. À travers leurs basses œuvres, le duo Weyrich-Pasztor va injecter, c’est le cas de le dire, les saillies de l’apartheid dans le corps politique des États-Unis.

Elon Musk et l’Allemand Peter Thiel, surnommé la tête pensante de la Silicone Valley et co-fondateur de PayPal, sont leurs héritiers. À leurs côtés, ainsi qu’aux côtés de Vought et Trump se trouvent les autres fondateurs et milliardaires de PayPal dite la PayPal mafia, dont Roelof Botha petit-fils de Pik Botha, ex-ministre des Affaires étrangères de l’apartheid. Dans le cas de Thiel on doit préciser qu’il a fait une partie de sa scolarité dans ce pays lorsque son père y était ingénieur. Lors de ses études à Stanford, Thiel se fera l’ardent défenseur de l’apartheid.

Comme ils militent tous, Vought évidemment en tête, pour une organisation verticale de la société, une hiérarchisation des classes, pour l’instauration en fait d’un régime monarchique donc autocrate, ils s’appliquent par leurs réseaux sociaux et leurs milliards à l’étouffement des poumons de la démocratie.

Ainsi, au nom du « radical constitutionnalism » Vought et les siens veulent abolir l’indépendance bureaucratique accordée aux agences qui dépendent directement du pouvoir exécutif. Soit, l’Environmental Protection Agency (EPA), la Federal Communications Commission (FCC), la Stock and Exchanges Commission (SEC), la Réserve fédérale (FED) et le ministère de la Justice.

Ils veulent également abolir le Civil Services Protections, car ils entendent engager des fonctionnaires tous loyaux au président et renvoyer ceux qui ne le sont pas. Tout logiquement, ils veulent abolir l’examen que fait toujours le FBI sur les personnes choisies pour occuper les postes de direction des ministères et agences fédérales.

Ils veulent enfin abolir la loi dite Congressional Budget and Impoundment Control Act votée en 1974 afin de mettre un terme aux débordements budgétaires de Nixon. Bref, Vought tient à gommer toute balise bridant le pouvoir de dépenser du président.

En clair, l’avenir du culte de la personnalité et l’arbitraire qui lui est inhérent s’annonce radieux pour une minorité, maléfique pour la majorité.

2 Commentaires

  1. Jules César 14 avril 2025 à 2:39 am-Répondre

    Instructif.

  2. Forget Jacinthe 23 avril 2025 à 7:25 pm-Répondre

    C’est toujours aussi désolant à lire, ces comparaisons avec la montée du nazisme. Etant donné la fin funeste d’Hitler et de son régime, on se demande bien pourquoi, il est si urgent de le copier et d’orienter l’Amérique dans cette voie. Hitler n’a pas réussi et je lui prête plus d’intelligence qu’à Trump… alors?

Laisser un commentaire