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Après avoir plaidé le « danger imminent de l’État », Timothy McVeigh est condamné à mort en 1997. Son complice Terry Nichols purge toujours sa peine à perpétuité à Florence au Colorado.
Il y a 30 ans, le 19 avril 1995, Timothy McVeigh approche un camion piégé bourré de 2200 kilos d’explosifs devant l’édifice fédéral Alfred P. Murrah d’Oklahoma City. À 9:02, la charge explose et pulvérise instantanément la moitié du bâtiment de neuf étages. Bilan : 168 morts dont une trentaine d’enfants à la garderie ce matin-là, et près de 700 blessés. Reconnu coupable, McVeigh sera exécuté six ans plus tard. Aujourd’hui, sa haine du gouvernement est toujours bien vivante.
Dominique Lapointe
En tant que journaliste, j’ai toujours eu un faible pour les catastrophes de toutes natures, qu’elles soient naturelles, technologiques, sanitaires ou sociales. Non pas par voyeurisme, mais parce que leurs causes, les crises qu’elles engendrent et leur résolution sont de francs révélateurs des cultures des sociétés touchées.
L’attentat d’Oklahoma City, l’affaire d’un homme aidé principalement d’un complice, Terry Nichols, était saisissante à l’époque. Comment un citoyen américain, tout jeune vétéran militaire de 26 ans, avait-il pu cultiver une telle haine des autorités pour faire sauter un édifice gouvernemental qui abritait quatorze services fédéraux, dont la US Army, le Corps de Marines et des agences de contrôle des armes et des drogues telles que la DEA et d’ATF ? Le pire acte de terrorisme intérieur de l’histoire du pays.
D’une famille éclatée, mais tout de même intentionnée, McVeigh s’engage dans l’armée en 1988 où il rencontre Nichols qui devient vite son bro. C’est dans ce contexte que la passion des armes le gagne, une passion qui deviendra une sorte d’obsession à son retour de la guerre du Golfe aux frontières de l’Irak.
De foires d’armes en échecs professionnels, il rumine les frustrations sur des Noirs et les immigrants qui voleraient les emplois des Blancs. Mais le siège raté contre la secte des Davidiens de Waco au Texas en 1993 et qui fait 82 morts le marque profondément. Il est convaincu que le gouvernement complote pour désarmer les citoyens américains.
En 1994, une nouvelle loi du président Clinton sur l’interdiction de fabrication des armes artisanales à domicile lui confirme que le gouvernement « devenu fou » et ses forces de l’ordre ont un plan pour asservir la population, un projet caché d’État profond qui n’a plus rien à voir avec la sécurité nationale. Un délire complotiste conscient et assumé qu’il reproduira dans des lettres de sa main avant son exécution six ans plus tard.
Ce triste anniversaire de l’attentat d’Oklahoma m’a sauté aux yeux cette semaine.
Quand on sait que des milices comme celles qu’a côtoyées McVeigh sont plus que jamais actives aux États-Unis, que certains de ces membres, souvent d’anciens militaires, étaient de l’émeute du 6 janvier 2021 pour tenter de bloquer l’élection de Joe Biden, qu’ils ont été graciés par Trump, que certains ont été arrêtés de nouveau pour différents délits depuis, et même un tué parce qu’il menaçait la police, on cherche à comprendre le sens de cette haine et surtout de cette paranoïa à l’endroit du système qui nourrit l’engouement pour le gouvernement actuel.
Hier encore, le secrétaire à la Santé halluciné Robert F Kennedy jr se disait convaincu que son patron et son second Elon Musk s’attaquaient à l’État profond. Le problème c’est l’État profond est une fabulation complète, et comme il n’existe pas, pour MAGA, il ne reste que l’État … à démanteler.