À propos de l'auteur : Antoine Char

Catégories : International

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Malgré ses déboires judiciaires, Donald Trump caracole dans les sondages loin devant ses concurrents républicains. Il battrait même Joe Biden, si la présidentielle de 2024 devait avoir lieu aujourd’hui. Il est inoxydable grâce à sa base électorale radicalement à droite. Le Parti républicain n’a pas attendu l’arrivée de l’ex-star de télé-réalité pour suivre le mouvement.

Antoine Char

C’est un peu comme l’histoire du Génie sauf qu’il ne réintègre pas docilement la lampe d’Aladin. Bien au contraire, Donald Trump après avoir accompli toutes les volontés de la droite extrémiste du Parti républicain refuse de disparaître du paysage politique américain plus de deux ans après avoir quitté à marche forcée la Maison-Blanche.

Et même si, ô miracle, il le faisait à cause de ses poursuites judiciaires sans fin dont celle du 9 mai où il a été reconnu responsable au civil d’agression sexuelle sur une ex-journaliste, cela ne changerait rien. Les mythes ont souvent la peau dure : la radicalisation du parti de l’éléphant ne date pas de Donald Trump. Elle a commencé peu après l’assassinat en 1865 d’Abraham Lincoln.

« Bourbon democrats »

L’inflexion droitière du Grand Old Party, né en 1854 sur les cendres du Parti whig (1),  s’est accélérée à mesure que s’estompaient les souvenirs de la Guerre de sécession et le GOP a même fini par dominer les anciens États de la Confédération, ce Solid South qui a longtemps voté en bloc pour le Parti démocrate.

Ces « bourbon democrats » conservateurs ont été influents au sein du parti de l’âne jusqu’aux années 1960. (2)

Avec la victoire de Barry Goldwater à l’investiture républicaine de 1964, les positions ultra-conservatrices du sénateur de l’Arizona firent tache d’huile.

Son discours s’inspirait grandement de celui de Joseph McCarthy (1908-1957), ce sénateur républicain du Wisconsin qui dans les années 1950 fit trembler toute la classe politique avec son anticommunisme à tous crins et surtout ses théories du complot.

Goldwater sera écrasé politiquement par le président sortant Lyndon Johnson. Il ne remporta que 38,4 % des suffrages contre son rival démocrate. Mais en 1980, Ronald Reagan, un de ses grands admirateurs, entrera à la Maison-Blanche avec notamment ce slogan Let’s make America great again, repris en 2016 par Donald Trump.

Sans le dire ouvertement pour ne pas trop s’aliéner ses partisans modérés, le GOP est en communion avec cette phrase restée célèbre de Goldwater : « L’extrémisme dans la défense de la liberté n’est pas un vice. »

Jouer la carte conservatrice

Peu importe le républicain briguant le fauteuil présidentiel il doit jouer à fond, à quelques variantes près, la carte conservatrice. Et, s’il ne le fait pas la John Birch Society, fondée en 1958 par Robert Welch, fabricant de bonbons à la retraite, veille au grain.

L’association conservatrice du Wisconsin est aujourd’hui en bonne compagnie avec une ribambelle de think thanks dont le Cato Institute, fondé par le milliardaire Charles Koch, et le Project for the New American Century créé en 1997 afin d’enrayer le déclin de la défense américaine.

Il y a aussi les mouvements d’extrême-droite comme Qanon ou les médias tels que Fox News qui a payé en avril 784.5 millions $ à une entreprise de machines de vote électronique afin d’éviter un procès pour avoir propagé la fausse thèse d’une présidentielle truquée en 2020. Ou encore la nouvelle génération de militants conservateurs issus du Tea Party, mouvement populiste qui hanta les dernières années de Bush fils.

On le voit, un républicain se lançant dans l’arène politique est en « bonne compagnie ». Et il sera toujours entouré par un Pat Buchanan, deux fois candidats aux primaires présidentielles républicaines après avoir été conseiller politique de Nixon, Ford et Reagan, ou un Alex Jones, roi des théories conspirationnistes sur les réseaux sociaux, ou encore un Rush Limbaugh, animateur de radio et surtout porte-voix des positions extrêmes du GOP, encensé par Trump lors de sa mort il y a deux ans.

American Psychosis

« Pendant des décennies, le GOP et le mouvement conservateur ont encouragé et profité de l’inquiétude, la colère, la paranoïa et les griefs de la droite », rappelle David Corn dans American Pyschosis.

Est-ce nouveau ? Bien sûr que non. « La paranoïa, le conspirationnisme et l’hystérie ont fait partie de la vie publique américaine bien avant la naissance de la nation », précise le journaliste de Mother Jones.

Si le feuilleton politique que vivent actuellement des millions d’Américains avec Trump, un ancien démocrate, devait se poursuivre, le parti de l’éléphant aurait alors du plomb dans l’aile.

Mais, note Marion Douzou, maîtresse de conférences en civilisation américaine à l’université Lumière Lyon-2 « soutenir que le Parti républicain est devenu un parti d’extrême droite serait excessif, mais le long travail de sape du parti organisé par des générations de militants, ainsi que quatre années de présidence Trump, l’ont transformé en une coquille vide sans positionnement idéologique clair, qui continue à s’adresser presque exclusivement à un électorat blanc. (3)

Dans tous les cas, comment le parti de Lincoln a-t-il fini par choisir Trump ? « Les élites du parti étaient divisées et très vite il a su monopoliser l’attention médiatique », note Philipp Rocco, professeur associé au département de science politique de l’Université Marquette à Milwaukee (échange de courriels).

Dit autrement, la base républicaine se sentait « orpheline », sans voix et en optant pour Trump en 2016 elle rejetait l’establishment du parti qui en 2013 avait déjà ces mots : « Nous sommes devenus experts dans la façon de fournir un renforcement idéologique aux personnes partageant les mêmes idées, mais nous avons de manière dévastatrice perdu la capacité d’être persuasif ou accueillant envers ceux qui ne sont pas d’accord avec nous sur tous les points. »

Pour l’heure, la paranoïa et les théories du complot ont trouvé un vivier naturel avec le GOP, mais ce phénomène n’est pas proprement américain. Il touche toutes les démocraties, à preuve la montée des populismes en Occident.

Le Génie de la lampe merveilleuse d’Aladin est partout …

  • (1) https://books.openedition.org/pur/41851?lang=fr
  • (2) https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2008-1-page-159.htm
  • (3) https://journals.openedition.org/chrhc/18635
  • (4) https://www.washingtonpost.com/news/the-fix/wp/2013/03/18/the-10-most-important-points-in-the-growth-and-opportunity-project/

2 Commentaires

  1. Mathilde Béland 13 mai 2023 à 11:32 am-Répondre

    Merci pour cet article intéressant qui met en lumière la position dominante de Donald Trump dans les sondages malgré ses déboires judiciaires. Il est vrai que sa base électorale radicalement à droite reste fidèle et continue de le soutenir. L’article souligne également l’inflexion droitière du Parti républicain, qui ne date pas seulement de l’ère Trump, mais qui remonte même à l’après-guerre de Sécession.

    Il est intéressant de voir comment le GOP s’est aligné sur des positions ultra-conservatrices au fil du temps, avec des figures telles que Barry Goldwater et Ronald Reagan, qui ont influencé la rhétorique et les politiques du parti. Les mouvements conservateurs, les think tanks et les médias conservateurs ont également joué un rôle clé dans la consolidation de cette base idéologique.

    Il est vrai que le phénomène de radicalisation politique et de montée des théories du complot n’est pas propre à l’Amérique, mais touche plusieurs démocraties à travers le monde. Il est important de comprendre les dynamiques qui sous-tendent ces tendances et d’analyser leur impact sur la politique et la société.

    Merci encore pour cet article qui soulève des questions pertinentes et encourage la réflexion sur l’évolution du Parti républicain et de la politique américaine dans son ensemble.

  2. Nina About 4 juin 2023 à 5:26 pm-Répondre

    La popularité persistante de Trump, malgré ses controverses, illustre la puissance de sa base conservatrice radicale. L’article démontre comment la radicalisation du GOP est enracinée dans l’histoire du parti, bien avant Trump. Ce n’est pas uniquement un phénomène américain, mais une tendance mondiale mettant en évidence l’attrait des discours populistes dans les démocraties actuelles. Un regard éclairant sur l’état de la politique américaine et mondiale.

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