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Charleslloyd.com
Charles Lloyd propose depuis le milieu des années 90 un album par an.
Serge Truffaut
Il y a longtemps, le saxophoniste et compositeur Charles Lloyd était grand. Longtemps, mais encore demandera-t-on ? Depuis les années 1960 et plus précisément depuis la publication de l’album Forest Flower. Depuis ce temps lointain, il est resté grand. Avec Sonny Rollins, Benny Golson et Roscoe Mitchell il est membre de la bande des vieux grands. John Zorn, Steve Coleman ? Ils sont plus jeunes.
Avec une régularité métronomique, le vieux grand Charles propose depuis le milieu des années 1990 un album par an. Là, il vient de sortir sur étiquette Blue Note The Sky Will Be There Tomorrow en compagnie des gros canons du jazz d’aujourd’hui et d’hier, soit Larry Grenadier à la contrebasse, Brian Blade à la batterie et Jason Moran au piano. Avant qu’on ne l’oublie, précisons qu’il s’agit d’un double album ou double CD, pour emprunter au langage « post-moderne-hip-hop-branché ».
Avant de poursuivre, il faut absolument s’arrêter sur un instrument : le piano. Car depuis les années 1960, notre saxophoniste s’est distingué par le choix méticuleux de pianistes aptes à touiller les gammes du jazz avec les harmonies de la musique classique. Lloyd affectionne particulièrement Alban Berg, Alexandre Scriabine. Claude Debussy, Maurice Ravel et surtout Belà Bartok qu’il a étudié à l’université.
Donc, au piano il a d’abord engagé dans les années 60 Keith Jarrett. En fait, on devrait écrire : il a découvert Jarrett. Puis il y a eu le Français Michel Petrucciani, le Suédois Bobo Stenson et les Américains Brad Meldhau, Geri Allen, Gerald Clayton, Jason Moran. Surtout Moran. Avec ce dernier il a enregistré une dizaine de disques.
Aux débordements vers la musique classique, il faut ajouter ceux vers la pop disons psychédélique des années 1960 et 1970. Le leader des Beach Boys et ami Brian Wilson a fait souvent appel à lui pour enregistrer ses albums et l’accompagner sur scène. De cette fréquentation, qui résume à bien des égards la culture californienne de ces années, lui vient de ce goût pour l’aventure, la méditation et l’ailleurs.
Tous les genres musicaux combinés, Lloyd et sa flûte, Lloyd et ses percussions, fut le pionnier avec Don Cherry, les membres de l’Art Ensemble of Chicago, le tromboniste Roswell Rudd et trois ou quatre autres de l’intégration des musiques du monde dans leur univers musical.
Et le jazz dans tout ça ? Il est toujours bel et bien présent. Sous sa forme musicale bien évidemment, mais aussi voire surtout sous sa forme mémorielle. Dans son nouvel album, il rend hommage à une de ses passions artistiques, soit Billie Holiday pour laquelle il a composé The Ghost of Lady Day.
Ce faisant, il se rappelle que le jeune Charles Lloyd né le 15 mars 1938 à Memphis, Tennessee, fut d’abord un musicien de blues. Dans les années 1950, il accompagna en effet B. B. King, Bobby Blue Bland, Howlin’ Wolf et Johnny Ace.
L’autre exercice de mémoire s’intitule Booker’s Garden. Une hommage rendu à son ami d’enfance et grand trompettiste Booker Little, mort beaucoup trop jeune, à 23 ans. Comme Lloyd, Booker Little était originaire de Memphis.
Ce nouvel album, ce The Sky Will Be There Tomorrow, se caractérise par le souci appuyé pour la mélodie fondue dans la méditation et les facettes de la finesse. Cet album confirme comme si besoin était que cette dernière, que cette finesse est la marque qui distingue mister Lloyd.
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Si cela vous dit, écoutez sur YouTube les deux chefs-d’oeuvre que Lloyd a enregistrés dans les années 2000 : Mirror en quartet publié en 2010 sur étiquette ECM et Athens Concert publié en 2011 également par ECM et réalisé notamment avec la chanteuse grecque Maria Farantouri.