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Le pape viendra au pays dans les prochains jours, ostensiblement pour présenter les excuses de l’Église catholique aux autochtones victimes de ses agissements délétères. Soit.
Jean Dussault
Seule la mauvaise foi peut nier les dégâts causés par le colonialisme et seule la mauvaise foi peut nier les bienfaits apportés par le colonialisme. Comme dans tant et tant de dossiers, tout dépend du bout de la lorgnette.
Il Papa
Il appartient au chef de l’Église catholique de dire ce qu’il veut dire et d’assumer ce qu’il veut assumer. Celles et ceux qui y entendront la reconnaissance des torts causés aux peuples autochtones par des ensoutanés peuvent espérer qu’il en ressortira quelque chose de positif; celles et ceux qui y verront la capitulation devant une rectitude imposée par la mode conclueront à une génuflexion inappropriée.
La retenue absente
Les hautes autorités responsables de la visite du Saint-Père assurent qu’à la grand-messe de Sainte-Anne-de-Beaupré, le 28 juillet, la majorité des places disponibles ont été réservées aux communautés autochtones, soit 70% des sièges intérieurs et 70% des sièges extérieurs.(1)
Cela est insuffisant, selon le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), qui craint «un rendez-vous manqué». Ghislain Picard fait partie des leaders autochtones qui, depuis des années, d’ici et jusqu’à Rome, prient le pape de venir au Canada pour absoudre les péchés colonialistes et racistes de son Église.
Recto-verso
Pourtant, le chef des chefs s’est déclaré pris de court par l’obligation «subite» de remplir des chaises réservées: «Nous n’avons que quelques jours pour fournir 400 noms. Comment pouvons-nous faire ce choix alors que nous estimons le nombre de survivantes et survivants des pensionnats à quelques milliers chez les Premières Nations?»(2)
Petit rappel d’une grosse manœuvre
C’est une firme de relations publiques de Washington qui a permis d’imposer le point de vue des Bosniaques contre celui des Serbes sur la scène politique et médiatique dans les années 90. C’est un relationniste très talentueux, James Harff, qui a imposé à tout le monde le concept de « nettoyage ethnique » pour caractériser l’attitude des Serbes.(3)
Bien avant les faits et les preuves accumulées depuis la guerre en ex-Yougoslavie, il y a maintenant trente ans, la sentence était tombée dans l’opinion publique.
Un doute … profond
De façon analogue, il y a un verdict final sur les cimetières à la fois anonymes et autochtones avant que l’enquête à ce sujet ne soit finie, avant même qu’elle ne soit vraiment amorcée.
Pourtant, des questions émergent ci et là.
Le cas de Kamloops
La tristesse, la frustration et, aussi, la colère des Tk’emlúps te secwépemc de Kamloops étaient aussi justifiables qu’indéniables quand a été annoncée au printemps 2021 la découverte, par géoradar, des restes de quelque 200 enfants autochtones disparus.
La cheffe Rosanne Casimir n’a pas confirmé hors de tout doute ; « la présence de ces dépouilles est « un savoir » dans la communauté depuis longtemps (4).
La recherche
La chercheure universitaire responsable des observations n’a elle non plus pas fait les affirmations qui ont fait les manchettes : elle a trouvé plusieurs « perturbations dans le sol telles que des racines d’arbres, du métal et des pierres ». Ce serait « des signatures multiples qui en font un lieu d’enterrement probable », mais elle ne peut le confirmer sans qu’une excavation soit faite. Malheureusement, le rapport complet ne peut être remis aux médias, indique la porte-parole de la communauté. Pour la cheffe Casimir, « il n’est pas encore clair si la poursuite des travaux sur le site de Kamloops impliquera des fouilles». (5)
Il est très indélicat de soumettre des arguments de nature technique dans une situation avec une telle charge émotive, et, oui, politique. Il est ausi habituellement réservé aux religions d’exiger une foi aveugle sans faits avérés.
Comparaison
L’hypothèse ici est que si une compagnie minière déclarait qu’une situation potentiellement grave n’entraînera peut-être pas plus d’enquête, si un ministre de la santé affirmait qu’il ne sait pas ce qui se passe parce que son ministère n’a pas fait assez d’études… ça soulèverait quelques questions.
Or, il appert que les géoradars détectent des affaissements de terrain, mais pas des ossements humains.
L’essaim
Cette horrible histoire en a essaimé des similaires d’un bout à l’autre du Canada, donc forcément au Québec.
Il eut été plus correct de la part des chefs de la vérifier avant de la proclamer, il eut été plus honnête de la part d’élus émus de la confirmer avant de s’en désoler.
Les médias
Il est aussi absurde de parler de «les» médias que de «les» hommes, «les» femmes, «les» Chinois, «les» Arabes, tous «les» ceci et tous les «cela».
Néanmoins, le constat est clair : il y a eu plus de raportage que de reportages sur les cimetières secrets.
Guère plus que quelques chroniques et opinions.
Pas de questions. Pas d’enquête
D’ici deux semaines, le leader spirituel de l’Église catholique soupèsera tout ça.
Il faut lui souhaiter que Dieu soit avec lui.
1-https://www.journaldequebec.com/2022/07/01/visite-du-pape-il-ne-faut-pas-en-faire-un-rendez-vous-manque–
2- id.
3- Médias- Quand les relat#1EDABE6
4-Citée dans L’Action nationale – Où#1EDAAB6
5- 2 Jana G. Pruden and Mike Hager, “Anthropologist explains how she concluded 200 children were buried at the Kamloops Residential School,” Globe and Mail, 15 et 16 juillet 2021; Courtney Dickson, Bridgette Watson, « Remains of 215 children found buried at former B.C. residential school, First Nation says », CBC News, 27 et 29 mai 2021.