À propos de l'auteur : Serge Truffaut

Catégories : International

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Serge Truffaut

Le moins que l’on puisse dire est que le choix par Kamala Harris de Tim Walz comme éventuel vice-président des États-Unis a passablement surpris. Il y a encore une dizaine de jours, le nom de ce gouverneur du Minnesota ne figurait pas sur la liste des cinq candidats potentiels à ce poste. Et voilà qu’au cours de la dernière étape inhérente à cette décision, Walz a pour ainsi dire doublé tous les favoris.

Ces derniers s’appelaient Pete Buttigieg, ministre des Transports, Andy Beshear, gouverneur du Kentucky, Jay R. Pritzker, gouverneur de l’Illinois, Mark Kelly, sénateur de l’Arizona, et Josh Shapiro, gouverneur de la Pennsylvanie. En soi, la mécanique arrêtée par Harris pour départager les uns, des autres, révèle combien elle est méticuleuse, obsédée par les détails.

En effet, aux membres du comité mis sur pied au surlendemain de l’abandon de Biden et chargé de lui suggérer trois candidats au final, Harris avait demandé que soit établie une liste comprenant 100 questions. On répète : 100 questions, 100 détails. De quoi effrayer le diable en personne qui, dit-on, s’y cache.

Le jeudi 1er août, Buttigieg fut rapidement rayé de la liste. Homosexuel affiché, le comité l’a écarté car jugeant qu’un ticket l’associant à une femme qui plus est noire et d’ascendance indienne formerait la configuration parfaite, si l’on peut dire, du politiquement correct.

Ensuite ce fut Beshear pour manque d’expérience et gouverneur d’un État, le Kentucky, qui est doté de huit grands électeurs seulement comparativement à 19 pour la Pennsylvanie, l’État de Shapiro. Après lui, ce fut Pritzker pour une raison toute simple : étant l’héritier des hôtels Hyatt, il symbolise les ultras riches.

Le vendredi 2 août, la liste communiquée à Harris comprenait donc les trois noms des personnes avec lesquelles elle mènerait une entrevue : Kelly, Shapiro et Walz. Si Kelly avait une meilleure maîtrise du dossier migration que ses homologues, son profil d’astronaute n’en faisait pas un candidat susceptible de séduire notamment les électeurs du Midwest.

Grand favori pendant toute cette période, Shapiro fut éliminé pour son ambition. On s’explique. Au cours de son entrevue, il a posé mille et une questions sur son rôle. Sur ce qu’il pourrait faire et ne pas faire exactement. Il a, dit-on, mis en relief son souci d’être dans la lumière. Bref, Harris l’a écarté car elle ne voulait pas que son numéro deux soit également un concurrent. Alors que …

Alors que ce n’était pas du tout le cas de Walz. Non seulement, Walz n’a jamais songé batailler pour la présidence, il coche surtout toutes les cases. Il est un vétéran de la Garde nationale, il y est resté 24 ans. Il a été professeur au secondaire. Il a été coach de l’équipe de football de son collège. Quoi d’autre ? Il est un mâle blanc. Il n’est pas de confession juive ou musulmane, mais bien luthérienne. Il fut syndicaliste.

Walz le contraste

En d’autres mots, Waltz est ce qu’Harris voulait absolument : que le ticket démocrate propose un fort contraste. Elle est, faut-il le rappeler, de Californie, un des deux États honnis, l’autre étant New York, par un pourcentage important de citoyens du Midwest. Elle est fille d’un couple ayant fait des études supérieures, un couple de mandarins universitaires qui plus est nés à l’étranger.

Et puis, et puis, comme Barack Obama, Bill et Hillary Clinton elle est avocate.

En Walz, Harris a trouvé le type même de personne beaucoup plus à l’aise qu’elle ne l’est pour séduire les ruraux — pendant 12 ans il a été représentant d’un comté peuplé par une forte majorité d’agriculteurs —, les travailleurs de GM, d’Alcoa et autres Boeing, des mineurs de Virginie, sans oublier les dirigeants syndicaux qui d’ailleurs ont rempli la caisse électorale d’Harris. depuis la nomination de Walz

Il a par ailleurs une bonne maîtrise de dossiers internationaux. Après avoir été professeur en Chine pendant un an, il s’y est rendu à 30 reprises. Il a une bonne connaissance du mandarin. Dans le cadre de l’Operation Enduring Freedom, soit de la Guerre en Irak, il a été déployé en Italie en 2003 et 2004. Il en est ressorti avec deux médailles.

En tant que gouverneur du Minnesota, il s’est fermement opposé à la décision de la Cour suprême sur l’avortement et continue de s’y opposer. Il a toujours soutenu les revendications des gays. Il est chasseur, mais favorable au contrôle des armes à feu. Quoi d’autre ? Ce fervent amateur de Bob Dylan, Bruce Springsteen et Prince a baptisé une autoroute du nom de ce dernier après son décès.

Enfin, il y a eu les mots. Dans l’entourage de Harris, on a laissé entendre que le nom de Walz a été inscrit sur la liste après son passage remarqué sur CNN. Lors de son entrevue avec un animateur du réseau, il a qualifié le duo Trump-Vance de « weird », bizarre. Plus tard, il dira les trouver « crazy », fous. Cette prestation, le choix des mots, son franc-parler ont convaincu Harris.

Trump désorienté

Dans les jours qui ont suivi la nomination de Walz, Trump et son colistier JD Vance n’ont rien trouvé de mieux que d’attaquer à leur manière usuelle, soit la brutale, le bilan du gouverneur histoire de le faire passer pour un dangereux « libéral », soit un gauchiste. Au milieu de leurs attaques, ils ne se doutaient pas que l’une d’entre elles aurait un sacré effet boomerang.

En effet, après avoir crié à hue et à dia que Walz avait fait ceci et cela, ce dernier a eu ce commentaire: « Quel mal y a-t-il de vouloir que les enfants mangent à leur faim dans les écoles ? » En tant que gouverneur, il avait fait voter une aide alimentaire pour les enfants, les pauvres surtout.

Sa réplique a eu une conséquence néfaste pour le duo de républicains. Les sondeurs assurent que si Harris a pris les devants dans deux États clés de la région, le Michigan et le Wisconsin c’est grâce en partie à la réponse apportée par Walz à leurs attaques.

Dans l’entourage de Trump, ceux et celles qui se confient emploient souvent le même vocable : désorienté. Les uns et les autres assurent que cela date depuis l’abandon de Biden. Tout à coup, assurent-ils, les arguments utilisés contre Biden et notamment sur son âge se sont retournés contre nous. Vingt ans sépare le républicain de la démocrate.

Dans cette désorientation il y a de cela, mais aussi des faits strictement électoraux. Auprès de la tranche d’âge des 20-35 ans que cette campagne laissait indifférents jusqu’ici, l’introduction de Harris sur la scène a eu un effet puissant : des centaines de milliers d’entre eux se sont inscrits sur la liste électorale, près de 40 000 en une journée. Et la majorité d’entre eux ont dit qu’ils accorderaient leurs votes à la démocrate.

Le choix de Walz, la personnalité de celui-ci, son affabilité, ont accentué la désorientation de Trump. À tel point, qu’il est en colère de jour comme de nuit. Il l’est en permanence. Bref, la panique constatée chez les démocrates après le débat télévisé Trump-Biden en juin s’est installée dans le camp adverse.

Un commentaire

  1. Mario Rivest 13 août 2024 à 1:06 pm-Répondre

    Excellente analyse.

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